Source et copyright à la fin du texte

 

in Montandon, C. et Perrenoud, Ph. (dir.) Entre parents et enseignants : un dialogue impossible ?, Berne, Lang, 1987 (rééd. 1994), chapitre 2. Repris in Perrenoud, Ph., Métier d’élève et sens du travail scolaire, Paris, ESF, 1996, chapitre 4.

 

 

 

Le go-between : entre sa famille et l’école,
l’enfant messager et message

Philippe Perrenoud

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation
Université de Genève
1987

Sommaire

1. L’enfant médiateur des contacts directs

2. Contrôler la communication écrite

3. " Ma maman m’a dit de vous dire… "

4. Les propos " téléguidés "

5. La circulation des jugements

6. Agent double ou témoin embarrassant

7. L’enfant expression d’un milieu de vie

8. L’enfant est un acteur !

Pour conclure

Références


Dans la plupart des systèmes scolaires, il est question d’ouvrir davantage l’école aux parents. Cette ouverture peut prendre de multiples formes : représentation des parents dans certaines instances de gestion ; informations orales et écrites ; consultation à travers réunions, sondages d’opinion, contacts avec les associations ; accueil dans les classes ; participation à diverses activités (excursions, visites, animation d’un atelier de poterie, préparation d’un spectacle) ou même à l’enseignement (initiation à une technique artisanale, présentation d’un métier, soutien pédagogique) ; multiplication des contacts entre la famille et l’école (fêtes, spectacles, cérémonies diverses, apéritifs ou repas en commun) ; ou encore soutien aux associations et écoles de parents. Pratiquées depuis longtemps dans divers systèmes, ces formes d’ouverture tendent à se banaliser. Elles complètent les échanges écrits, les conversations téléphoniques et le classique entretien entre l’enseignant et les parents d’un enfant, devenu dans beaucoup de classes une rencontre de routine.

D’une école et d’une classe à l’autre, il y a de grandes différences dans la forme, la substance et la densité des communications directes entre les parents et les maîtres. Certains parents fréquentent les réunions, lisent chaque circulaire, épluchent cahiers et carnets scolaires, contrôlent la correction des épreuves, vont voir le maître aussi souvent que possible, lui écrivent ou lui téléphonent à la moindre occasion. Alors que d’autres ne mettent jamais les pieds à l’école et semblent ne pas s’intéresser à ce qui se passe en classe, consentant à peine à accuser réception des circulaires et à signer le carnet de leur enfant. On semble s’approcher alors du degré zéro de la communication. Mais ce n’est qu’une illusion, car les contacts directs ne sont que la partie la plus visible des relations entre les parents et l’école. Dans l’école la plus participative, les maîtres et les parents se rencontrent au mieux une dizaine de fois au cours d’une année scolaire, souvent dans des circonstances qui ne permettent qu’une conversation superficielle. Si les échanges écrits ou téléphoniques sont plus fréquents, ils restent sans commune mesure avec la densité des communications qui s’établissent à travers l’enfant.

Les communications indirectes

Ces communications n’ont à ce jour guère fait l’objet de recherches spécifiques. Ce qu’on peut regretter : famille et école sont deux institutions condamnées à coopérer dans une société scolarisée. De la mise en lumière de leurs modes et conditions de communication dépend l’intelligibilité du fonctionnement et du changement des systèmes scolaires.

Peu explorées par la recherche, ces relations indirectes se sont pas davantage au cœur des débats sur l’ouverture de l’école aux parents. Sans doute parce que les adultes ont tendance à privilégier les relations qu’ils perçoivent le plus clairement et qu’ils croient maîtriser. Enfants et adolescents sont en général au centre de leurs conversations. Ce sont ceux dont on parle, dont on veut le bonheur ou la réussite, ceux qu’on cherche à instruire et à éduquer. On a moins l’habitude de les considérer comme artisans de leur propre éducation. Parents et enseignants ne se rendent pas toujours compte que ceux dont ils parlent sont aussi ceux à travers lesquels ils se parlent. Ils mesurent moins encore que, bien loin d’être un messager docile, le go-between est l’arbitre des relations entre ses parents et ses maîtres. Il peut rendre possible ou vider de leur sens les communications directes.

C’est pourquoi il est vain de travailler à améliorer les relations directes en ignorant ce qui se joue quotidiennement à travers l’enfant, à la fois messager et message. Plus généralement, pour mieux comprendre aussi bien la genèse des échecs scolaires que le sort des réformes, il est indispensable de saisir dans son ensemble le système de communication qui fonctionne entre la famille et l’école.

La description amorcée ici ne se fonde pas sur une enquête unique, mais sur un ensemble d’observations accumulées depuis une dizaine d’années au gré de multiples recherches conduites à l’école primaire, en particulier sur la scolarisation préobligatoire (Perrenoud, 1974), sur la différenciation de l’action pédagogique (Perrenoud, 1979, 1982 ; Favre et Perrenoud, 1985), sur l’évaluation (Perrenoud, 1982, 1984, 1985), sur les nouvelles pédagogies (Perrenoud, 1985, 1986) ou encore sur l’enseignement du français (Favre & Perrenoud, 1985 ; Dokic, Favre & Perrenoud, 1986). Tous ces travaux touchent d’une façon ou d’une autre aux interactions quotidiennes entre la famille et l’école. À quoi s’ajoute la réflexion menée sur ce thème dans le cadre de RAPSODIE, recherche-action sur l’échec scolaire et la différenciation de l’enseignement (groupe Rapsodie, 1979 ; Haramein et Perrenoud, 1981 ; Hadorn, 1985). C’est notamment dans ce cadre que Sermet a conduit ses travaux (1982, 1985).

Nombre de mes observations portent sur des enfants de neuf à onze ans. Une partie de l’analyse est sans doute transposable aux adolescents, du moins pour les premières années du secondaire. Mais le va-et-vient entre la famille et l’école évolue lorsqu’on s’avance vers la scolarité postobligatoire. Les adolescents protègent mieux leur autonomie et leur sphère privée, les rapports entre parents et enfants se transforment, enfin l’organisation scolaire fonctionne différemment, sous l’angle par exemple de la division du travail entre maîtres, de la sélection, des modalités du travail scolaire. De toute façon, même pour le primaire, ma démarche reste exploratoire et ne fait que défricher le terrain.

Le go-between, une figure sociologique

À travers sa famille, tout enfant appartient à une classe sociale, à une collectivité locale ou régionale et à divers groupements. Mais à partir d’un certain âge, il peut devenir membre, à titre personnel cette fois, de groupes, d’organisations, de réseaux dont tous les membres de sa famille ne font pas partie. Dès lors, comme la plupart des adultes, il partage son temps entre sa famille et d’autres groupes d’appartenance.

Les appartenances multiples sont souvent garantes d’une certaine liberté. Mais chacun doit gérer les conflits possibles entre ses diverses affiliations : chaque groupe exige de ses membres travail, apport de ressources ou de compétences, disponibilité, solidarité, loyauté, allégeance publique. Autant d’exigences parfois difficiles à satisfaire simultanément. Comment, par exemple, concilier tâches familiales et engagement intensif dans une profession, un sport ou une carrière politique ? Comment articuler des statuts dissemblables, tels une position subalterne dans une hiérarchie professionnelle et de hautes responsabilités dans une organisation politique, dans l’armée ou une association ? Comment être accepté par les uns sans être rejeté par les autres ? Comment se déterminer s’il y a conflit entre les groupes ?

La double appartenance d’un go-between ne constitue un enjeu que si elle semble menacer ou servir les intérêts des groupes concernés, par exemple parce qu’elle favorise un transfert de ressources, d’informations, de compétences ou qu’elle expose à des influences. Le go-between reconnu comme tel peut alors être ressenti comme émissaire ou otage de l’autre groupe. On peut le ressentir, par moments, comme plus identifié à l’un des groupes qu’à l’autre, ou plus dépendant. Si les deux groupes entretiennent des rapports de coopération, le go-between peut devenir un " agent de liaison ", une sorte de trait d’union valorisé : il symbolise un rapprochement, à travers lequel passent des échanges bénéfiques pour les deux groupes. En cas de conflit, vite suspect d’être un " agent double ", le go-between sera sommé de prendre parti, de donner des gages de loyauté de part et d’autre.

La figure du go-between convient par excellence aux enfants et adolescents scolarisés. C’est à travers eux que leur famille et l’école communiquent, parfois à leur insu ou à leur corps défendant. Une psychosociologie centrée sur l’enfant analyserait la façon dont il compose avec sa double appartenance, en cherchant à sauvegarder des plages d’autonomie, à concilier ses allégeances, ses rôles et ses engagements respectifs. Sans négliger cette perspective, je m’attacherai surtout à mettre en évidence l’effet possible des stratégies du go-between sur les communications qui s’établissent à travers lui. Il n’est pas un simple medium inerte, on le verra, mais un acteur conscient d’être l’objet et l’enjeu d’échanges entre maîtres et parents et résolu à contrôler la communication à son avantage s’il le peut.

