2021

Les ailes d’un «oiseau génétique» nous protègent contre les virus

Des chercheurs de l’UNIGE démontrent que toutes les populations sont aptes à se protéger contre une grande variété de virus, grâce aux deux gènes immunitaires HLA les plus diversifiés chez l’humain.
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Modélisation des liaisons HLA-peptides, formant les deux ailes d’un oiseau en vol.© UNIGE

 

Les populations de diverses régions géographiques ont-elles le même potentiel pour se défendre contre les pathogènes, et plus particulièrement contre les virus? Analyser les génomes humains, notamment au niveau des gènes HLA responsables du système immunitaire dit adaptatif, permet d’apporter des éléments de réponse. Ces gènes, qui présentent une très grande variabilité entre individus, codent pour des molécules capables de reconnaître les différents virus afin de déclencher la réponse immunitaire appropriée. Dans une étude à lire dans la revue Molecular Biology and Evolution, des scientifiques de l’Université de Genève (UNIGE), en collaboration avec l’Université de Cambridge (Royaume-Uni), identifient les variants HLA se liant le plus efficacement à des familles de virus. Ils démontrent ainsi que malgré la grande hétérogénéité des variants HLA chez les individus, toutes les populations bénéficient d’un potentiel équivalent dans la protection contre les virus.

La première ligne de défense du corps humain consiste à reconnaitre les virus comme corps étranger. Pour ce faire, des molécules appelées antigènes des leucocytes humains (Human Leukocyte Antigen, HLA) reconnaissent les peptides —les chaînons composant une protéine— des virus. Les molécules HLA se lient ensuite à ces fragments et les exposent à la surface des cellules, déclenchant une cascade de réactions immunitaires destinées à éliminer le virus.

Les gènes qui codent pour les HLA de type A et de type B intéressent plus particulièrement les chercheurs, car ils jouent un rôle primordial dans la capacité à reconnaître la très vaste étendue de différents peptides issus des virus pathogènes pour l’humain. «Ce sont les gènes les plus polymorphes de notre génome. Nous pensons que l’existence d’une telle quantité de variants génétiques HLA chez l’humain est le résultat d’une sélection naturelle conférant, au cours de notre évolution biologique, une meilleure protection des individus face à la grande hétérogénéité des virus. Ces gènes nous permettent ainsi d’adapter sans cesse notre immunité,» explique Da Di, chercheur au Département de génétique et évolution de la Faculté des sciences de l’UNIGE et premier auteur de la publication.


Simuler l’immunité par modélisation informatique

«Afin de simuler ce qui se passe lorsque des individus sont exposés à des virus différents, nous avons utilisé des outils informatiques permettant de prédire des forces de liaison entre les molécules HLA et les peptides sur la base de leurs propriétés physico-chimiques,» rapporte Alicia Sanchez-Mazas, professeure au Département de génétique et évolution de la Faculté des sciences de l’UNIGE et responsable du projet. Dans cette étude, deux bases de données ont été utilisées. La première recense 3’000 différents variants des molécules HLA-A ou HLA-B. «Nous avons ensuite créé la seconde en générant de façon aléatoire 200’000 peptides de 9 acides aminés, soit les briques qui composent les protéines. Ce nombre incroyable de peptides simule l’immense variété de morceaux de virus possibles dans la nature,» explique Da Di.

La modélisation de ces forces de liaison a permis de constater que les molécules HLA-A et HLA-B reconnaissent distinctement des familles de peptides très différentes, et donc potentiellement autant de virus. «Lorsque ces forces de liaison sont représentées graphiquement, on peut voir que les peptides (en gris sur la figure) les mieux reconnus par les molécules HLA-A (en rouge) forment l’aile d’un oiseau, tandis que ceux reconnus par les molécules HLA-B (en bleu) forment l’autre aile. Notre immunité face au virus ressemble donc aux deux ailes d’un oiseau qui jouent un rôle conjoint et complémentaire», s’enthousiasme José Manuel Nunes, chercheur au Département de génétique et évolution de la Faculté des sciences de l’UNIGE et co-auteur de la publication.


Quand diversité rime avec égalité

Les auteurs se sont par ailleurs intéressés à la variabilité des molécules HLA au niveau des populations. En raison d’un plus faible brassage génétique, certaines populations présentent un nombre de variants limité, suggérant que certaines populations seraient potentiellement moins bien protégées face à certaines familles de virus. Cependant, en analysant les variants de 123 populations mondiales, les chercheurs ont constaté que systématiquement, chaque population possédait des molécules capables de reconnaître des familles de virus très différentes. «Ceci indique que même dans des populations qui ont une variabilité génétique réduite, telles que les populations natives d’Australie qui présentent très peu d’allèles pour les gènes HLA, des molécules du système immunitaire capables de contrer des virus de familles très différentes sont présentes, leur conférant un potentiel protecteur équivalent aux autres populations,» conclut Alicia Sanchez-Mazas.

6 janv. 2021

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