Promouvoir l’approche One Health grâce à la diplomatie suisse
Corédigé par plus de 30 expert-es internationaux/ales, un policy brief de l’UNIGE et du GSPI recommande de tirer parti du positionnement scientifique et diplomatique de la Suisse dans la gouvernance One Health.
Soutenu par des institutions de recherche de premier plan en Suisse et en Europe, le Geneva Science-Policy Interface (GSPI) est une plateforme indépendante et neutre qui s’efforce de renforcer l’engagement scientifique avec les acteurs/rices de la gouvernance mondiale au sein de l’écosystème de Genève. © GSPI
Apporter des solutions aux problèmes de santé à l’interface entre l’homme, l’animal et l’environnement, en faisant intervenir de multiples secteurs, disciplines et les communautés impactées: tel est le fondement de l’approche One Health. En tant que leader mondial dans ce domaine de recherche et pôle diplomatique, la Suisse devrait appliquer les principes et méthodes transversales One Health pour améliorer la prévention, la préparation et la réponse aux futures épidémies et pandémies au niveau international. «Catalyser One Health avec la diplomatie suisse» est un policy brief rédigé par des chercheurs/euses de l’Université de Genève (UNIGE) et du Geneva Science-Policy Interface (GSPI). Commandé par le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), ce document propose trois recommandations et treize points d’action pour tirer parti des forces diplomatiques, des stratégies de coopération internationale et de l’excellence scientifique de la Suisse afin de jouer un rôle de premier plan dans la gouvernance One Health.
La crise du COVID-19 a révélé de nombreuses faiblesses des systèmes de santé nationaux et de la sécurité sanitaire mondiale. Des chercheurs et chercheuses du monde entier ont par conséquent appelé les systèmes de santé à prendre un virage plus holistique en adoptant l’approche One Health, qui intègre la santé humaine, animale et environnementale dans une seule et même optique d’analyse et d’action.
La Suisse, en tant que leader de la recherche One Health et modèle de gouvernance démocratique, devrait mettre à profit son savoir-faire diplomatique pour jouer un rôle actif et de premier plan dans la prévention, la préparation et la réponse aux futures épidémies et pandémies. Ce policy brief s’adresse au gouvernement suisse ainsi qu’aux communautés diplomatiques et de recherche internationales, tant en Suisse que dans les pays à risque d’émergence de maladies infectieuses. Il a été élaboré par l’Institut de santé globale (ISG) de l’Université de Genève (UNIGE) et le Geneva Science-Policy Interface (GSPI), en partenariat avec l’Institut tropical et de santé publique suisse et le Geneva Health Forum, avec la participation d’expert-es de l’Organisation mondiale de la santé, de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture, de l’Organisation mondiale de la santé animale et des Hôpitaux universitaires de Genève, entre autres acteurs/rices concerné-es. Il propose trois recommandations et un cadre d’action pour tirer parti de la science et de la diplomatie suisse afin de prévenir, se préparer et répondre aux futures pandémies.
«Avec le risque croissant de zoonoses émergentes ainsi que l’impact international des épidémies et des pandémies, nous demandons instamment une mise en œuvre des principes de l’approche One Health aux niveaux local, national et international en prenant appui sur les meilleures connaissances scientifiques et expertises disponibles, ainsi que sur une culture de collaboration et de confiance entre les scientifiques, les diplomates, les décideurs/euses politiques et les communautés concernées, entre autres», déclare le Dr Rafael Ruiz de Castañeda, chercheur et maître de conférences dirigeant l’Unité One Health à l’Institut de santé globale de l’UNIGE avec la coauteure, Dre Isabelle Bolon. «Genève et la Suisse sont un espace d’excellence scientifique et de tradition diplomatique qui peut libérer tout le potentiel de l’approche One Health en tant qu’outil de gouvernance et d’action en santé globale pour mieux prévenir, se préparer et répondre à la prochaine pandémie.»
I. Renforcer les efforts diplomatiques
La Suisse devrait donner la priorité aux efforts diplomatiques en cours liés à la prévention, à la préparation et à la réponse aux épidémies et aux pandémies. Elle devrait s’y engager davantage en utilisant l’approche One Health.
