Un cancer très agressif vaincu en trois mois
Une équipe de l’UNIGE et des HUG est parvenue à sauver la vie d’une femme dont le cancer agressif lui laissait cinq mois d’espérance de vie. Ce «miracle» met en lumière l’importance des traitements fondés sur l’immunothérapie.
PET-CT-scanner montrant la tumeur du rein avec les métastases hépatiques et pulmonaires (gauche, flèches). PET-CT-scanner après la disparition complète des tumeurs à 6 mois (droite). © UNIGE
La lutte contre le cancer ne se solde pas toujours par une victoire. Aujourd’hui, les principaux traitements sont l’ablation chirurgicale de la tumeur, la chimiothérapie, la radiothérapie et, dans une moindre mesure, la stimulation du système immunitaire. Une équipe de l’Université de Genève (UNIGE) et des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) a traité une personne diabétique ayant développé une tumeur sur un rein qui lui avait été greffé neuf ans auparavant. Le cancer, très agressif, lui laissait statistiquement cinq mois d’espérance de vie. Rareté de ce cas: la tumeur provenait du rein du donneur et non de la patiente elle-même. Cette particularité a permis aux scientifiques d’attaquer la tumeur via un renforcement choc de son système immunitaire, ce qui lui a sauvé la vie. Aujourd’hui, sept ans après, cette femme se porte bien et n’a plus développé de cancer. Les résultats de cette étude, à lire dans la revue Transplantation, démontrent l’importance du développement de l’immunothérapie.
Les personnes souffrant de diabète de type 1 subissent un dérèglement qui certes, touche principalement la gestion de l’absorption du sucre dans le sang, mais qui sur la durée impacte les différents organes du corps, notamment les reins, les yeux et le cœur. «L’insuffisance rénale chez les diabétiques est un problème connu, relève Raphaël Meier, chercheur au Département de chirurgie de la Faculté de médecine de l’UNIGE et ancien chef de clinique au Service de chirurgie viscérale et transplantation des HUG. Lorsque les reins ne font plus leur travail correctement, la dialyse devient indispensable, puis une greffe combinée rein et pancréas leur permet de regagner en qualité de vie.» Grâce à cette greffe, les patient-es ne doivent plus s’injecter de l’insuline quotidiennement, mais ils et elles doivent toutefois prendre des immunosuppresseurs à vie afin que leur système immunitaire ne rejette pas les organes greffés. «Il en découle un risque accru de contracter des infections, voire de développer des tumeurs,» poursuit le chercheur genevois.
Une femme au cancer très agressif
Une femme diabétique depuis l’âge de 10 ans et en prédialyse a bénéficié d’une greffe rein-pancréas à l’âge de 41 ans aux HUG. Les organes greffés provenaient d’un donneur masculin de 20 ans. «Tout s’est très bien passé, son taux de sucre et sa fonction rénale se sont immédiatement stabilisés et normalisés,» se souvient Raphaël Meier. Pourtant, neuf ans plus tard, lors du contrôle annuel, les médecins remarquent une masse dans le rein. Ils décident de l’opérer immédiatement et constatent qu’il s’agit d’une grosse tumeur, avec des métastases qui se sont déjà disséminées dans les intestins, le foie et les poumons. «Ce type de tumeur, appelée cancer de Bellini, offre une espérance de vie de cinq mois environ avec traitement, il s’agit d’un des cancers les plus agressifs,» déplore Raphaël Meier.
Suite à la découverte de la tumeur, une question se pose: d’où provient-elle? Est-ce une tumeur développée par la patiente elle-même, ou est-ce une tumeur qui vient du donneur d’organes? Pour en avoir le cœur net, l’équipe de chirurgien/ennes analyse le génotype de la tumeur. Non seulement elle découvre que la cause de la tumeur provient très probablement du virus BK, présent également dans les métastases, mais surtout que la tumeur contient des chromosomes Y. Il s’agit donc de la tumeur du donneur, qui était un homme, une femme ne possédant pas de chromosome Y.
Une attaque décuplée par l’interleukine 2
Au vu de la cause et de la source de la tumeur, les scientifiques misent sur un traitement choc pour tenter de sauver cette femme. «Nous avons opté pour l’interleukine 2. Ce traitement est fondé sur une molécule qui active le système immunitaire de manière extrême,» explique Raphaël Meier. Toutefois, ce traitement est d’une part difficile à contrôler, et d’autre part, les effets secondaires sont nombreux et pénibles pour le malade, c’est pourquoi il est peu prescrit. «Ceci nous a permis de mener une attaque sous trois angles différents pour conduire à la destruction de la tumeur,» poursuit-il. Ce traitement était particulièrement adapté à ce cas, car la tumeur ne provenait pas de la patiente mais du donneur. En boostant le système immunitaire, celui-ci s’est donc attaqué avec d’autant plus de virulence que les cellules tumorales étaient celles de quelqu’un d’autre. De plus, les cellules capables de tuer la tumeur étaient particulièrement efficaces chez cette femme. Enfin, la cause de la tumeur étant virale, les globules blancs spécialisés dans l’éradication des virus sont également entrés en action.
Durant trois mois, la patiente a supporté le traitement et ses effets secondaires, pour que six mois plus tard, il ne reste plus aucune trace de la tumeur et de ses métastases. «Ne pouvant plus prendre ses médicaments anti-rejet, cela a eu un impact irréversible sur les organes greffés et la patiente a dû reprendre ses dialyses. Mais aujourd’hui, sept ans plus tard, il n’y a plus aucune trace de ce cancer agressif, alors qu’elle semblait condamnée, et une nouvelle greffe pourrait être envisagée,» se réjouit Raphaël Meier.
L’immunothérapie, l’avenir des traitements en oncologie ?
Ce cas démontre le rôle primordial du système immunitaire dans la prise en charge des cancers. «L’histoire de cette femme nous montre qu’il y a toujours un espoir de guérison, même quand cela semble impossible. Elle souligne le courage des malades qui se battent pour survivre, et enfin, elle relève que la recherche sur les immunothérapies doit continuer, car si l’on trouve le bon angle d’attaque, elles peuvent permettre à notre corps de vaincre les tumeurs, et surtout d’empêcher qu’elles resurgissent à nouveau des années plus tard,» conclut Raphael Meier.