Source et copyright à la fin du texte

 

in Pelletier, G. et Charron, R. (dir.) (1998) Diriger en période de transformation, Montréal, Éditions AFIDES, pp. 7-30 (paru auparavant dans La Revue des Échanges (AFIDES), vol. 13, décembre 1996, pp. 23-35).

 

 

 

Diriger en période de transformation ou
de crise, n’est-ce pas, tout simplement, diriger ?

Philippe Perrenoud

Faculté de psychologie et de sciences de l’éducation
Université de Genève
1998

 

Sommaire

Deux figures du changement planifié : relayer une réforme ou animer une démarche de projet

Crises du système et crises locales

Pour conclure : faire de nécessité vertu

Références


Les érudits vous le diraient : en chinois, le même idéogramme signifie à la fois crise et changement. Ce que confirmeraient les psychosociologues occidentaux : il n’y a pas de changement important sans résistance, donc sans crise. Et toute crise appelle des régulations, et souvent un changement.

Les périodes de crise et de transformation changent-elles radicalement la nature des fonctions dirigeantes ? Je dirai plutôt qu’elles accentuent certaines de leurs caractéristiques ordinaires et dévoilent ce qui est au coeur de toute action de direction : affronter l’incertitude, le conflit, les contradictions entre les fins et les moyens, la diversité des attentes et des logiques d’action des membres de l’organisation aussi bien que des usagers, la disparité des situations et des charges, avec les problèmes de justice qui s’ensuivent, la tension entre le désir de cohérence et la nécessité de passer des compromis, les nobles causes et la défense des intérêts acquis, la politique à long terme et les urgences du quotidien, l’identification à un sous-système et le souci de l’ensemble.

Je ne nie pas que la crise et/ou l’accélération du changement social constituent une épreuve pour de nombreux dirigeants. Peut-être est-ce simplement parce qu’auparavant, ils ne jouaient pas pleinement leur rôle, du fait qu’en période de croissance ou de stabilité, leur établissement " se gouvernait tout seul ".

Il se peut que la situation difficile des sociétés développées pousse enfin tous les dirigeants à apprendre et à assumer pleinement leur métier. Je vais tenter de montrer que la fonction centrale de l’autorité est de permettre aux organisations d’affronter la crise et le changement, en invitant et en aidant les acteurs à construire un ordre négocié assez équitable et assez stable pour que la plupart puissent investir dans leur tâche et dans le projet collectif sans être accaparés par la défense de leurs propres intérêts, qu’ils les définissent en termes de carrière, de pouvoir, de territoire, de sécurité, d’autonomie ou autrement encore.

" Je m’appelle Zangra "

Sur une mer d’huile, les compétences d’un véritable capitaine de navire ne sont pas pleinement utilisées, mais elles doivent être disponibles, car l’équipage compte sur elles dès que survient un incident critique, dès qu’un grain s’annonce, et plus encore lorsqu’une tempête se lève. Alors que, par calme plat, le navire pouvait presque se passer de capitaine, sa survie, soudain, dépend, de son expérience, de son sang-froid, de sa capacité d’analyser et de décider dans une situation complexe, difficile, qui ne donne pas droit à l’erreur.

La tempête ne se déchaîne pas chaque jour. Etre capitaine, c’est donc, pour une part, vivre dans l’attente du jour où l’on pourra donner toute sa mesure. Si la compétence irremplaçable d’un chef est de gérer les crises ou les transformations, autrement dit les temps forts, voire dramatiques de la vie de l’institution, il peut lui arriver de trouver la vie un peu terne lorsque tout va bien. Qui ne connaît cette chanson de Jacques Brel : " Je m’appelle Zangra, maintenant commandant du Fort de Bellonzio, qui domine la plaine, d’où l’ennemi viendra, qui me fera héros. En attendant ce jour, je m’ennuie quelquefois… ".

Le métier de chef d’établissement fait partie de ces jobs à géométrie variable, où les tâches de routines peuvent, d’une heure à l’autre, faire place à l’action la plus tendue, la plus complexe, la plus vitale. Pour le dire autrement : diriger, c’est " faire avec ce qui vient ", assumer aussi bien le calme plat que la tempête. La crise ou la réforme sont inscrites dans les possibles, nul n’en est complètement maître, la compétence des dirigeants professionnels est d’anticiper et de faire face, quoiqu’il arrive.