Une liberté surveillée

De façon générale, sauf à vivre en complète autarcie, une famille est condamnée à se rendre dépendante des engagements externes de certains de ses membres, ne serait-ce que parce qu’elle tire ses ressources de leur activité professionnelle. Elle est aussi le lieu où chacun reconstitue ses forces pour affronter le " vaste monde ", soigner ses " blessures ", partager ses déceptions ou ses joies. Même les membres de la famille la plus " éclatée " se sentent concernés lorsque l’un d’eux s’engage ailleurs dans une expérience qui prend beaucoup de son temps et de son énergie et affecte en retour son moral, son image de soi, sa disponibilité. Lorsqu’un adulte quitte régulièrement son domicile, pour travailler, pour pratiquer un sport ou un art, pour militer dans une association politique ou syndicale ou pour rejoindre un cercle d’amis, les autres membres de la famille doivent composer avec cette réalité, en entendre parler, en subir indirectement les effets et les contraintes. C’est non moins vrai s’il suit une formation qui exige la fréquentation d’une école et un travail personnel intensif à domicile.

L’enfant scolarisé n’est pas libre de gérer à sa guise sa double appartenance. Ses parents et ses maîtres souhaitent contrôler " leur " go-between ; leurs intérêts sont en jeu et leur responsabilité engagée puisque, dans notre société, l’enfant est socialement défini comme un être dépendant, immature et irresponsable, réputé provisoirement incapable de mener sa vie de façon autonome, de choisir son emploi du temps, de s’imposer un travail et une discipline, de se donner ses propres projets et ses propres critères de réussite et d’échec. De cette définition de l’enfance, partiellement étendue à l’adolescence, découle la légitimité d’une éducation et d’un contrôle des jeunes par les adultes. L’enfant n’est donc pas un membre quelconque du groupe familial ou de l’organisation scolaire. Il est volontiers conçu comme un satellite, qui ne peut quitter le champ d’attraction d’un astre que pour tomber dans l’orbite d’un autre ! Seule change sa dépendance. À peine faiblit-elle dans l’entre-deux, ce no man’s land que peuvent offrir la rue, le quartier, les terrains de sport, les centres de loisirs. Même alors, l’enfant n’est pas tout à fait libre, puisque d’autres adultes prennent souvent le relais des parents et des maîtres : l’animateur d’un centre de loisirs, le maître de musique, l’entraîneur sportif se définissent aussi comme des éducateurs. C’est l’identité qu’adoptent par moments d’autres adultes, commerçants, passants, voisins, agents de police ou conducteurs de bus. De telles prises en charge ne sont cependant pas constantes ni coordonnées ; elles laissent donc à l’enfant une certaine liberté, celle du passager, du consommateur, du promeneur, du footballeur. Il est alors acteur à part entière dans des rapports sociaux. De retour chez lui ou à l’école, il est à nouveau l’objet d’une prise en charge intensive. L’enfant a, dans sa famille et à l’école plus qu’ailleurs, le statut particulier d’une personne à éduquer, à soigner, à protéger, à surveiller.

Interdépendances

Fort sensibles à ce qui arrive à l’enfant lorsqu’il leur échappe, la famille comme l’école apprennent à compter avec les exigences et les initiatives de " l’autre " ; chacune est appelée à jouer un rôle éducatif et à exercer un contrôle sur les conduites de l’enfant, aucune ne maîtrise à elle seule la situation. Les parents savent que leurs efforts d’éducation et de contrôle peuvent être renforcés ou au contraire neutralisés par l’action de l’école. Inversement, les maîtres se sentent fort dépendants de la coopération des parents. Les appels à une collaboration harmonieuse entre la famille et l’école soulignent les risques que courent les adultes s’ils n’arrivent pas à fonctionner comme un véritable team (Besozzi, 1976). Lorsqu’ils reconnaissent, du moins en leur for intérieur, que leur équipe ne fonctionne pas très bien, c’est en général pour le déplorer. Reste à savoir qui est responsable de la division et doit l’emporter en cas de divergence. La recherche de Sermet (1985) suggère que maîtres et parents n’ont pas la même image du pouvoir et du droit des uns et des autres de décider ce qui est bon pour l’enfant. En cas de conflit, les plus lucides admettront que les torts sont partagés. Mais chacun sera tenté de rejeter la responsabilité sur l’autre, accusé de " ne pas jouer le jeu ". Si l’influence de l’école va à l’encontre des valeurs des parents, ils seront enclins à stigmatiser l’incompétence des maîtres ou leurs initiatives abusives, malheureuses, autoritaires, maladroites ou encore laxistes. De leur côté, certains maîtres s’en prendront à la famille lorsque les élèves ne répondent pas à leurs attentes. Ce qui n’empêchera pas les uns et les autres de taire ou de minimiser les divergences en présence de l’enfant : un adulte sait que " l’image qu’il donne de lui-même ne doit pas préserver seulement sa respectabilité individuelle, mais aussi et surtout celle du team des adultes " (Besozzi, 1976, p. 80).

La division du travail éducatif crée entre la famille et l’école un système d’interdépendance et de communication beaucoup plus dense et complexe qu’entre la famille et le monde du travail des adultes. Parents et enseignants se surveillent mutuellement. Ils concertent parfois leurs attitudes éducatives, ils s’ignorent en d’autres occasions ou pratiquent un " dialogue de sourds ". Cependant, même lorsque les relations directes sont rompues ou réduites à leur plus simple expression, parents et enseignants restent interdépendants et continuent à communiquer à travers l’enfant.

La communication est conçue ici au sens large, mais sans aller jusqu’à couvrir toutes les interdépendances et influences mutuelles. Ainsi la transmission des maladies ne relève-t-elle pas de la communication, sauf lorsqu’elle devient l’objet de propos échangés directement ou à travers l’enfant. On ne s’intéresse plus alors à l’aspect épidémiologique proprement dit, mais à l’enjeu que constituent l’hygiène et les mesures sanitaires. Envoyer à l’école un enfant couvert de boutons ou grelottant de fièvre est une forme de message pour l’enseignant ; les parents décodent de la même façon le fait que, faute de précautions, leur enfant contracte en classe une maladie contagieuse. Ils y voient la marque d’une désinvolture coupable à leur égard. Les gestes et les décisions des uns et des autres comptent autant que les paroles !

La ligne de démarcation n’est pas facile à tracer entre interdépendance " aveugle " et communication. Celle-ci n’est pas toujours intentionnelle, ni même consciente. Parents et enseignants n’interprètent pas nécessairement les choses de la même façon : un message trop " codé " peut n’être pas reconnu comme tel, alors qu’on prêtera une intention à un geste anodin. L’ambiguïté, qui est monnaie courante dans la communication directe, ne peut que s’accentuer lorsque les échanges se font à travers un go-between.

Avant d’en venir à l’analyse des communications indirectes stricto sensu, j’examinerai le rôle du go-between dans l’organisation et le déroulement des rencontres entre parents et enseignants. J’analyserai ensuite les stratégies du go-between lorsqu’il est explicitement considéré comme messager. Puis j’en viendrai à des formes moins explicites de communication : propos " téléguidés ", jugements mis en circulation, secrets dévoilés. Enfin je considérerai l’enfant comme un message exprimant, souvent à son insu, son milieu familial ou son milieu scolaire.


1. L’enfant médiateur des contacts directs

Les contacts directs entre parents et enseignants sont partiellement sous le contrôle de l’enfant. Il dépend de lui de transmettre ou de censurer l’information qui prépare une rencontre : il peut " oublier " la circulaire annonçant une réunion ou demandant aux parents de prendre contact avec le maître s’ils désirent un entretien. L’enfant peut aussi mettre peu d’empressement à dire au maître que sa mère voudrait le voir et à obtenir un rendez-vous. Il peut à l’inverse " traîner " ses parents à l’école pour leur faire voir sa classe ou rencontrer son maître. Sans oublier bien entendu que l’enfant est le principal objet des échanges directs : il peut s’arranger pour être juste assez sage et juste assez bon élève pour donner à ses parents et à ses maîtres l’impression qu’il n’ont pas de raisons urgentes de se rencontrer. Il peut au contraire avoir un comportement tellement étrange que maîtres et parents n’auront de cesse de s’être concertés. Même lorsqu’il est absent de la scène, le go-between exerce une certaine influence.

