« … -uille ouille ouille ! »

(pastiche selon Michel Leiris)

 

Amelia Ligabue

 

Dans le coin terrible de la pièce (salon? chambre à coucher ?) du troisième étage d’un immeuble construit en mille neuf cent nonante-neuf (immeuble non loin duquel se trouvait mon école, sur une rue où, au numéro quatre-vingt-sept, se situait la pédiatre bulgare qui m’ausculta minutieusement les oreilles après une terrible otite, inflammation causée par des cours intempestifs de natation, où l’eau était rentrée encore et encore, comme des flots torrentiels, dans les couloirs étroits du conduit auditif jusqu’à parvenir aux tympans, et les heurter, les irriter, les incendier), dans cet immeuble gris (immeuble aux nombreuses pièces, dont nous occupions uniquement une partie dérisoire), sur le parquet stratifié semblable à celui du salon (de chêne poncé, clair, où je m’allongeais pendant ma longue convalescence, et regardais ma collection de billes, œil de chat agate araignée canari cyclone, qui, si je collais ma joue poisseuse, fiévreuse contre le sol frais, devenaient grandes telles des astres, mon propre système solaire dont j’étais le centre, petites planètes multicolores et de conformations diverses, globes parfois vaillamment gagnés dans la cour de récréation, ici sur le parquet, plancher devenu le réceptacle d’une galaxie toute entière), dans cette chambre à coucher (pièce si intime (de la maison), décorée par mes parents puis par moi-même dans des élans d’indépendance, aux meubles colorés, maltraités, flanquée d’un porte-manteau mural en forme de petit chat, et de grandes armoires dont je ne pouvais pas atteindre les étagères), dans cet espace qui construisait mon indépendance, ce lieu qui était le mien selon certaines règles, ma poupée Barbie fut décapitée.

 

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Photo : © Couleur

Pastiche

Comment raconter un souvenir (réel ou fictif), à la manière de tel-le ou tel-e écrivain-e ? Comment repérer et imiter les caractéristiques qui font la cohérence d'un style ?

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« … -uille ouille ouille ! »
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