Ce qui change, d’une époque ou d’un système à l’autre, c’est, la probabilité, donc la fréquence, des crises ou des réformes. Si l’on traverse une période très mouvementée, les chefs d’établissements seront sur la brèche 24 heures sur 24, pour " faire ce qu’il y a à faire ", mais dans l’imaginaire de la corporation, il s’agissait là, durant des décennies, de moments exceptionnels, suivi d’un retour à une longue période de calme. Aucun directeur d’école n’a jamais pensé qu’il vivrait toute sa carrière dans une totale quiétude, tous savaient qu’une crise ou une réforme pouvaient leur " tomber dessus ", mais ils avaient des raisons de penser qu’elles ne dureraient qu’un temps et qu’il suffirait de " faire le gros dos " en attendant l’accalmie. Peut-être est-ce ce qui est en train de changer.

Un pompier professionnel, aussi longtemps qu’aucun sinistre ne se déclare, attend sans rien faire ou s’occupe à des tâches d’entretien ou d’entraînement. Il est explicitement " de garde " et se prépare mentalement à l’action. Un chef d’établissement, lui, n’est nullement désœuvré dans les périodes calmes, car l’administration banale suffit à remplir ses journées. Paradoxalement, cela peut masquer le fait qu’on attend de lui, par dessus tout, la capacité d’affronter les crises et les transformations. Personne ne devient pompier en espérant ne jamais avoir à combattre un incendie. On peut, au contraire, devenir chef d’établissement en aspirant à une vie tranquille, sachant qu’on sera, à certains moments de l’année scolaire, accablé de tâches gestionnaires un peu ingrates, mais s’estimant, pour le reste, moins voué que les professeurs à la confrontation quotidienne avec la complexité. Cette image est dépassée. Ou devrait l’être !

Nul n’ignore que le Président des États-Unis ou le chef d’une autre grande puissance ne sont jamais tranquilles, qu’une crise peut éclater n’importe quand et les mobiliser dans l’heure. Les chefs de plus petites nations pouvaient avoir l’impression de vivre plus sereinement. Ils savent aujourd’hui que diriger un pays, c’est diriger presque constamment en période de crise et de transformation, non pas durant quelques années tourmentées, mais sans doute pour les décennies à venir. Les chefs d’établissements ont à faire le même apprentissage.

La question est de savoir si c’est un simple ajustement à la conjoncture de l’époque ou une mutation identitaire. La réponse dépend de leur style de direction, de leurs ressources, de la nature des plaisirs professionnels qu’ils recherchent. Pelletier (1996 a) affirme qu’une partie importante des enseignants sont devenus chefs d’établissement pour contribuer à changer l’école. Ceux-là devraient être comblés, car leur leadership peut se donner libre cours en période de crise ou de transformation, ce qui n’exclut pas les contradictions, la lassitude, le découragement.

Tous ne rêvaient pas de changer l’école. Ceux qui se sentaient plutôt gestionnaires n’ont pas besoin du changement et des crises pour se sentir utiles, puisqu’ils trouvent leur identité dans la résolution méthodique des problèmes concrets qui ne manquent jamais dans une école. Faut-il changer d’ordinateur ? Que faire de la trésorerie ? Que répondre à tel parent d’élève accusant un professeur ? À tel professeur se plaignant qu’on ne tienne pas compte de ses vœux d’horaire ? Quelle ancienneté reconnaître à une nouvelle secrétaire ? Que faire face à un soupçon de mauvais traitement d’un élève ? Que répondre à l’administration qui demande des informations inexistantes ? De Meyer (1994) propose une liste amusante illustrant ce coq-à-l’âne permanent caractéristique des métiers où l’on est payé pour s’intéresser aux problèmes des autres, qui surgissent par définition à l’improviste. Le gestionnaire tente de mettre un peu de méthode dans ce désordre et cet imprévu bien tempéré lui suffit :

" Les chefs d’établissement gestionnaires sont des personnes qui aiment analyser les problèmes administratifs et les résoudre. Leurs outils de travail sont les processus et méthodes de planification, d’organisation et de contrôle des activités. Ils apprécient que les tâches soient bien définies et régulièrement évaluées. Ils abhorrent l’incertitude et l’improvisation. Leur succès repose en partie sur un travail acharné et leur effort à réduire les conflits interpersonnels. Ils privilégient la logique plutôt que l’intuition. Ils apprécient la rationalité, la loyauté et l’effort déployé au travail. " (Pelletier, 1994 b).