Lorsque parents et enseignants se rencontrent, perdent-il tout contrôle sur la communication ? On va voir que non ! Quels sont les enjeux des contacts directs entre maîtres et parents ? Le plus courant est de faire le point sur le travail de l’enfant, son évolution, ses apprentissages, sa conduite, son intégration au groupe-classe, sa santé, et au delà sur son bonheur, sa réussite, son avenir. Mais la réalité de l’enfant n’est pas simple ; les adultes doivent en construire une représentation commune s’ils veulent concerter leur action. Aboutir à un relatif consensus est le premier enjeu de la rencontre.

Etre ou ne pas être partie prenante ?

L’enfant ne saurait être indifférent à la représentation que les adultes se font de lui, ni à l’avenir qu’ils lui réservent. Son sort est en jeu. Mais comme " c’est un enfant ", les adultes n’en tirent pas nécessairement la conclusion qu’il faut l’associer à leurs rencontres. C’est une évidence pour certains maîtres ou certains parents, mais d’autres pensent que les enfants ne sont pas assez grands ou assez mûrs pour discuter de leur propre sort. Parfois, maîtres et parents se rencontrent à l’insu de l’intéressé. Lorsqu’il est au courant, il n’est pas toujours invité, ni même informé de l’exacte raison d’être de la conversation. Après coup, il n’en reçoit en général que des échos partiels : maîtres et parents filtrent l’information, de sorte qu’elle soit compréhensible, qu’elle n’inquiète pas l’enfant et qu’elle ne l’aide pas à déjouer leurs plans…

Lorsqu’il est présent, l’enfant ne participe pas ipso facto à la conversation. Souvent les adultes l’envoient " jouer plus loin ", pour pouvoir parler de lui sans trop de précautions. On le voit alors, l’air ennuyé ou vaguement inquiet, attendre au fond de la classe ou s’amuser dans le préau. Lorsqu’il est invité à s’approcher, il peut se montrer ambivalent. Peut-être voudrait-il être une mouche, pour ne rien perdre de ce qu’on dit de lui. Il ne se sent pas toujours à l’aise face à ces adultes qu’il a l’habitude d’affronter séparément, mais qui se présentent ce jour-là réunis, sinon unis. La rencontre entre parents et enseignants matérialise le team des adultes, même lorsqu’ils sont en conflit ou mènent une négociation difficile sur la discipline, les notes ou l’orientation. L’enfant a alors conscience d’être l’objet d’une prise en charge conjointe sur laquelle il a d’autant moins de prise que ses parents et ses maîtres mettent en commun leurs informations et concertent leurs stratégies. Certains enfants pressentent que ces rencontres, aussi rares soient-elles, mettent des bornes à leur autonomie. Comme go-between, ils conservent une marge de manœuvre. Lorsque parents et maîtres se rencontrent, les mailles du filet se resserrent. Concertées, les prises en charge présentent moins de failles, les enfants le pressentent bien. Ils tentent donc d’éviter les alliances trop étroites entre les adultes dont ils dépendent le plus.

Tout dépend évidemment de l’enjeu exact de l’entretien et du degré de consensus entre maîtres et parents. Pour tel enfant, rien n’est pire que d’être confronté aux reproches convergents de ses parents et de ses maîtres, à leurs pressions conjointes pour que sa conduite ou son travail s’améliorent. Pour tel autre, le pire est d’être pris dans un violent conflit entre adultes, d’avoir à choisir son camp ou à préserver une difficile neutralité. Consensus sans faille ou vif conflit à son propos peuvent donner à l’enfant l’envie d’échapper au face à face entre ses maîtres et ses parents, à l’exemple de ces malades gravement atteints qui préfèrent ne rien savoir de leur triste état. Dans d’autres cas, l’intéressé a envie d’être écouté, de présenter sa version des faits, de contester l’analyse ou les propositions des adultes, qui ne l’entendent pas forcément de cette oreille. L’enfant peut alors vivre la situation du malade qui assiste, muet et impuissant, à une conversation entre des spécialistes qui parlent de lui comme s’il était absent !

Métacommunication

Pour marginales qu’elles soient dans l’emploi du temps et peut-être dans l’esprit des maîtres ou des parents, les rencontres en face à face peuvent avoir de l’importance dans l’économie générale des communications et des interdépendances entre la famille et l’école. Au jour le jour, l’action de chacun est affectée par l’action de l’autre.

S’il y a consensus, les rencontres face à face, les échanges épistolaires ou téléphoniques le renforcent. En cas de divergences et de tensions, les rencontres permettent dans le meilleur des cas de les gérer, d’atténuer les agacements, les impatiences, les frustrations accumulées de part et d’autre, de lever les malentendus, d’ajuster les images réciproques.

Cette régulation n’est pas automatique : il se peut qu’une rencontre tourne court ou avive les griefs, qu’elle devienne l’occasion de déverser une agressivité contenue ou simplement que les participants en reviennent déçus, ayant confirmé leurs préjugés. Le maître peut en sortir plus sûr que jamais que les parents sont rigides, peu coopératifs ou enclins à prendre inconditionnellement le parti de leur enfant. Les parents peuvent avoir l’impression que le maître ne comprend rien à leur point de vue et refuse de se mettre en question. Rien n’autorise à affirmer que toute rencontre est bénéfique. Il ne suffit pas de se parler pour se comprendre. La coexistence pacifique dans l’ignorance mutuelle vaut parfois mieux qu’un affrontement ouvert qu’on ne sait pas maîtriser.

Mais il arrive aussi qu’en dialoguant parents et enseignants clarifient les " règles " non écrites de leur communication quotidienne à travers l’enfant. En usant du langage des théories de la communication (Watzlawick, Helmick Beavin & Jackson, 1972), on pourrait dire que les rencontres face à face sont des moments de métacommunication, où on tente de clarifier le sens des échanges indirects. La métacommunication, rappelons-le, porte sur le code et le contexte de la communication. Dans le meilleur des cas, elle permet de mieux comprendre les messages ou les signes échangés au jour le jour à travers l’enfant, parfois dans la précipitation ou la mauvaise humeur. C’est du moins ce que souhaitent les partisans du " dialogue ". Mais on ne peut exclure l’hypothèse inverse : il arrive que les contacts directs " brouillent les cartes " : l’un des interlocuteurs s’applique, plus ou moins consciemment, à semer le trouble dans l’esprit de l’autre, en particulier quant à la signification des messages qu’il transmet par d’autres voies. Ainsi un enseignant habituellement très sévère, coutumier de jugements catégoriques sur l’enfant, peut-il, lors d’une rencontre présenter un tout autre visage, disant qu’il aime beaucoup les enfants et qu’il ne faut pas prendre ses colères ou ses remontrances " au pied de la lettre ". Que doivent alors penser les parents ? On pourrait parler de double bind ou de communication paradoxale : les échanges en face à face démentant le sens des échanges quotidiens à travers l’enfant (Watzlawick, Weakland & Fish, 1975).

L’enfant a-t-il toujours intérêt à ce que tout soit clair entre ses parents et ses maîtres ? Sûrement pas ! S’il tire son autonomie d’un certain flou ou de certaines contradictions, il n’encouragera pas les rencontres et ne fera rien pour qu’elles aboutissent à un consensus. Or il a le pouvoir non négligeable de simplifier ou au contraire d’embrouiller la représentation de la situation. Ainsi peut-il, en donnant à ses parents et à ses maîtres des versions contradictoires de ses motifs, les empêcher de comprendre exactement sa conduite et donc de définir une ligne d’action commune.


2. Contrôler la communication écrite

Lorsque maîtres et parents ont des documents à échanger, ils les confient volontiers à l’enfant : c’est plus rapide, plus simple et moins cher que la poste. Or, comme porteur de messages, l’enfant n’est pas dépourvu de pouvoir.

Pour une part, les messages de l’école concernent des affaires d’adultes dont l’intérêt échappe aux enfants : assurances, précautions sanitaires, réunions de parents, allocations d’études, gestion du restaurant scolaire. Les oublis relèvent alors de la distraction plus que d’une stratégie. En revanche, lorsque l’enfant sait ou pressent qu’il est question de lui, il sera tenté d’agir au mieux de ses intérêts. Pourquoi apporterait-il des verges pour le battre ?