L’initiative One Health est en accord avec la position de la Suisse en tant que pays promoteur du multilatéralisme. Elle exige de mettre l’accent sur la coordination, la facilitation du dialogue et la collaboration, qui sont des domaines reconnus de l’expertise helvétique. Parmi les points d’action de cette recommandation figure la mise en place d’une liste permanente d’expert-es ou d’un conseil consultatif interdisciplinaire et intersectoriel One Health, comprenant une représentation de la société civile, afin de fournir un soutien technique souple au gouvernement suisse, à ses pays partenaires et aux autres parties prenantes basées en Suisse, telles que les ONG et les organisations internationales.
II. Aligner les stratégies de coopération internationale
La Suisse devrait aligner ses stratégies de coopération internationale sur le risque d’épidémie et de pandémie, sur la capacité de prévention et de préparation et sur les besoins One Health.
Les épidémies peuvent exacerber la pauvreté ainsi que les tensions socioculturelles et politiques, et ainsi entraîner des crises humanitaires. Ces dernières peuvent favoriser l’émergence d’épidémies de maladies infectieuses. Compte tenu de la tradition et de l’expertise suisses en matière d’action humanitaire - Genève et la Suisse accueillant des acteurs/rices humanitaires majeur-es - la Suisse devrait intégrer davantage l’approche One Health et la prévention, la préparation et la réponse aux épidémies dans ses stratégies de coopération. L’un des points d’action de cette recommandation est l’établissement d’un dialogue entre les pays à risque de maladies infectieuses émergentes, la Direction du développement et de la coopération (DDC) et la communauté scientifique suisse One Health, afin d’aider à identifier les problèmes et les besoins les plus pertinents pour favoriser la recherche et les actions orientées vers les solutions.
III. Mener des recherches pertinentes pour les politiques
La Suisse devrait soutenir les recherches One Health pertinentes pour les politiques au niveau national et dans les pays à risque d’émergence de maladies infectieuses.
Après avoir analysé les projets financés par le Fonds national suisse de la recherche scientifique en 2020 et 2021, les auteurs/rices du mémoire ont constaté un fort biais - notamment un biais géographique sévère - dans la recherche suisse et internationale. En effet, la plupart des projets répondaient à un appel rapide pour la recherche COVID-19. Ils étaient axés sur la santé humaine et relevaient des domaines des sciences biologiques et médicales. Seule une minorité d’entre eux était axée sur les pays à revenu faible ou intermédiaire. Parmi les actions énumérées dans le cadre de cette recommandation, il convient de recenser les acteurs/rices de la recherche One Health dans un ensemble de pays et de régions prioritaires qui constituent des points chauds pour les maladies infectieuses émergentes, et de soutenir la recherche de qualité produite localement aux niveaux national et international.
«Basé sur une série de consultations inclusives entre les communautés scientifiques et décisionnelles, ce document est un exemple capital de la manière dont la science peut apporter une contribution orientée vers les solutions afin d’aligner la coopération internationale en matière de politiques de santé sur les connaissances de pointe», déclare Nicolas Seidler, directeur exécutif du Geneva Science-Policy Interface, ayant supervisé la conception, le cadre et la coordination du policy brief avec le coauteur Maxime Stauffer. «Nous espérons que cette publication débouchera sur des actions concrètes qui renforceront la position de la Suisse en tant que leader mondial de la gouvernance One Health en reliant mieux la science, la diplomatie et l’élaboration des politiques.»
Les auteurs/rices concluent que l’initiative One Health et certaines des recommandations et actions de cette publication s’appliquent également à d’autres problèmes de santé publique et globale endémiques et émergents. Ces questions comprennent d’autres maladies infectieuses, telles que les zoonoses tropicales négligées ou les maladies causées par des agents pathogènes résistants aux médicaments, mais aussi des problématiques comme les conflits entre l’homme et la faune sauvage, la nutrition et la santé ou la sécurité alimentaire, parmi beaucoup d’autres.