Tracés d’enfance

(pastiche selon Ostinato de Louis-René des Forêts)

 

Angela Allemand

 

Cuisine rustique d’un vénérable chalet, plancher de bois noirci où préside un baquet de fer-blanc rempli d’eau chaude et savonneuse, véritable trône de Neptune, devant lequel des petits enfants nus et frissonnants attendent à la queue leu leu.

Forteresse organique, château-fort de lumière, mélange d’herbes hautes et de bout de bois glanés de ci de là, au centre de laquelle des aventuriers se protègent contre un ennemi imaginaire plus méchant que nature, menace fantastique mais pourtant si réelle dans les jeux enfantins.

Garnie de paille, la vieille grange sombrement lumineuse, bruissant d’anciens secrets, conserve la mémoire estivale des champs, alchimie temporelle où le végétal s’est transformé en or. De ses entrailles de foin émergent en se tortillant des enfants ébouriffés, les cheveux piqués de fétus, riant d’avance à l’idée de se jeter du haut de la grande poutre dans les bottes défaites et moelleuses.

Pieds frappant le bitume, longs cheveux étirés en posture horizontale par une vitesse prodigieuse qui engendre une sensation de totale liberté, les passants ombres floues et statiques, spectateurs béats d’admiration, l’école dans le dos, le repas de midi sur la table comme un trophée qui attendrait sa championne.

L’océan sous le ciel gonflé de mélancolie où s’entremêlent comme des fractales les nuées grises panachées de blanc, l’océan absolu, son fumet salé, son ressac éternel qui hypnotise, au point de faire couler ses yeux, l’enfant muette transportée dans un songe éveillé.

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Photo : © Magali Bossi

Pastiche

Comment raconter un souvenir (réel ou fictif), à la manière de tel-le ou tel-e écrivain-e ? Comment repérer et imiter les caractéristiques qui font la cohérence d'un style ?

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