Si ses résultats sont désastreux, s’il a été impoli, s’il s’est absenté sans excuse, s’il a agressé un camarade ou bouché les lavabos, l’enfant n’aura pas une envie folle de le faire savoir à ses parents et de se retrouver devant le cortège prévisible d’étonnements navrés, de remontrances, de menaces et de punitions. S’il porte le message, ce n’est pas de gaieté de cœur, mais plutôt de crainte d’aggraver son cas ! Même calcul lorsque ses parents lui confient un mot destiné au maître. S’il s’agit d’excuser une arrivée tardive, de justifier un congé exceptionnel pour un camp de football ou un examen de piano, l’enfant n’hésitera guère à porter le message. Mais il transmettra à contrecœur un mot qui lui interdit de " faire la gymnastique " ou d’aller vendre des insignes avec ses camarades…

 L’altération des messages

Il peut faire des faux purs et simples, par exemple rédiger une excuse pour une absence " inexcusable ", imiter une signature ou falsifier une note dans un bulletin. Il peut tronquer un vrai message, ne pas le remettre ou en différer l’acheminement assez longtemps pour qu’il perde toute actualité, feignant alors d’avoir perdu le document. Sans être véritablement égaré, un message peut séjourner dans un cartable ou dans une pile de cahiers assez longtemps pour arriver chiffonné, déchiré, maculé au point de n’être plus présentable. Le temps de transmission et l’état du message peuvent en altérer le sens ou fixer l’attention sur le mode de communication plutôt que sur le contenu du message : les parents qui reçoivent une information périmée sont contrariés ; une excuse trop tardive ou déchirée ne produit pas l’effet attendu !

Lorsqu’ils sont conscients de certains de ces risques, en général après une expérience malheureuse, les parents et les maîtres cherchent à s’en protéger. Exceptionnellement, ils recourent à la poste. Plus banalement, ils placent leur correspondance sous pli fermé pour que l’enfant ne puisse en prendre connaissance ou sous couverture plastique pour qu’elle arrive en bon état. Les maîtres passent une partie de leur temps à vérifier que chaque élève a emporté divers documents destinés à ses parents, qu’il les a acheminés et qu’il a rapporté à temps une réponse, une signature, un accusé de réception, une autorisation, une somme d’argent montrant que le message a été transmis et compris. Dans certaines classes, chaque épreuve, chaque devoir, chaque correction, chaque information confiée aux élèves doit porter en retour le " visa " des parents. D’autres maîtres, moins méfiants ou moins méthodiques, n’appliquent ces procédures que pour les documents très importants. Mais nul n’est sûr que toute l’information destinée aux parents a passé.

Altérer la communication écrite entre maîtres et parents paraîtra souvent à ces derniers une stratégie à courte vue. L’enfant devrait imaginer qu’ils finiront bien par s’apercevoir que telle lettre n’a pas été reçue ou que le carnet est présenté avec trois semaines de retard. Les adultes oublient que, pour les enfants comme pour eux, l’essentiel est souvent de parer au plus pressé, de reculer le moment d’une confrontation douloureuse. Gagner du temps peut d’ailleurs être une stratégie parfaitement rationnelle si l’essentiel est de ne pas compromettre la prochaine " boum ", l’achat d’une bicyclette ou le départ en classe verte !

Influencer l’interprétation

Bien entendu, les messages qu’échangent maîtres et parents sont pour la plupart acheminés " normalement ". Les cas de falsification, de rétention ou de perte ne sont pas la règle ; mais ils montrent que le messager garde un certain contrôle sur la communication. L’enfant n’altérera un message qu’en dernière extrémité. Il lui suffira souvent d’en influencer plus ou moins subtilement l’interprétation. Lorsqu’il est en cause, on lui demande en général de donner son avis, par exemple d’expliquer sa mauvaise conduite ou ses résultats médiocres. Si la teneur d’un message n’est pas claire, le plus simple n’est-il pas de questionner le messager ? Il arrive aussi que l’enfant commente spontanément le message. Il ne s’en prive pas s’il sent ses intérêts ou son image en jeu ! S’il est suspect de partialité, le destinataire ne se fiera pas entièrement à sa version. Certaines rencontres ou certains contacts téléphoniques entre maîtres et parents sont souvent suscités par une phrase lapidaire dans un bulletin scolaire, une excuse peu convaincante ou un commentaire obscur en marge d’une épreuve. Mais dans beaucoup de cas, parents et enseignants n’accordent pas assez d’importance au message pour prendre le temps de remonter à la source. Ils se fient aux dires de l’enfant, ce qui lui offre la possibilité d’éviter le pire. Il peut alors déployer des trésors d’argumentation pour minimiser les événements, expliquer " qu’il n’a pas fait exprès ", que " le maître était de mauvaise humeur " ou que tous ses camarades ont obtenu d’aussi médiocres résultats. Familier d’une situation que le destinataire ne connaît pas, l’enfant peut contrôler partiellement le sens, donc l’effet d’un message.

Participer à la rédaction

Le messager peut aussi exercer une influence sur la teneur du message. Certains maîtres, au moment de rédiger les bulletins d’évaluation du travail et de la conduite, consultent leurs élèves, qui tentent alors de négocier ou d’atténuer les passages qui pourraient les mettre en mauvaise posture. Autre exemple : les parents doivent trouver aux absences de leurs enfants une excuse légitime : fatigue, accident, maladie, cas de force majeure. Lorsqu’un enfant a manqué l’école parce qu’il a accompagné ses parents en week-end, parce qu’il n’avait pas envie d’aller en classe ou parce qu’il est resté endormi, la famille a intérêt à inventer une excuse acceptable. L’enfant peut alors faire des propositions ou s’assurer que l’excuse rédigée par ses parents est crédible et qu’il pourra la confirmer. Lorsque les parents veulent écrire au maître pour protester, par exemple, contre sa façon d’évaluer ou la fréquence des sorties en plein air, l’enfant peut intervenir soit pour les en dissuader, soit pour influencer la formulation. Il sait très bien que le message qu’il transmet peut servir ses intérêts ou le placer au contraire dans une situation difficile, parce qu’il est en cause ou simplement parce qu’il sera jugé solidaire d’un message négatif. Les enfants n’aiment pas être associés à un message agressif, parce qu’ils en ont honte ou parce qu’ils savent que c’est à eux que s’adressera la réaction du destinataire, ironique, méchante ou simplement perplexe. Chacun apprend dès son plus jeune âge qu’on accueille mal le porteur de mauvaises nouvelles ou de propos critiques.

 
3. " Ma maman m’a dit de vous dire… "

Lorsqu’on lui confie un message oral, l’influence de l’enfant est plus grande encore. Il peut par exemple oublier de le transmettre, en censurer ou en altérer délibérément le contenu. Il peut encore le transmettre à un moment, sur un ton ou avec des commentaires qui en influenceront fortement le sens. S’il y a des enfants " faussaires ", d’autres sont " mythomanes " : ils inventent de toutes pièces des messages censés émaner de leurs parents ou de leurs maîtres. Mais ces cas patents de désinformation (Watzlawick, 1978) sont marginaux aux côtés des interventions banales qui infléchissent l’interprétation d’un message ; il suffit souvent d’ajouter ou de retrancher certains éléments, de mettre certains accents, de dévoiler au destinataire les intentions cachées de l’auteur, de livrer des fragments de contexte ou encore de noyer le message dans un flot de paroles.

Les messages anodins sont soit oubliés, soit fidèlement transmis : Dis à ta mère qu’elle peut venir me voir mardi à onze heures, ou Tu diras à ton maître que je paierai la course d’école demain, ou encore Dites à vos parents que je serai absent vendredi prochain et que vous aurez un remplaçant. De tels messages peuvent être oubliés si l’enfant a d’autres choses en tête. Il se souvient surtout de ce qui l’intéresse directement. Sur des sujets plus brûlants, la déformation devient probable : Dis à ton maître que j’aimerais bien savoir comment il fait ses barèmes &emdash; Tu peux dire à tes parents que s’ils continuent à te laisser regarder la télé aussi tard, il ne faudra pas qu’ils s’étonnent si tu as de mauvaises notes &emdash; Tu diras à ton prof de math qu’il vous donne des exercices sans intérêt &emdash; Dis à ta mère qu’elle ne doit pas te faire apprendre par cœur le texte de la semaine, c’est du travail de singe. L’enfant se doute que de tels messages seront mal reçus s’il les transmet à la lettre. Il préférera les atténuer, taire ou euphémiser les critiques.

S’abriter derrière l’enfant

Si les adultes se servent de l’enfant comme messager, c’est d’abord parce que c’est plus simple et plus rapide. Ils ont parfois d’autres raisons, plus subtiles, de confier un message oral plutôt que d’écrire un mot : cette forme de communication atténue leur responsabilité. Ils se réservent la possibilité, si le message devait être mal reçu, de plaider le malentendu, d’affirmer que " ce n’est ce qu’ils voulaient dire ", que " l’enfant a tout compris de travers ". Au cours de l’année scolaire, il arrive que les parents ou les maîtres aient sur le cœur des choses qu’ils n’ont pas le courage d’écrire ou de dire en face. L’enfant est alors un messager commode. Il permet de ne pas être confronté à une réaction directe. Lorsque le père dit à son fils Tu diras à ton maître que lire en classe des bandes dessinées, c’est du temps perdu. Vous feriez mieux de faire des dictées, il sait que ce message, s’il passe, ne risque guère d’amorcer un vrai débat. Le maître dira peut-être Tu répondras à ton père que les bandes dessinées font partie de la culture et qu’on ne peut pas faire que de l’orthographe et l’affaire en restera là. Par contre, si le père lui dit la même chose en face, le maître se sentira obligé d’argumenter, mettant peut-être son interlocuteur dans une position difficile, par exemple en lui demandant s’il connaît réellement la bande dessinée ou en l’accusant d’être fermé au monde moderne. De même, un maître court davantage de risques en disant aux parents Vous donnez une éducation déplorable à votre enfant que s’il confie le message à l’intéressé.

