Nuits d’été albanaises

(pastiche selon Ostinato de Louis-René des Forêts)

 

Tina Haziri

 

La lune pleine au-dessus du jardin où les branches des arbres s’étirent comme pour entrelacer le sol fleuri, la lune solennelle, ses rayons éclatants qui réchauffent l’âme de l’enfant attendrie par la lueur de cette nuit.

T-shirt large et short au-dessous des genoux, les jeunes voisins aux accents enchanteurs dont l’écho entraîne les petits à se diriger non loin de l’école et les grands à se joindre au mouvement, une sandale en moins, des sandales en plus. La cohorte espiègle progresse et les plus courageux, agglutinés torses contre dos, bravent le danger du pont sur lequel marchent encore ces silhouettes voutées sorties profiter de la quiétude nocturne, tandis que le rugissement des moteurs tonne comme une ovation.

La voix autoritaire s’approche et calme le bruit. On se réunit autour du lampadaire, on déploie le jeu de cartes, on penche la tête et s’accroupit, pour apparaître honnête et ordinaire.

Les mains liées et les pas dansant au rythme des tambours forment un rond ravi à côté duquel se tient la femme mariée aux mains raffinées, vêtue de blanc et d’un voile rouge sur le visage, tendant ses paumes vers la petite qui pose les siennes par-dessus, émerveillée de les voir emportées en direction du cœur, du menton, puis du front. 

Le petit frère en couche-culotte, balbutiant dans une piscine gonflable d’un bleu obscur, cherchant, ramassant de ses mignonnes mains boudinées son bonnet, surveillé de près par les sœurs aînées qui se chamaillent au sujet d’un collier.

L’étonnement qui retentit sur les murs de sa chambre transpercés par le chant du dehors la pousse paupières tombantes vers le portail rouge qu’elle ouvre discrètement pour atteindre le mystère, rencontrant en route le grand-père aux contours de gaieté qui la dépose dans une brouette comme une enfant égarée.

Loin des rires amortis, marchant pieds nus sur le plancher froid jusque dans le tintement des cuillères qui heurtent les parois des tasses de thé timidement éclairées, elle éteint avec son souffle les bougies comme pour repousser un mauvais présage.

Frange blonde et cigarette entre les doigts, on parcourt en silence les sentiers bordés d’un ciel sans lumière. L’oubli qui sert de repère.

lune.jpgPhoto : © garten-gg

Pastiche

Comment raconter un souvenir (réel ou fictif), à la manière de tel-le ou tel-e écrivain-e ? Comment repérer et imiter les caractéristiques qui font la cohérence d'un style ?

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Nuits d’été albanaises
Tina Haziri

« … -uille ouille ouille ! »
Amelia Ligabue