Comment quelqu’un qui " abhorre l’incertitude et l’improvisation " pourrait-il trouver son compte dans des périodes de turbulence qui exigent aussi, et peut-être d’abord, intuition, créativité, esprit de synthèse, vision de l’avenir, prise de risque et sens stratégique ? Le respect méthodique de procédures rationnelles bien établies convient aux problèmes qui se répètent. Dans des situations nouvelles, confronté à la complexité, il faut inventer. Les leaders et les artistes y trouveront mieux leur compte que les gestionnaires, mais aussi que les directeurs de type grand-père (Gather Thurler, 1994 b) ou, genres moins nobles mais néanmoins existants, les mouches du coche, les fumistes ou ceux qui cherchaient simplement à fuir la classe ou à gagner un peu mieux leur vie.

Les périodes de crises et de transformation servent, dans tous les secteurs et dans toutes les sociétés, de révélateurs. Elles obligent à se poser des questions et peut-être à opter pour des réponses plus claires qu’en temps ordinaire. C’est ainsi qu’à la question " À quoi servent les chefs ? ", on donne en général une réponse qui contourne la question du leadership, ou, plus crûment, du pouvoir. À cette question - qu’on n’a d’ailleurs guère l’audace de leur poser en face -, ceux qui exercent une fonction d’autorité répondent que leur rôle est de coordonner les efforts, d’assurer la cohésion de l’ensemble, de veiller au climat de travail, de répartir équitablement les tâches et les rétributions, de gérer au mieux les ressources humaines, de représenter l’organisation à l’extérieur, de trouver les appuis, les ressources ou les débouchés qui permettent de maintenir et de développer les activités et notamment les emplois. Ces fonctions doivent être assumées et, chacun le reconnaîtra, il n’est pas mauvais qu’elles le soient par une personne ou une équipe occupant une position centrale et disposant d’une vue d’ensemble des problèmes. Il apparaîtra " fonctionnel " que ceux qui exercent de telles fonctions jouissent d’une autorité suffisante pour prendre et faire respecter des décisions, dénouer les conflits, faire vivre " en bonne intelligence " des gens différents, dont certains sont en compétition ou mènent des stratégies contradictoires. Tout cela peut sembler raisonnable, dépourvu de passion, ou d’ambition, de projet personnel. " Cette fonction, il faut bien que quelqu’un l’assume, le système m’a reconnu les qualifications techniques nécessaires, je n’ai pas le goût du pouvoir, j’aime seulement rendre service et assurer une bonne organisation ". Ces propos cachent parfois pudiquement une passion du commandement des choses et des personnes, mais ils sont souvent sincères. Beaucoup de chefs ne se pensent pas comme tels et ne se prennent même pas pour des leaders, version anglo-saxonne plus soft.

Les périodes de crises ou de transformation ne peuvent avoir le même sens pour les leaders, pour les gestionnaires, pour ceux que l’on a poussés dans cette fonction contre leur gré ou encore pour ceux qui y sont parvenus pour fuir une autre condition.

De nouvelles règles du jeu

On peut se demander pourquoi coexistent autant de conceptions de la fonction de chef d’établissement au sein du même système éducatif. On voit depuis quelques années se développer des référentiels de compétences plus ou moins officiels, comme le montrent Hillinger (1996) ou Pelletier (1994 a), mais rien n’assure que ces visions cohérentes, qui insistent sur un leadership certes coopératif, mais clairement assumé, correspondent à la conception que se font les intéressés de leur rôle. Tout dépend, semble-t-il, du moment où ils sont devenus chefs d’établissement, des raisons qui les ont amenés à briguer ou accepter cette fonction et de celles qui les conduisent à l’assumer encore. Certains sont devenus dirigeants avec la naissance de la crise ou pour des raisons qui les prédisposaient à affronter les contradictions sociales plutôt que les problèmes gestionnaires. J’avancerai cependant l’hypothèse que l’inscription de la crise ou de la transformation dans le quotidien de leur pratique représente une véritable mutation identitaire pour une fraction importante des chefs d’établissement en exercice.