S’abriter derrière l’enfant, en lui demandant de transmettre des propos qu’on n’oserait pas tenir en face n’est pas nécessairement une stratégie consciente. Au moment où il confie à l’enfant un message agressif ou ironique, l’adulte ne sait pas toujours lui-même s’il joue, s’il exprime une envie vite censurée ou s’il formule une vraie demande. C’est une forme de rhétorique que d’apostropher un enfant en lui prescrivant " Tu diras à ton maître… " ou " Tu diras à tes parents… ". Les adultes pensent en général qu’il ne prendra pas la consigne au sérieux ou qu’il censurera les propos trop critiques, grossiers ou ironiques. Feindre de confier un message peut être une façon détournée de s’adresser à l’enfant lui-même ou de sonder ses sentiments à l’égard des adultes en présence. Selon qu’il accepte ou non d’entrer dans le jeu, selon qu’il conteste ou non le contenu du message ou l’opportunité de le transmettre, selon l’angoisse ou la jubilation que l’on peut lire dans son regard, l’enfant révèle ses attitudes et ses craintes. Ces messages possibles, joués, fantasmés, sont autant de façons de parler de l’école en famille ou de la famille en classe, autant de façons de contrôler indirectement la conduite de l’enfant dans l’autre univers ou d’influencer son jugement.

Les jeux des adultes n’échappent qu’aux enfants très jeunes. Lorsqu’ils avancent en âge, les enfants sont de moins en moins dupes. Ils apprennent que certains messages sont des formules de rhétorique, que d’autres permettent aux adultes de " se cacher " derrière le messager. Ils peuvent alors, selon leurs propres enjeux, se prêter à la manœuvre ou la déjouer !


4. Les propos " téléguidés "

Il ne s’agit ici ni de messages explicitement confiés à l’enfant, ni d’influences involontaires. Si l’enfant reprend telle formule entendue à table ou en classe, il procède par simple imitation ; s’il transmet un message, il n’est pas censé en être responsable. Les propos téléguidés ne sont efficaces que si l’enfant les prend à son compte, soit parce qu’il " joue le jeu ", soit parce qu’il n’a pas conscience d’être téléguidé.

On se trouve ici dans le registre bien connu des conseils donnés à un proche qui va participer à un débat ou à une conversation difficile. Les parents savent que leur enfant vivra une fois ou l’autre en classe des situations délicates. Pour mieux le préparer, ils envisagent avec lui diverses éventualités, lui conseillant de réagir de telle ou telle manière, de poser une question s’il n’a pas compris, d’avouer s’il a fait une bêtise, de contester une décision injuste, de demander des explications s’il reçoit une note ou des corrections qui ne lui semblent pas fondées. À ces conseils très généraux s’ajoutent des recommandations plus spécifiques, par exemple lorsque l’enfant est engagé dans un conflit avec un maître ou certains de ses camarades. À un enfant dont le maître se moque constamment, ses parents conseilleront de se taire dignement ou de " ne pas se laisser faire ". Si un maître tient des propos élitaires, racistes ou sexistes, certains parents conseilleront le silence à leurs enfant, d’autre la protestation. Certains parents préparent leurs enfants à se défendre contre les propos séducteurs, les questions indiscrètes sur leur vie privée ou un endoctrinement politique ou moral étranger aux valeurs familiales. Les conseils peuvent aussi porter sur des sujets plus terre à terre : S’il t’interroge, dis-lui que tu étais malade jeudi, que tu n’a pas eu le temps de faire tes devoirs &emdash; N’oublie pas de demander au maître de t’expliquer ce que tu n’as pas compris en math &emdash; Dis au prof de gymnastique que tu ne dois pas grimper aux perches, ça te fait mal au dos &emdash; Demande au maître comment tu dois faire pour t’inscrire aux devoirs surveillés.

S’il leur semble " naturel " de suggérer des propos à leurs enfants, les parents attendent des maîtres davantage de réserve. Ils leur reconnaissent éventuellement le droit de se mêler de ce qui touche au travail scolaire : Tes parents peuvent t’aider à faire ta composition, mais dis-leur de ne pas l’écrire à ta place &emdash; Demande-leur de ne pas te montrer les divisions à leur façon, ça ne peut que t’embrouiller &emdash; S’ils ne comprennent pas ce qu’on fait en grammaire, dis-leur que c’est normal, que le programme a changé. Les conseils du maître devraient d’ailleurs, dans l’esprit des parents, être donnés ouvertement et prendre la forme d’un message à leur intention, plutôt que d’une suggestion faite à l’enfant.

Parents et enseignants veulent en principe le bien de l’enfant. Mais ils n’en ont pas toujours la même image. Il arrive que les conseils des uns aillent dans le sens souhaité par les autres et renforcent leur autorité. Les conseils donnés à l’enfant peuvent l’aider à se défendre contre un maître injuste ou trop sévère ou contre des parents autoritaires, rigides ou anxiogènes. Chacun des partenaires peut avoir le sentiment d’être le seul à agir pour le bien de l’enfant, prêtant à " l’autre " une influence néfaste, qu’il s’applique à contrecarrer.

Influences illégitimes

L’enjeu dépasse parfois le bien de l’enfant, même entendu en un sens très large : bien-être, sécurité, estime de soi, réussite scolaire. Certains parents ont envie, à travers leur enfant, d’agir sur l’école pour la faire évoluer ou au contraire pour l’empêcher de changer. Lorsqu’un père dit à son enfant La prochaine fois que vous ferez des jeux en classe, tu diras à ton maître que tu ne vas pas à l’école pour t’amuser, il pense préserver d’abord les intérêts de son enfant. Mais à travers lui, il s’adresse à l’enseignant pour lui signifier qu’il désapprouve sa pédagogie. Lorsqu’un maître dit à un élève La prochaine fois que tes parents t’emmènent faire la fête tout le week-end, tu leur diras que tu travailles, toi, le lundi matin, il se soucie bien sûr de la forme de l’élève, mais il espère peut-être aussi ramener les parents à une vie plus raisonnable.

L’école de son côté peut trouver légitime, sous réserve des moyens employés, que des parents veuillent préserver les intérêts de leur enfant, fût-ce contre le maître. Par contre, elle ne leur reconnaît aucun droit de plaider à travers eux pour telle réforme ou contre telle pédagogie. En sens inverse, on n’acceptera pas qu’un maître tente, à travers l’enfant et par les propos qu’il lui conseille, de modifier les valeurs ou le mode de vie d’une famille. Ce maître " sortirait de son rôle ", " se mêlerait de ce qui ne le regarde pas ". Pour la plupart, les parents n’acceptent pas qu’un enseignant suggère à leur enfant des propos ou des conduites sans rapport avec la scolarité, qu’il s’agisse de conflits familiaux, d’hygiène, de mœurs, d’alimentation ou de programmes de télévision !

Un adulte qui " téléguide " les propos d’un enfant n’est jamais tout à fait sûr de son bon droit. Si sa tentative d’influence est dévoilée, il risque d’être accusé de manipulation, d’ingérence, de transgression des règles du jeu. Il doit donc affronter une certaine incertitude, craindre que l’enfant avoue innocemment qu’on lui a soufflé ses propos.

Il n’est pourtant pas toujours facile de savoir si un enfant parle en son propre nom ou s’il est " téléguidé ". Tous les propos inspirés par les uns ou les autres ne sont pas identifiés comme tels, et inversement. En cas de conflit entre les parents et l’enseignant, les propos les plus anodins peuvent être interprétés comme des " manœuvres ". La communication indirecte prendra donc une importance d’autant plus grande que le team des adultes est divisé.

Les adultes n’ont pas beaucoup de moyens de savoir si les enfants tiennent les propos qui leur sont suggérés. Car le go-between a ses propres stratégies, qui s’écartent de celles des adultes et qui jouent sur les ambiguïtés de la situation. Alors que certains avouent naïvement qu’on leur a conseillé de dire telle ou telle chose, d’autres sont assez habiles pour faire croire que les propos qu’ils tiennent leur ont été suggérés, ce qui leur permet de dire des choses de leur cru tout en se retranchant derrière quelque inspirateur imaginaire. Dans maintes situations de communication, les propos prêtés à un tiers jouent un rôle important. Pourquoi les enfants se priveraient-ils de faire parler le tiers absent ?

