Conférences

Climate & Sexual Change

La United Nations Climate Change Conference qui s’est tenue à l’automne 2021 à Glasgow a rappelé l’ampleur des défis auxquels les populations, les individus et les États font face. L'Institut des Sciences de l'Environnement, le Centre Maurice Chalumeau en sciences des sexualités (CMCSS) et le Pôle/Institut Gouvernance de l’Environnement et Développement Territorial (GEDT) de l’Université de Genève souhaite s’inscrire dans cette actualité, en y associant la question sexuelle.

Ce cycle intitulé « Climate & Sexual Change » invite à considérer que les savoirs sur le sexuel ne se développent pas hors-sol. La nature et la sexualité ont d’ailleurs longtemps convergé au point de donner lieu à des représentations partagées et à un vocabulaire commun. Que l’on songe seulement que fertilité désigne aussi bien la capacité de la terre à produire abondamment que celle du corps biologique à se reproduire. Mais cette parenté de langage, qui superpose volontiers sexualité des plantes et sexualité humaine, conduit aujourd’hui à une tentative d’intégration des deux plans. Des mouvements comme l’écoféminisme et l’écosexualité témoignent de préoccupations écologiques au sein desquelles la dimension sexuelle de la vie humaine s’avère centrale.

Quels liens les philosophes et les naturalistes de l’époque des Lumières tissent-ils entre les climats, les sexes et les sexualités ? Comment la problématique de l’engendrement à l’heure de la crise climatique est-elle conçue par les écoféministes ? En quoi les minorités de genre et sexuelles s’engagent-elles en faveur d’écologies plurielles ? Dans quelle mesure la violence sexuelle est-elle un enjeu pour celles et ceux qui défendent l’environnement ?

Trois conférences de chercheurs dans les champs de l’anthropologie, de l’éthique et de la philosophie ainsi qu’un dialogue entre une sociologue et un journaliste militant fourniront des réponses à ces questions tout au long du semestre de printemps 2022.


 

Lundi 30 mai 2022, 18h30 | Uni Mail Salle MR060
Écologies déviantes: dialogue entre un journaliste indépendant et une chercheuse
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Cy Lecerf Maulpoix, militant et journaliste indépendant auteur de Écologies déviantes. Voyage en terres queers (Éditions Cambourakis, 2021)
Marlyne Sahakian, professeure associée en sociologie (UNIGE)

Comment le militantisme écologique s’articule-t-il aux luttes liées à la non-discrimination en raison de l’orientation affective et sexuelle, ainsi que de l’expression et/ou de l’identité de genre ? Quels liens se tissent entre l’individuel et le collectif ? Comment le récit de l’expérience militante dialogue-t-il avec l’étude des phénomènes sociaux contemporains ? Lors du dialogue entre Cy Lecerf Maulpoix et Marlyne Sahakian des réponses seront apportées à ces questionnements.

Cy Lecerf Maulpoix, auteur de Écologies déviantes. Voyage en terres queers (2021), dialoguera avec la sociologue et professeure à l’UNIGE, Marlyne Sahakian. La recherche de la Prof.e Marlyne Sahakian est axée sur le lien entre gestion des ressources, pratiques sociales du quotidien et équité sociale, avec comme approche principale la sociologie de la consommation. Cy Lecerf Maulpoix est journaliste, engagé dans des collectifs d’action « transpédégouines » et de justice climatique depuis la COP21 de Paris de 2015. Ses projets en tant qu’auteur et traducteur sont en lien avec l’écologie « queer ».

Tout à la fois voyage, enquête, cheminement personnel, réflexion politique sur l'articulation des luttes contemporaines, c’est le livre Écologies déviantes de Cy Lecerf Maulpoix. Voyage en terres queers nous entraîne dans les jardins anglais de l'artiste Derek Jarman, de l'écrivain socialiste Edward Carpenter, du Bloomsbury Group, sur les traces des Radical Faeries de l'Arizona à San Francisco jusqu'aux zones de cruising des lisières des grandes villes. Parce qu'il met au jour des généalogies oubliées, cet ouvrage permet de reconnaître la dette de l'écologie politique à ces précurseurEUSEs déviantEs. À l'heure où chacunE est concernéE par les enjeux écologiques planétaires, ce livre propose de nouvelles pistes militantes et trace une ligne de crête sur laquelle construire, à partir de perspectives minoritaires, un mouvement réellement inclusif. Le dialogue entre Cy Lecerf Maulpoix et Marlyne Sahakian reviendra sur cette analyse environnementale menée depuis les marges des réalités sexuelles minoritaires.