Nul ne saurait leur en vouloir. Les " règles du jeu " ont en effet été redéfinies en cours de partie :

Pour ceux qui sont devenus directeurs d’école pour gérer des espaces et des horaires, veiller à l’intendance et organiser la fête de fin d’année, la transition est rude, puisque se conjuguent une transformation globale de la société et du système éducatif et une évolution corrélative des métiers de l’enseignement, notamment de celui de chef d’établissement.

Hormis ceux qui vivent encore à l’écart de ces tendances lourdes, donc relativement " à l’abri ", tous les chefs d’établissements savent désormais que " plus rien ne sera désormais comme avant ". Même s’ils ne vivent pas les difficultés aiguës de leurs collègues les plus exposés, tous savent que, même dans les petites villes, même dans les zones résidentielles, même dans les petits établissements, même avec un corps enseignant expérimenté, " l’ordre scolaire n’est plus ce qu’il était " et qu’il faut peut-être se préparer au pire. Ceux qui ont entamé la cinquantaine espèrent peut-être atteindre leur retraite avant d’être pris dans la tourmente, les autres ne peuvent plus entretenir cette illusion.

Cette évolution des représentations collectives construit-elle une identité positive ou se borne-t-elle à alimenter des mécanismes de défense et des nostalgies ? Sans être en mesure d’estimer l’ordre de grandeur de telle ou telle réaction, je développerai ici l’hypothèse que l’essentiel se joue autour du rapport à la crise et au changement. Un chef d’établissement peut en effet les vivre :

Dans cette seconde perspective, la crise et le changement font partie de la réalité " normale " et le chef d’établissement est d’autant mieux préparé à les affronter qu’il peut mobiliser des compétences et conclure des alliances lui permettant, sinon de tout maîtriser, du moins de faire face honorablement, en préservant l’essentiel et en donnant sa pleine mesure.

Si l’on fait abstraction de la minorité de ceux dont le conflit et les défis sont l’oxygène et qui ont tous les moyens de ce choix, on peut comprendre l’hésitation du plus grand nombre. En dernière instance, chacun se trouve seul face à un choix identitaire d’ordre existentiel. La réflexion collective n’est cependant pas inutile, elle peut contribuer à faire émerger des représentations moins défensives de la crise et du changement.

À cette fin, quelques distinctions s’imposent. Je m’en tiendra au tableau élémentaire suivant. Dans chaque case, on trouve un exemple :

Types de défis dans un établissement : quatre exemples

Exogène
Endogène
Changement planifié
Réforme globale du
système éducatif
Projet d’établissement
Crise subie
Réduction drastique des ressources allouées à l’établissement
Conflit majeur entre deux
fractions du corps enseignant

Ce tableau distingue les crises subies des changements planifiés. Pour chaque catégorie, on distingue encore les défis qui trouvent leur source principale dans l’établissement de ceux qui viennent de l’extérieur. Un tel découpage est un peu schématique : c’est ainsi qu’un projet d’établissement peut s’inscrire dans une réforme globale ou répondre à une crise endogène ou exogène. Ces quatre cas de figures ne font pas appel à des compétences tout à fait différentes. Cependant, ils illustrent quatre composantes du métier de chef d’établissement qui méritent une analyse séparée. Nous verrons ensuite ce qu’elles ont en commun.


Deux figures du changement planifié : relayer une
réforme ou animer une démarche de projet

Le changement, vu de l’établissement, peut venir de l’extérieur. On parlera alors d’une réforme. Il peut venir de l’intérieur. On pensera alors en général à un projet d’établissement. On verra que cette démarche est souvent ambiguë et qu’elle n’épuise pas les stratégies de changement à l’initiative de l’établissement ou de son chef.