Les adultes se caractérisent en général par une assez grande naïveté quant aux stratégies des enfants. Ils imaginent maîtriser la communication, alors que…


5. La circulation des jugements

Beaucoup d’enfants racontent à la maison ce qui s’est passé en classe et inversement. Ils rapportent en particulier les jugements dont ils ont été plus ou moins explicitement l’objet. La mise en circulation de ces jugements suffit à établir une communication indirecte entre maîtres et parents. Le maître se sent évalué lorsque les parents jugent leur enfant en tant qu’élève, lorsqu’ils évaluent les compétences, les manières, les humeurs qu’il est censé devoir à l’école. Les parents se sentent indirectement jugés plus souvent encore : ils s’estiment mis en cause chaque fois que le maître évalue l’excellence scolaire, le caractère, l’intelligence, l’application, la sociabilité ou la moralité de leur enfant. Ce qui arrive pratiquement tous les jours !

Quiconque s’identifie à un proche est personnellement touché par les jugements dont il est l’objet. Les parents sont en général portés à s’identifier fortement à leur enfant, puisqu’ils l’ont élevé, l’aiment et en sont fiers. En raillant ou en félicitant leur enfant, c’est eux qu’on raille ou qu’on félicite. Les enseignants s’identifient moins vivement à leurs élèves, puisqu’ils en ont vingt ou trente, qu’ils ne gardent qu’un an ou deux. Mais il arrive qu’un maître s’attache particulièrement à un enfant et le prenne en charge au delà de son travail scolaire. L’identification s’accroît si l’enfant vit dans une famille que le maître voit divisée ou désorganisée. Lorsque l’enfant lui semble mal aimé ou maltraité par ses parents, lorsqu’il a l’impression de pouvoir lui offrir un appui et une sécurité qu’il ne trouve pas dans sa famille, les rôles peuvent se renverser : le maître " adopte " en quelque sorte l’enfant, défend ses intérêts, se " substituant " à la famille si elle lui paraît indifférente ou impuissante, la combattant si elle lui semble rendre l’enfant " fou " ou malheureux. Sans en arriver à ce degré d’identification, beaucoup de maîtres ont à cœur que leurs élèves ne soient pas mal jugés par leurs parents, en particulier dans les domaines où la responsabilité de l’école est engagée : les savoirs, la culture générale, mais aussi le sens de l’organisation, le goût du travail ou la politesse.

Des jugements réciproques

L’école est par définition une " machine à évaluer ". Les jugements qu’elle fabrique (Perrenoud, 1984) n’engagent pas seulement le maître qui les énonce, mais l’institution au nom de laquelle il juge. Loin d’être une simple opinion, le jugement de l’école a " force de loi " et commande des décisions qui s’imposent aux élèves et à leurs parents, par exemple un travail supplémentaire en cas de mauvaise performance, une punition pour mauvaise conduite, ou encore l’envoi en cours d’appui, le passage dans une autre classe, le redoublement, l’exclusion de l’école ou une (ré) orientation défavorable. Si leur enfant ne se conforme pas aux attentes du maître, les parents ont très vite le sentiment de n’avoir pas fait " tout ce qu’il fallait ". Si le maître dit à l’enfant Tu es vraiment trop bête !, les parents entendent, idéologie du don oblige, Il est à votre image. Si son fils dit en revenant de l’école Le maître s’est moqué de moi parce que j’avais les ongles tout noirs, la mère de famille reçoit cette moquerie comme un désaveu et comme une incitation à mieux veiller à la propreté de son enfant. S’il dit Le maître pense que je ne ferai jamais rien de bon, que je suis vraiment trop paresseux, les parents entendent Vous n’avez pas su lui inculquer le goût de l’effort et lui donner des ambitions.

L’opinion des parents sur l’école a moins de poids. Elle peut plus facilement être ignorée ou disqualifiée. Même lorsque des parents jugent très sévèrement ce que l’école fait de leur enfant, ce jugement n’a pas la publicité, la légitimité, les conséquences de l’évaluation scolaire. Néanmoins, beaucoup de maîtres se sentent individuellement mis en cause pas les jugements des parents.

Le bon usage des jugements

Nombre de jugements sont portés sur le vif, parfois à l’emporte-pièce. Incriminer l’école, respectivement la famille, peut être une façon de rejeter ou de partager les responsabilités. L’adulte qui énonce, dans l’énervement ou sur le ton de la plaisanterie, quelque jugement catégorique est souvent à mille lieues de penser que l’enfant va le retenir et en faire état, parfois bien plus tard. Lorsque cela arrive, c’est parfois par accident. Mais la circulation des jugements obéit aussi à des raisons stratégiques. Un enfant peut se défendre ou à se faire valoir en faisant état d’un jugement en sa faveur. Qu’il rapporte un jugement positif, au moment qui sert le mieux ses intérêts, rien n’est plus normal. Certains enfants rapportent aussi des jugements qui les présentent sous un jour défavorable : il y a ceux qui racontent presque tout ce qui leur arrive, par besoin de communiquer, même lorsque cela leur attire des ennuis. D’autres prennent les devants, préférant présenter les choses à leur manière avant que le maître ne s’adresse directement à leurs parents. Ceux qui se sentent injustement dévalorisés par le jugement du maître cherchent auprès de leurs parents un réconfort et un geste de solidarité. D’autres encore, accusés de quelque méfait, font rejaillir l’accusation le vrai coupable. L’enfant peut aussi rapporter un jugement dont il n’a pas saisi clairement le sens ou la portée, par exemple parce que les mots utilisés par le maître ne veulent pas dire grand chose pour lui La maîtresse a dit que j’étais complètement dyslexique ou Maman, le maître a dit que j’avais pas inventé la poudre… qu’est-ce que ça veut dire ?

À l’école, des mécanismes analogues sont à l’œuvre. Beaucoup d’enfants ont conscience de faire plaisir à leur maître s’ils lui rapportent les jugements positifs de leurs parents : Mes parents trouvent que j’ai fait beaucoup de progrès en lecture depuis le début de l’année &emdash; Mon père était très content, il m’a dit que j’avais bien appris à me débrouiller seul pour mon travail scolaire &emdash; Mes parents trouvent que je suis beaucoup plus calme depuis que je suis dans cette classe. Lorsque les enfants font état de jugements négatifs, c’est parfois pour embarrasser l’enseignant ou lui être désagréable, parfois parce que c’est une façon détournée d’exprimer une opinion personnelle : Mon père, il m’a dit que je devenais paresseuse, parce qu’en classe on travaille beaucoup moins que l’année dernière &emdash; Maman, elle dit que je parle de plus en plus mal, parce qu’on ne nous corrige pas assez à l’école &emdash; Mes parents m’ont dit que si je suis nul en calcul mental, c’est parce qu’on n’en fait pas assez en classe. Le On se demande ce qu’on vous apprend à l’école est la revanche rituelle des parents qui prennent leur enfant en flagrant délit d’ignorance ! C’est parfois pure rhétorique, façon d’exprimer une humeur. Mais il suffit que l’enfant prenne le propos au sérieux et juge bon de le rapporter…

Quelles que soient ses causes, la mise en circulation des jugements établit une forme de communication indirecte entre la famille et l’école, parfois génératrice de conflits et de malentendus, parfois de sentiments positifs.


6. Agent double ou témoin embarrassant

Ce que l’enfant dit de l’école dans sa famille, ou de sa famille à l’école, ne se limite pas aux jugements qu’il rapporte. Lorsqu’il revient de l’école, l’enfant parle souvent de ce qui s’est passé dans la journée, de ses angoisses, de ses plaisirs, de ce qui l’a ennuyé ou intéressé, de ses amitiés ou de ses conflits, de ce qu’il a entendu, vu, fait, reçu et de ses réactions. Certains enfants content leurs faits et gestes par le menu, alors que d’autres ne disent presque rien de ce qu’ils vivent à l’école, même lorsqu’il s’agit d’événements dramatiques ou très heureux. De leur côté, les parents sollicitent très inégalement leurs enfants. Sans ignorer ces différences, le maître ne sait pas exactement ce que ses élèves racontent à leurs parents. Dans le doute, chaque élève lui paraît un témoin possible de scènes qui pourraient être mal comprises ou être aux yeux des parents contraires au programme, au règlement, à la déontologie ou au sens commun.