*** Dialogue suivi d’un apéritif

Jeudi 19 mai 2022, 18h30 | Uni Mail Salle MS150
Sexes et sexualités face aux climats au siècle des Lumières

Thierry Hoquet, philosophe, professeur et directeur-adjoint du Laboratoire IREPH-Institut de Recherches Philosophiques (Université Paris Nanterre)

Quelle est la place du sexuel au sein des savoirs climatiques et des problématiques environnementales ? Le siècle des Lumières tisse des liens, surprenants, déconcertants parfois, entre les sexes, les sexualités et les climats. Nous explorerons deux exemples paradigmatiques de ces nouages : L’Esprit des lois de Montesquieu et l’Histoire naturelle de Buffon. Chez Montesquieu, la morale sexuelle devient sujette aux variations climatiques : la monogamie chrétienne convient aux climats tempérés, alors que la polygamie musulmane triomphe sous les climats plus extrêmes du Sud. Chez Buffon, la Nature, abandonnée à elle-même, paraît avoir pour effet de déviriliser les hommes et d’affecter leur fertilité, en les dépouillant de toute forme de vigueur. Plus généralement que le climat, toutes les variations du mode de vie (comme l’opposition sauvage/domestique) oblitèrent les genitalia dans les animaux captifs et célibataires. En apparence, Montesquieu ne fait qu’enregistrer l’influence du milieu sur les habitants, alors que Buffon est plus « moderne », en ce qu’il envisage symétriquement un véritable pouvoir des humains transformant la Nature et par là, altérant le climat et eux-mêmes. En réalité, la situation est plus complexe et Montesquieu lui-même, bien loin de céder à un complet déterminisme, accorde aux humains un certain pouvoir formateur du climat.

Lundi 25 avril 2022, 18h30 | Uni Mail Salle MR060
Crise écologique: crise de l'engendrement? Perspectives écoféministes

Damien Delorme,assistant-postdoctorant en éthique à la Faculté de théologie (UNIGE) et chargé de cours en éthique de l'environnement (UNIGE, Université Jean Moulin Lyon 3)

Si l’Anthropocène signifie la mise en péril des conditions d’habitabilité de la Terre pour de nombreux collectifs humains et non-humains, alors il est peut-être plus juste, ainsi que le suggère Bruno Latour, de décrire la « crise dite écologique » comme « une crise multiforme de l’engendrement » (Où suis-je, 2021). L’effroi collapsologique, le motif d’une 6e extinction pour alerter sur l’érosion de la biodiversité, le refus de se reproduire pour des motifs écologiques, les générations futures s’érigeant en accusatrices de l’irresponsabilité politique, mais aussi, en un sens, les crispations sur une prétendue « théorie du genre », le fantasme du « grand remplacement » ou la panique démographique des autocrates et de l’extrême-droite un peu partout dans le monde, en seraient des symptômes concordants. Tous témoigneraient, à leur façon, de menaces diffuses mais profondes sur les dynamiques vitales, questionnant fondamentalement les existences et leur puissance, à la fois, de se continuer et de s’inventer.
Je voudrais repartir de ce constat et l’interroger depuis une perspective écoféministe. Les écoféministes en effet, à bien des égards, anticipent ce diagnostic. Elles permettent aussi de dépasser les approches démographiques, de l’empreinte carbone ou néo-malthusiennes, essentiellement quantitatives. Les écoféministes invitent ainsi à politiser et à prendre soin des relations d’engendrements, à les poétiser et les pluraliser, pour dénoncer les ravages écologiques mais aussi dessiner des alternatives joyeuses, au sein de ces interdépendances qui tout à la fois nous constituent et nous menacent.

Lundi 21 mars 2022, 18h30 | Uni Mail Salle MR060
La violence sexuelle et la défense de l'environnement: quelques pistes d'exploration

Peter Bille Larsen, chargé de cours et chercheur en anthropologie et développement à l'Institut de Gouvernance de l'Environnement et Développement Territorial (UNIGE)

Est-ce que la violence sexuelle est un enjeu pour les défenseurs et défenseuses de l’environnement ? Interrogeant l’espace des conflits socio-environnementaux, l’expérience des peuples autochtones et les projets miniers en particulier, la conférence cherche à poser quelques pistes de réflexion autour de l’ampleur du phénomène pour repenser un cadre épistémologique et méthodologique.