Lorsque le changement vient d’ailleurs :
village gaulois ou avant-garde ?

Aucune réforme éducative d’importance ne naît sans avoir été préparée par une fraction des praticiens et des établissements, à la fois sur le terrain et dans le registre des représentations. Une fois décidée à l’échelle du système, la réforme n’est alors, pour les enseignants et les établissements qui l’ont conçue et défendue, qu’une invitation à continuer sur leur lancée. Cependant, dans leur majorité, les enseignants et les chefs d’établissements vivent les réformes comme des décisions " venant d’en haut ", prises indépendamment des dynamiques et des besoins locaux et qui s’imposent aux acteurs du terrain par le seul " fait du Prince ". Même lorsque la réforme place l’établissement et ses membres devant une injonction réformatrice dont ils se seraient bien passé, il reste un choix possible, qui se situe entre deux pôles extrêmes :

Ce choix ne se présente pas dans les mêmes termes, selon les rapports existants entre les établissements et le système éducatif, qui diffèrent selon les époques, les traditions nationales et l’ordre d’enseignement. À un extrême, l’établissement est un État dans l’État, son chef se comporte comme un Ministre de l’éducation qui fait la pluie et le beau temps sans se soucier de ce qui se passe autour. Telle a été la situation de certains collèges ou lycées de grand prestige avant que la structuration d’un véritable système d’enseignement ne les subordonne à des directions générales et à des politiques ministérielles. Il en reste des traces dans certains systèmes, où le directeur de l’enseignement secondaire ressemble davantage à un primus inter pares, baron parmi les barons, qu’à un suzerain exerçant une véritable autorité.

À l’autre extrême, l’établissement existe à peine, c’est un lieu-dit, une unité fonctionnelle sans âme ni identité, dont le chef n’a pas plus de responsabilité politique qu’un chef de bureau, dont la tâche est de recevoir des directives et de veiller à leur exécution.

On se trouve aujourd’hui, presque partout, à mi-chemin entre ces deux pôles : aucun établissement, s’il dépend des finances publiques, n’est son propre maître ; à l’inverse, il représente, légalement ou de fait, au gré d’une évolution des représentations sociales, davantage qu’un rouage administratif. En lui conférant le statut juridique de " personne morale ", engageant en droit ses ressources et sa responsabilité, certains pays sont allés au-delà d’une décentralisation ou d’une déconcentration et ont admis plus ou moins explicitement que le Ministère se limitait à assigner des missions globales, laissant à l’établissement une assez large autonomie dans la déterminations des priorités et des modalités. Cette autonomie peut appartenir à l’établissement lui-même ou revenir à un pouvoir organisateur constitué en association de droit civil, comme en Belgique, en commission scolaire, en conseil d’administration. Le partage de l’autonomie donne alors un poids très variable au chef d’établissement et au corps enseignant. Dans certains cas, ils ont troqué une dépendance contre une autre, plus locale, dans d’autres cas, ils ont conquis un réel pouvoir.

Cette évolution peut sembler paradoxale, car elle ne s’accompagne d’aucune indifférence de l’État régional ou national à l’égard des orientations de l’enseignement. Alors même qu’il se dessaisit d’une partie de son pouvoir de gestion directe, le Ministère de l’éducation (ou son équivalent) définit des politiques et des priorités de plus en plus ambitieuses et explicites et attend fermement des établissements qu’ils choisissent " librement " d’œuvrer dans le sens indiqué, au besoin à coups d’incitations et de rétributions. Le paradoxe n’est qu’apparent : il n’existe aucun droit " moral " des établissements à l’autonomie, à la manière dont on reconnaît le droit d’un peuple à l’autodétermination. Les établissements restent au service du système ; leur autonomie n’est qu’un détour pour mieux les mobiliser, dans le sens du " new public management " et de toutes les réflexions sur les vertus gestionnaires de la décentralisation et de la professionnalisation.

Il s’ensuit que l’autonomie des établissements, bien loin d’assurer leur tranquillité, les met chaque année ou presque en demeure de se déterminer par rapport à des politiques ministérielles qui restent parfois très contraignantes, sous des dehors modernistes, qui jouent parfois sur des mécanismes de marché : appels d’offres, subventions à des projets, contrats.

