Vous offrant un petit aperçu :
un autoportrait modeste

 

Elena Clavijo

 

Pluie : Douce comme un oiseau battant des ailes, torrentielle comme une avalanche qui dévaste tout sur son chemin, peu importe où elle tombe, je contemple. Une mélodie qui résonne au fond de mes pensées, comme le bruit statique d'une radio que l'on entend au loin, dans un salon vide aux allures de cinéma.

Froid : Alors qu'un nouveau jour se lève, j'ouvre les yeux et me glisse maladroitement hors de mon lit, encore à moitié endormie. Je n'ose pas ouvrir la fenêtre, car une vague d'air froid va me frapper comme une tonne de briques. Ayant juste abandonné le confort et la chaleur de mes couvertures, ce serait encore pire de le faire. Après m'être rafraîchie et avoir fait défiler mon téléphone sans réfléchir pendant quelques minutes, je suis enfin prête à y faire face. En ouvrant la fenêtre, j'imagine ouvrir la capsule d'une fusée, suite à une dépressurisation rapide et être aspirée dans le vide de l'espace. Au lieu de l'immense pression que mes poumons subiraient autrement en raison du manque d'oxygène, je sens une vague d'air hivernal contre mon visage. Un nouveau jour a commencé.

Journal : Un compagnon de toujours. Petit, portable, en ordre. Il reste à sa place, il ne me quitte pas. Autrefois un arbre parmi tant d'autres, actuellement un ami qui a mérité une place dans ma vie, inconditionnellement. Où que je l'emmène, il est heureux de m'accompagner. Quoi que je lui confie, il est toujours à l'écoute. Il garde les affaires entre nous deux. Il ne juge pas, il ne répond pas. Je peux lui faire confiance. Et c'est quelque chose de très rare de nos jours.

Apathie : Ce sentiment de lourdeur qui, peu importe avec quelle intensité on essaie de nager vers le haut, nous tire vers le bas. Un creux au ventre, parfois plus lourd et plus étouffant, au point que mon lit semble être le seul endroit pour m'accueillir à bras ouverts. D'autres fois, une paix étrangement calme m'envahit, comme une vague de mer me submergeant. J'entends la voix de ma mère appeler mon prénom, mais mes yeux restent rivés à la fenêtre. Je vois des piétons traverser la rue, j'entends les voix de parents inquiets appeler leurs enfants, qui courent partout, visiblement trop occupés à leurs jeux pour les entendre.

Abuela: Cela signifie « grand-mère », en espagnol. Je pense souvent à elle. Elle est l'incarnation de la bonté. Sa voix apaisante, ses câlins affectueux, sa gentillesse envers les autres, son parfum caractéristique… C'est l'être humain le plus altruiste et le moins critique que j'ai jamais rencontré. Je me souviens d'innombrables moments avec elle, quelque chose que je chéris énormément. Des après-midi paisibles jouant aux cartes ensemble quand j’étais adolescente, suivis d'un goûter qu'elle insistait toujours pour préparer. Tenant sa main douce pendant que nous regardons un film stéréotypé des années 50. Montrant que l'âge ne doit pas forcément diminuer son sens de l'humour. Cependant, j'ai peur. J'ai peur qu'un jour je ne puisse plus passer du temps avec elle. Malgré tout, elle continuera à vivre dans nos mémoires.

Vers l’autoportrait

En s’inspirant de divers textes (Georges Bataille, Michel Leiris, Roland Barthes, Gérard Genette, Gustave Flaubert, Seî Shonagon), cet exercice s’attelle à la présentation de soi au travers de la forme du dictionnaire, du lexique ou du glossaire.