Dans la majorité des classes, comme dans la plupart des lieux de travail, tout en respectant " en gros " les règles, on se permet de petites entorses, certains retards, certains expédients liés moins à un manque de sérieux professionnel qu’à la complexité de la tâche, au manque de temps, à l’impossibilité de tout prévoir et de tout maîtriser. Par exemple, dans le feu de l’action, un maître peut ne pas s’apercevoir qu’un élève a quitté la classe au milieu d’une activité. Si on le retrouve sous les roues d’un camion, c’est un scandale. Dans les autres cas, on fait comme s’il ne s’était rien passé ! Sauf si d’autres élèves ont la malencontreuse idée d’en parler à leurs parents… Le maître se sent observé par les enfants et, à travers eux, par les parents. Injustices, gestes de violence, colères démesurées, passages à vide, chahuts, moments de désorganisation, incohérences dans l’évaluation n’échappent pas aux élèves perspicaces. Comment être sûr qu’aucun d’eux, par malveillance ou en toute naïveté, ne racontera pas la scène à ses parents ? Perspective d’autant plus navrante que le maître présente à ses collègues une façade irréprochable.

La visibilité, l’accès aux " coulisses " est une forme de communication involontaire entre le maître et les parents. Il ne s’agit plus alors de véritables messages, mais du regard indirect des parents sur la réalité de la classe. Tous les maîtres n’ont pas également le sentiment d’être exposés au regard des élèves et à travers eux des parents. Il faut faire en ce domaine une large part aux fantasmes : beaucoup de choses passent inaperçues ou paraissent anodines, alors même que l’enseignant a le sentiment d’avoir perdu la maîtrise des événements. Lorsque les enfants s’en rendent compte, ils ne se soucient pas tous d’en parler à leurs parents. Mais le maître ne sait jamais exactement ce que les élèves ont perçu, ce qu’ils ont compris et ce qu’ils vont raconter. On peut évoquer à ce propos la surveillance panoptique dont parle Foucault (1975) à propos des prisons : le dispositif permet aux gardiens d’observer chaque détenu en permanence et à son insu. Ignorant s’il est présentement observé, un prisonnier devient dépendant de ses propres angoisses. Certains se sentent constamment observés, alors que d’autres plus insouciants, font comme si le surveillant regardait ailleurs. Le maître se trouve, par rapport à ses élèves dans une situation analogue : potentiellement, tout ce qui se passe en classe peut être porté à la connaissance des parents et parfois, à travers eux, de l’autorité scolaire. S’il est d’un naturel anxieux, le maître aura l’impression de travailler constamment " sous les feux de la rampe " ; il se rongera les sangs si, une fois ou l’autre, il perd la maîtrise de la situation. D’autres maîtres ne s’en soucient guère.

Secrets de famille

Le mécanisme fonctionne en sens inverse : les enfants racontent en classe une partie de ce qui leur arrive à la maison. Le nombre d’élèves, l’accent mis sur le travail scolaire et sa discrétion personnelle ou professionnelle conduisent le maître à ne pas questionner systématiquement les enfants sur ce qu’ils vivent dans leur famille et à limiter le temps et les occasions qui leur permettraient de le raconter spontanément. Cependant, un enfant ne vit pas vingt-cinq à trente heures par semaine à l’école sans rien dire de sa vie de famille. Certaines activités y inclinent plus que d’autres : dans toutes les discussions qui portent sur des sujets " peu scolaires ", par exemple la justice, les accidents de la route, l’alcool, la télévision, la mode, la santé, l’hygiène, l’alimentation, la conduite automobile, les relations de parenté, l’argent, beaucoup d’enfants amènent volontiers des exemples empruntés à leur vécu familial. D’autres moments sont favorables à ce genre de " confidences " : les courses d’école, les promenades, les moments de relative détente où le maître a le temps de bavarder avec quelques élèves d’autre chose que du travail scolaire proprement dit. À nouveau, notons les différences : certains maîtres s’intéressent très peu à la vie de famille de leurs élèves, alors que d’autres trouvent très important d’en savoir plus pour comprendre les enfants qu’ils ont en face d’eux. Certains maîtres s’interdisent toute conversation touchant à des sujets d’ordre privé, alors que d’autres considèrent qu’on ne peut pas favoriser le développement intellectuel et l’épanouissement d’une personne, ni même la maîtrise de la langue, en considérant comme tabous tous les sujets qui touchent à la vie quotidienne, parmi lesquels beaucoup impliquent plus ou moins directement la famille de l’enfant.

Les enfants n’ont souvent pas conscience de dévoiler des secrets ou de trahir une intimité, mais il leur arrive pourtant de donner des informations qui vont bien au delà de ce que les parents souhaiteraient faire savoir. Ces derniers, pour leur part, ont fort inégalement conscience du fait que certains aspects de leur vie familiale peuvent être dévoilés en classe. Beaucoup d’entre eux n’imaginent pas très concrètement la nature et le ton des conversations qui y ont cours. Certains prêtent à leurs enfants la réserve dont ils font preuve personnellement. Ils sont donc sidérés le jour où ils apprennent que leur enfant a raconté en classe, par exemple, que sa famille a des difficultés financières, que sa mère suit un régime amaigrissant, que son frère aîné se drogue ou que son père vit chez une amie.

Si les enfants trahissent, parfois innocemment, parfois sciemment, ce que les adultes considèrent comme des " secrets de famille ", il va de soi qu’ils parlent avec plus de naturel encore de ce qu’ils mangent, des maladies des uns et des autres, des nouveaux meubles du salon, de ce qu’on regarde à la télévision, des projets de vacances, des colères du père ou du goût de la mère pour les romans-photos. Toutes choses que les parents ne souhaitent pas nécessairement voir divulguer en leur absence et surtout d’une façon qui échappe à leur contrôle.

Les enfants ne sont pas moins soucieux que les adultes de la respectabilité de leur famille, mais ils n’ont pas la même perception de ce qui peut discréditer leurs parents dans l’esprit des enseignants. Les parents enseignent aux enfants qu’il n’est pas bon de tout dire hors du cercle de famille. Mais il est difficile de faire comprendre à un enfant que ce qui se pratique couramment et avec naturel en famille, par exemple dans le domaine de l’hygiène, du ménage, du partage des tâches, des contacts physiques, pourrait être jugé vulgaire ou immoral selon d’autres normes. Le souci de préserver son intimité varie selon le degré de marginalité de la famille, selon qu’elle est dominée ou non par le sentiment d’avoir des choses à cacher, selon sa conception de la vie privée. Mais peu de parents peuvent rester indifférents à l’idée que ce qu’ils vivent de plus privé puisse être raconté en classe.

On a affaire ici à un registre particulier de communication : il n’y a pas intention de communiquer, mais mise en circulation, à travers l’enfant, d’une information qu’autrui captera à l’insu ou au corps défendant des intéressés. Par le fait qu’il appartient aux deux univers et développe une double solidarité, l’enfant fonctionne un peu comme un agent double, qui introduit des fissures dans la sphère intime de la famille aussi bien que dans la vie " protégée " du groupe-classe.


7. L’enfant expression d’un milieu de vie

L’enfant peut mettre parents et enseignants en communication d’une façon encore moins consciente, encore plus éloignée de la transmission délibérée d’un message. Chaque jour il revient de l’école dans un certain état physique et mental, plus ou moins excité, fatigué, anxieux, frustré, révolté, désabusé ou au contraire, joyeux et ravi de sa journée. Il peut de même afficher plus ou moins clairement ses sentiments ou ses dispositions d’esprit lorsqu’il s’apprête à retourner à l’école. Les parents qui observent attentivement leur enfant n’ont pas grand mal à deviner qu’il s’est passé quelque chose. Pour confirmer leur impression, ils peuvent l’interroger ou tirer parti de son récit spontané. Ce n’est pas toujours nécessaire : avec l’habitude, les parents décodent certaines émotions et certains états d’esprit à partir d’autres indices : l’enfant revient à une heure inhabituelle, les yeux rouges ou l’air tendu ; il jette son cartable dans un coin, se plaint d’avoir mal au ventre ou de souffrir de migraine, ne mange pas… autant de signes qui ne trompent pas.

Le maître, lui, accueille des enfants qui doivent à leur vécu familial des sentiments, un état physique et mental, des humeurs qui vont en partie conditionner leur travail scolaire, leur comportement, leur mode d’intégration au groupe-classe. Lorsqu’un maître attribue la fatigue d’un élève à un trop long week-end en voiture ou à une soirée passée jusqu’à minuit devant la télévision, cette fatigue est non seulement un obstacle au travail scolaire, mais une sorte de message des parents, l’expression de ce qu’ils sont, de leurs valeurs, de leur mode de vie, de leur attitude désinvolte à l’égard de l’école. De même lorsqu’un élève vient à l’école battu, sous-alimenté, malade, ou encore mal habillé, sale, dépourvu de ses affaires ou de très mauvaise humeur.

Un enfant est aussi porteur de caractéristiques plus stables : sa personnalité, son capital culturel, ses attitudes, ses habitudes, ses intérêts, ses aspirations, sa manière d’être avec autrui, sa façon de communiquer, son stade de développement intellectuel. Toutes choses qu’on se représente, au moins intuitivement, comme fonction d’attitudes éducatives autant que de conditions de vie. L’enfant n’est plus alors messager. Il est lui-même le message ; il exprime son milieu familial sans le vouloir, par ce qu’il est.