Cela complique singulièrement la vie des chefs d’établissement. Aussi longtemps qu’ils se concevaient ou étaient conçus comme des " courroies de transmission ", ils pouvaient n’avoir aucun avis personnel sur les réformes scolaires, s’en " laver les mains ", tout en répercutant consciencieusement les instructions venues d’en haut, en organisant les séances prescrites d’information ou de formation, en matérialisant les changements de grille horaire ou autres transformations du ressort de l’établissement, en invitant pour le reste les enseignants à respecter les nouveaux programmes, les nouvelles procédures d’évaluation ou d’orientation. Lorsque les directives font place aux incitations, l’établissement est amené à choisir. Il peut, par exemple, accepter ou refuser de devenir un établissement expérimental ou pilote : il y a alors des risques à prendre, une stratégie active à élaborer. Il devient difficile de jouer le double jeu auquel excellaient certains chefs d’établissement formellement irréprochables, mais qui laissaient entrevoir, sur les vertus de la dernière réforme concoctée par les cabinets ministériels, un scepticisme au moins égal à celui des enseignants…

La difficulté est d’autant plus grande, évidemment, que le chef d’établissement ne peut s’engager que s’il a quelque chance d’être suivi par ses troupes. Il ne suffit plus qu’il transmette la pensée officielle, mais il n’a pas pour autant le droit d’en faire à sa tête. Il lui revient la tâche nouvelle de faire s’exprimer l’opinion majoritaire au sein du collège, puis de la défendre face au système. On touche là à un autre paradoxe : l’autonomie relative des établissements rend leur chef plus dépendant que jamais de son corps enseignant, sans l’adhésion duquel il ne pourra tenir durablement aucune ligne.

Face à cette transformation du paysage, le chef d’établissement peut être tenté de choisir la position basse, selon l’adage " Je suis leur chef, donc je les suis ". Il deviendra alors une sorte d’oscilloscope, ou de girouette pour en rester à une métaphore plus rustique, un acteur dirigé par les autres - " other-directed " -, essayant de voir d’où souffle le vent le plus fort, pris entre le marteau et l’enclume - les attentes externes et les résistances internes - et naviguant à l’estime pour s’en sortir indemne.

Le rôle du chef d’établissement est alors extrêmement actif. Il est exclu qu’un processus aussi complexe et fragile parvienne à son terme - une décision et sa mise en vigueur - sans un leadership soutenu, centré sur le processus et sa réussite. Cela n’exige pas que le chef d’établissement s’interdise de dire ce qu’il pense, à chaque étape, de façon d’autant plus engagée qu’il lui paraît y avoir des intérêts majeurs en jeu. Structurer le débat sans le vider de sons sens est un art subtil, qui demande beaucoup de travail, de présence, d’écoute, de créativité " méthodologique ", d’interventions facilitatrices et régulatrices, et invite aussi le chef d’établissement à exprimer, sur le fond, des idées non dogmatiques, formulées comme des hypothèses ou des questions ouvertes, susceptibles de faire avancer la réflexion de son corps enseignant, notamment lorsqu’il est paralysé par ses divisions ou les incertitudes face à l’avenir.

Dans cette perspective, une réforme n’est plus un " tuile " qui tombe à l’improviste sur la tête du chef d’établissement et des enseignants, mais une occasion de poursuivre ou de rouvrir le débat interne, éventuellement de faire naître, de revitaliser ou d’infléchir un projet d’établissement.

 Projet d’établissement ou démarches plurielles de renouveau ?

Alors que la réforme se décide à l’échelle du système éducatif, il semble possible, pour un chef d’établissement, d’échapper, s’il le souhaite, à toute transformation issue de l’intérieur. On voit mal en effet un projet d’établissement s’esquisser à son insu ou contre son gré. Tout chef d’établissement impliqué dans un changement endogène devrait donc, en bonne logique, y adhérer pleinement, voire en être l’initiateur. Les choses sont en réalité moins simples.

