Miroir, mon mot miroir

 

Lena De la Cruz

 

Amour – remède miraculeux, à faire macérer tous les jours.

 

Boléro – l’air du beau Ravel ravit les rêves réels, l’air du beau Ravel ravit les rêves réels, l’air du beau Ravel ravit les rêves réels, l’air du beau Ravel ravit les rêves réels, l’air du beau Ravel ravit les rêves réels, l’air du beau Ravel, ravit les r

 

B612 – astéroïde, lieu de naissance et d’habitation du petit prince et de sa rose. On s’y rend de temps en temps.

 

collier – passe par le cou, pour descendre jusqu’aux clavicules et venir se coller à mon cœur. C’est un bien petit chemin par rapport à celui qu’il a parcouru depuis l’Allemagne de 1917. Grand-maman me l’a donné un soir que je repartais de chez elle. Elle l’a juste sorti d’une boîte, comme s’il s’agissait d’un bonbon quelconque, en me demandant si ça me plairait de l’avoir. J’ai dit oui, et maintenant je me demande quasi quotidiennement si la date qui y est inscrite est la date d’un mariage, mais aussi, qui est ce mystérieux « Hans », dont le nom est gravé sous les pieds d’un couple aux allures rococo. Quoi qu’il en soit, de tous les vêtements et bijoux que j’aie pu porter, celui-ci fait le plus l’unanimité. C’est vrai qu’il est très beau.

Eh, bonne pioche ce jour-là ! Grand-maman aurait pu me refiler une des 4’892 étoiles de David de sa boîte à bijoux plutôt que ce pendentif aux allures d’œuvre d’art. Non pas que j’aurais été déçue, mais une étoile de David aurait certainement moins fait l’unanimité.

 

Épiphanie – « la compréhension soudaine de l’essence ou de la signification de quelque chose » et aussi mon premier mot préféré. J’aime son sens, sa sonorité, et son goût de frangipane.

 

Goutte de larme = le surnom qu’on me donnait à l’école primaire

 

Hyperbole – pas toujours du bol d’être hyper.

 

Moutoño – c’était en 2004, durant Pâques. En entrant dans ma chambre, j’ai eu la surprise de trouver une peluche sur mon lit : un petit agneau qui souriait. Ce soir-là, avant de m’endormir, je l’ai regardé longuement, à la recherche d’un prénom. Si je n’étais pas encore capable de distinguer l’agneau du mouton, j’aimais déjà m’approprier les mots et les métamorphoser. Je me suis dit que ce petit mouton serait désormais un membre de ma famille et qu’il fallait donc qu’il ait un nom espagnol, pour bien aller avec le nôtre. Du haut de mes 4 ans, rien ne sonnait plus espagnol que le son « ño », et je l’ai donc appelé Moutoño. Depuis, chaque fois que je prends l’avion, je le garde dans un sac près de moi, au cas où l’on perdrait nos bagages, ou, pire, au cas où nous devrions évacuer l’avion. Impossible de laisser Moutoño se noyer (la seule eau salée qu’il peut goûter sont mes larmes...)

 

懐かしい (= natsukashii) – un mot japonais difficile à traduire. Nostalgie ? Oui et non. C’est une nostalgie, mais sans regret. Une nostalgie joyeuse, accompagnée d’un sentiment de gratitude.

 

Paradoxes – la parade des oxymores : la reine Mort donnant des masques à oxygène.

 

Poésie primordiale, ma pierre philosophale,

je me prosterne à tes pieds

et espère que tu protégeras les sentiments

que je souhaite te confier.

Pour qu’un peu de ta parole passe dans mon chant, je prie

S’il te plaît, transforme mes péchés en pain béni.

 

Plus pleine qu’une promesse, incapable d’être parjure

rien n’équivaut à ta puissance, toi, la plus pure.

Partout et nulle part à la fois

tes pleurs apaisent mes peines et mes peurs

tu es la passeuse de ce qui ne passera pas.

 

 

Oui, ma jolie,

s’il y avait un puits duquel je pouvais puiser

ce qui m’est de plus sacré

ce puits, je l’appellerais Poésie

car toi seule est apte à replacer

les pièces du chaos dans le puzzle de la paix.

 

Sorcière – souhait secret d’en être une, certaine qu’avec quelques sorts on s’en sortirait à coup sûr.

 

Tournesol – dans sa lettre du 22 janvier 1889, Vincent dit à Théo : « j’ai un peu le tournesol ». C’est-à-dire, c’est que si certains peintres sont affiliés à une fleur en particulier (par exemple, Monet aux nymphéas), celle à laquelle on l’affiliera, lui, sera le tournesol. Il avait raison : c’est son tournesol à lui que j’ai dans mon cœur et aucun autre. Je préfèrerais toujours les tournesols de Vincent à ceux des champs. Parce que Vincent a volontairement fait perdre à certains de ses tournesols leur auréole. Les pétales absents ne sont même pas peints au pied du vase. On dirait qu’ils n’ont jamais existé, qu’ils ont toujours été comme ça, décrépis, désauréolés, que depuis le début, ils ont feint à leur rôle de tournesol. En somme, ils ont pris le mot français au pied de la lettre et se sont toujours tournés vers le sol plutôt que vers le ciel.

J’ai écrit une fois que le tournesol sur mon bras était une antisèche, me permettant de me souvenir de quel côté me tourner. Je réalise que ça ne voulait pas uniquement dire : « rappelle-toi de te tourner du côté du soleil ! » Je voulais avant tout dire : « Tourne-toi toujours vers Vincent ! »

Vincent qui arrache ses propres pétales.

Vincent sans auréole, qui scintillera toujours plus pour moi que mille tournesols.

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Photo : © Ylanite

Vers l’autoportrait

En s’inspirant de divers textes (Georges Bataille, Michel Leiris, Roland Barthes, Gérard Genette, Gustave Flaubert, Seî Shonagon), cet exercice s’attelle à la présentation de soi au travers de la forme du dictionnaire, du lexique ou du glossaire.

Ode au dodo
Yann Coutaz

Miroir, mon mot miroir
Lena De la Cruz

Le voyageur inconnu
Coralie Leuthold

Lexique funambulesque
Priscille Meier

papillon
Natacha Stein

Autoportrait
Anna Terzyan