En contrepartie, il exprime son milieu scolaire en famille. En cherchant à expliquer les inégalités de réussite scolaire, on a souvent mis l’accent sur ce que les enfants héritent de leur famille : image de soi, envie d’apprendre, capital culturel, personnalité, compétences. Certaines influences, ne l’oublions pas, s’exercent dans l’autre sens : à partir de trois ou quatre ans et jusqu’à l’âge adulte, les jeunes passent des milliers d’heures à l’école : ils en sont graduellement mais profondément changés. Cela concerne les apprentissages prévus par le curriculum formel, mais aussi ceux qui relèvent de l’expérience de vie dans un groupe-classe ou un établissement scolaire, ce que j’appelle le curriculum réel (Perrenoud, 1984), qui est partiellement caché ou simplement moins explicite que les acquis scolaires classiques. À l’école, on intériorise des valeurs, des attitudes, des fragments d’idéologies, des normes de conduite, des modes de relation ; autant d’acquis qui font de l’enfant l’expression de l’école dans sa famille.

Hameline (1986) nous indique tant la fatalité du discours métaphorique, s’agissant d’éducation, que ses pièges. Ce qui est " codé " dans l’humeur, l’état d’esprit, la personnalité ou le capital culturel d’un enfant n’est pas un véritable message, faute d’être émis comme tel et de correspondre à une intention de communiquer. Mais engendrer et éduquer un enfant, n’est-ce pas une façon de s’exprimer ? Kellerhals et Pasini (1976) soulignent l’importance des motivations narcissiques à la procréation et présentent l’enfant comme un miroir et un symbole du couple, de son amour, de sa capacité à créer un être neuf doté de toutes les perfections. Pour certains couples, mettre au monde et élever un enfant est une façon de communiquer avec le monde, d’exprimer ce à quoi on tient le plus, ce qui mérite d’être développé chez un être neuf. Plus banalement, la plupart des parents ont conscience d’être jugés à travers leurs enfants, qui leur feront honte ou honneur selon la façon dont ils se conduisent. De là à considérer l’enfant comme un " message " envoyé par des adultes à d’autres adultes, il n’y a qu’un pas… Un enseignant se défait difficilement du sentiment que l’enfant exprime les attitudes, les valeurs, les habitudes de ses parents plus complètement et plus sincèrement qu’ils ne le feront jamais dans un face à face.


8. L’enfant est un acteur !

La communication qui s’établit à travers l’enfant prend diverses formes. Nous avons examiné successivement : i. la participation aux rencontres entre maîtres et parents ; ii. l’interprétation des messages écrits ; iii. la transmission des messages oraux ; iv. les propos " téléguidés " ; v. la circulation des jugements ; vi. les failles dans la sphère privé ; vii. l’enfant expression d’un milieu de vie.

Cet inventaire ne prétend pas reconstituer la réalité de la communication, ne serait-ce que parce que le même événement fait souvent l’objet de communications où se mêlent dialogue direct, échange de messages, circulation des jugements, informations dérobées. Dans la vie, chacun utilise, pour construire une représentation de l’autre, tous les moyens et toutes les sources disponibles.

Mon propos voulait surtout montrer aussi concrètement que possible, qu’entre la famille et l’école on ne saurait réduire la communication aux entretiens entre maîtres et parents, aux réunions, aux classes ouvertes et à d’autres formes de participation et de contacts. Aussi soutenues soient-elles, ces communications directes ne sont que la partie visible d’échanges qui sont, pour le reste, médiatisés par l’enfant messager et " message ".

Pourquoi le nommer go-between ? Parce que cela nous rappelle que, comme le jeune garçon du film de Joseph Losey, l’enfant va et vient entre deux mondes. De l’une à l’autre, il fait passer tout ce qu’un être humain peut capter, filtrer, restituer en vertu de son équation personnelle mais aussi de ses stratégies. Les ingénieurs parlent de relais, les informaticiens d’interface, les parapsychologues de medium. Le go-between, de façon plus imagée, est tout cela à la fois. Mais c’est aussi et d’abord un acteur !

Les stratégies du go-between

Loin d’être un medium neutre, l’enfant intervient sélectivement et activement dans la communication entre maîtres et parents. Il peut ou non demander à être associé aux rencontres. S’il est présent, sa participation ne se conforme pas toujours aux attentes des adultes ; il reste parfois plus silencieux ou passif qu’on ne le voudrait, alors qu’en d’autres circonstances il intervient sans qu’on l’y ait invité et d’une façon qui contrarie ou déconcerte les adultes. Quand on lui confie un message, il joue aussi ses propres cartes. Parfois, il oublie, il censure, il invente. Et surtout, il pèse sur l’interprétation des messages dont on le charge dans le sens de ses intérêts du moment, pour jeter de l’huile sur le feu ou pour réconcilier ses parents et ses maîtres, pour se faire oublier ou se mettre en valeur. Quant aux suggestions qu’on lui fait de tenir tel ou tel propos à ses parents, respectivement à ses maîtres, il reste libre de leur donner suite. Il peut même feindre de suivre les conseils et agir en réalité à sa guise. Les parents ont peu de moyens de savoir exactement ce que leur enfant dit et fait en classe, et à l’inverse le maître est réduit à des suppositions sur son attitude à la maison.

L’enfant peut choisir de rapporter les jugements dont il est l’objet ou de les garder pour lui ; il peut restituer plus ou moins fidèlement le contexte, dramatiser ou minimiser la portée d’un jugement, le mettre en scène pour susciter l’indignation, l’admiration, la solidarité, le rire. La façon dont l’enfant " trahit " l’intimité de sa famille ou de son groupe-classe dépend non seulement de la situation, mais des stratégies qu’il mène. S’il divulgue certains " secrets " par inadvertance, il peut aussi agir sciemment, pour se rendre intéressant, pour " se venger ", pour se défendre devant une accusation. Go-between, l’enfant conduit ses propres stratégies ; il prend des risques, forme des projets ; il gère des conflits et des alliances ; il discute, il négocie, il décide, à l’instar de n’importe quel adulte.

Au fond, les parents et les maîtres savent très bien que l’enfant est un acteur. Pourtant, même s’ils valorisent son autonomie, ils ne lui reconnaissent pas toujours le droit de mener ses propres stratégies, surtout lorsqu’elles s’opposent à leurs projets. Dans le discours de la plupart des éducateurs, l’enfant idéal est celui qui, tout en restant actif, accepte fondamentalement le pouvoir des adultes, qui prétendent l’exercer pour son bien. C’est pourquoi ils dénient souvent à l’enfant le droit d’être un acteur à part entière. Lorsqu’il affiche son " autonomie stratégique ", on le traite volontiers comme un " déviant ", immature ou au contraire " trop adulte pour son âge ".

En traitant l’enfant comme un acteur à part entière, la sociologie ne suggère pas qu’il mène constamment des stratégies bien réfléchies et toujours efficaces. Avoir des stratégies n’est pas forcément avoir de bonnes stratégies. En outre, si l’enfant met souvent son action au service de certains intérêts ou de certains projets, rien ne permet d’affirmer qu’il pense constamment la communication entre ses parents et ses maîtres dans une perspective stratégique. Souvent, s’il la perturbe ou la facilite, ce n’est pas délibérément, mais parce qu’il poursuit d’autres buts. L’enfant n’a pas toujours conscience de son pouvoir et il ne s’en sert pas toujours à son avantage.


Pour conclure

Analyser les relations entre la famille et l’école telles qu’elles s’établissent à travers l’enfant est indispensable pour progresser dans l’explication de l’échec scolaire en termes de distance culturelle ou de conflits de valeurs, d’intérêts ou de stratégies entre maîtres et parents. C’est sous cet angle que beaucoup des observations utilisées ici ont été recueillies (Perrenoud, 1982, 1984). Si j’ai tenté de les réorganiser sans référence explicite à l’échec scolaire, c’est pour contribuer au débat ouvert en maints endroits sur les relations entre les familles et l’école (Montandon & Favre, 1986).

Ce débat me semble souvent se limiter aux diverses formes de contacts directs. Or ces contacts ont pour toile de fond un faisceau très dense de relations médiatisées par l’enfant. C’est de l’ensemble de leurs relations que maîtres et parents dressent périodiquement le bilan, séparément ou en commun. Si ce bilan n’est pas satisfaisant, de l’avis de l’une ou l’autre des parties, il ne suffira pas de multiplier les contacts directs entre parents et enseignants, les classes ouvertes ou les fêtes. Sans être inutile, cela ne saurait neutraliser ou inverser ce qui se joue au jour le jour. Entre maîtres et parents, le principal moyen de communication reste le go-between !


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