1. D’abord parce que la législation ou la coutume imposent peu à peu l’idée qu’un établissement digne de ce nom " doit " avoir un projet, ou du moins faire semblant… Lorsque c’est une obligation légale, le chef d’établissement le plus réticent se débrouille pour envoyer un texte au Ministère. Il arrive que ce texte soit un chiffon de papier rédigé par le chef d’établissement lui-même et qui n’engage personne. Il arrive que le corps enseignant et le chef d’établissement soient complices au moins sur un point : qu’on nous laisse tranquilles avec ces histoires de projet. Il arrive aussi qu’une partie du corps enseignant soit intéressée par l’idée d’un projet d’établissement, et que le directeur puisse difficilement éviter de lui donner plus d’ampleur qu’il ne l’aurait souhaité.

2. Parfois, le projet soit une façon de résoudre un problème, de dépasser un conflit ou une crise, de mobiliser positivement des énergies qui pourraient s’investir dans une forme d’opposition ou de scission. L’innovation peut être " garante de l’équilibre " (Nouvelot, 1988) ou résulter d’un marchandage (Huberman, 1982), sans véritable adhésion sur le fond.

3. D’autres chefs d’établissement lancent ou soutiennent un projet sans mesurer ce que cela implique, par démagogie, souci de paraître " dans le vent " ou envie de faire parler d’eux. Ils se retrouvent avec des problèmes qu’ils n’avaient nullement anticipés et freinent alors des quatre fers, sur le mode " Que suis-je allé faire dans cette galère ? ".

4. Même lorsqu’il adhère sincèrement et durablement à une démarche de projet, à ses objectifs, à la concertation qui l’accompagne, un chef d’établissement peut être ambivalent parce qu’il doit faire face à de nouveaux interlocuteurs et partager, de fait, le pouvoir avec une fraction de son corps enseignant. Il peut se sentir " dépassé par les événements ", porté par une dynamique collective à assumer des décisions auxquelles il n’adhère pas pleinement ou que, livré à lui-même, il n’aurait jamais prises, par peur des conséquences. Il oscille alors entre " Tous ces mystères me dépassent, feignons d’en être l’organisateur " et " Arrêtons cette machine infernale avant qu’elle n’explose ".

Pour ces quatre raisons, il est très possible qu’un directeur vive le projet de son propre établissement comme une contrainte externe d’autant moins confortable qu’il ne peut la traiter ouvertement comme telle, sous peine de se couper de l’aile marchante de son corps enseignant.

Pour ne pas favoriser de telles situations, porteuses d’échec, il serait sage d’abord de ne pas donner au projet d’établissement le caractère d’une obligation légale ou sociale qui le vide souvent de son sens. On peut comprendre que l’administration centrale demande à chaque établissement de rendre compte de l’usage qu’il fait de son autonomie et exige même une déclaration d’intention, en invitant l’établissement à indiquer ses priorités locales et la façon dont il compte s’inscrire dans la politique d’ensemble. Il est désastreux d’avoir identifié une démarche obligatoire, aussi légitime soit-elle, à un projet. Obin (1991) rappelle qu’en 1982, le projet d’établissement était une démarche volontaire, dans le cadre d’une politique incitative. Il est devenu obligatoire en 1989, changeant alors complètement de nature.

La technocratie acquise au " new public management " prête hélas aux acteurs des volontés et des stratégies qu’ils n’ont pas, en imaginant peut-être que ces fictions seront créatrices. En réalité, elles dévoient le langage et rendent absurdes les meilleures idées. Sans doute, l’obligation de déposer un projet a-t-elle aidé certains chefs d’établissement timorés à se jeter à l’eau, alors qu’ils auraient attendu quelques années encore avant de lancer spontanément une démarche de projet. Pour une incitation positive, combien a-t-on suscité de faux-semblants, qui brouillent les cartes ? Il est parfaitement possible, sans le rendre obligatoire, de donner un statut de droit au projet d’établissement, de l’associer à des avantages symboliques et matériels, mais aussi de ne l’agréer qu’à certaines conditions, notamment quant aux acteurs qu’il engage réellement et quant aux procédures de négociation des ressources et des franchises, puis des bilans. La démarche de projet serait alors à la fois un choix positif, un vrai projet, au sens anthropologique (Boutinet, 1993), et une démarche reconnue et valorisée par le système !

Cela ne suffirait pas, cependant, à éviter toutes les situations ambiguës décrites plus haut. Dans les pays qui ont la prudence de ne pas imposer un projet à chaque établissement, ou même dans ceux où il n’a aucun statut reconnu, on observe des dérives, liées notamment à la naïveté de certains chefs d’établissement qui voient le projet comme une démarche à la mode, susceptible d’ajouter à leur prestige, ou comme une fuite en avant, masquant les véritables problèmes. Or, une démarche de projet qui ne débouche pas sur un partage du pouvoir et qui ne s’attaque pas aux problèmes essentiels d’un établissement est un leurre, un attrape-nigauds. Elle pousse au cynisme et au repli des enseignants déçus, qui se sentent trompés et ne sont pas près de repartir dans une telle aventure.

Il importe donc qu’un chef d’établissement ne s’engage dans une telle démarche qu’en connaissance de cause et s’il est prêt à négocier avec son corps enseignant des décisions qui, formellement, relèvent de son autorité, sans reprendre son pouvoir dès que les choses ne vont pas dans son sens. Cela passe par un immense travail sur soi et par une forme de changement identitaire, au gré duquel on fait le deuil de la satisfaction d’être celui qui décide pour devenir celui qui offre un cadre clair et une méthode à une démarche collective.

Même s’il est tenté par cette orientation, qu’un chef d’établissement ne s’y lance pas tête baissée, sans s’y préparer, s’interroger sur ses mobiles et ses ressources, s’informer, se former, parler avec des collègues, visiter d’autres établissements engagés dans des démarches de projet. On dispose aujourd’hui suffisamment d’assez de recul et d’information (Broch et Cros, 1989 ; Obin et Cros, 1991 ; Obin, 1993 ; Bouvier, 1994 ; Gather Thurler, 1993 a, 1996 d) pour qu’il soit impardonnable de se lancer à la légère dans une démarche dont on n’a pas les moyens. Une administration centrale ou des associations de chefs d’établissement qui voudraient favoriser le développement de projets ne peuvent aujourd’hui se contenter de renforcer l’effet de mode, elles doivent agir au niveau de la formation et du soutien. Il est par exemple insensé qu’aucun dispositif de soutien et de suivi externes ne soit mis à la disposition d’un établissement qui se lance dans une démarche de projet. L’émergence du rôle d’intervenant-conseil ou d’accompagnateur de projets est une excellente chose, mais on pourrait aussi envisager, en parallèle, de mettre des ressources à la disposition du chef d’établissement lui-même, sous la forme d’une supervision ou de groupes d’analyse de pratiques formés de chefs d’établissement. Contrairement à ce qu’on croit souvent, il ne s’agit pas, pour favoriser une démarche de projet, de cesser d’être responsable, en remettant son pouvoir à un collectif. L’autogestion n’est pas de mise dans une administration publique ou privée de grande taille, entre professionnels réunis au hasard des carrières plutôt que par des choix mutuels ou des affinités idéologiques. Dans un projet fondé sur une autorité négociée, le rôle du chef est crucial. On ne lui demande pas de réserver les salles ou d’apporter les croissants à la pause, mais de prendre le leadership d’une démarche complexe et fragile, à la manière d’un guide de haute montagne. Que dirait-on d’un guide qui n’aurait pas un peu plus de courage, de compétences et de capacité d’anticiper que ceux qu’il guide ? Nous vivons encore dans une immense confusion entre démarche de projet et démocratie. Un établissement n’est pas une " cité politique " gérant son propre destin, la participation n’y est ni une fin en soi, ni un droit des personnes, seulement un moyen plus efficace de tenir les promesses du système éducatif.

La vogue des projets pourrait faire oublier qu’un établissement peut innover sans avoir à proprement parler un projet global et unique impliquant tous ses collaborateurs. n chef d’établissement peut choisir de favoriser le " renouveau " (Gather Thurler, 1993 b ; Perrenoud, 1993 b) en faisant en sorte que tous progressent à la fois face aux élèves et dans la coopération entre professionnels. Qu’un établissement tout entier se mobilise pour soutenir un projet est symboliquement satisfaisant. Peut-être est-ce une condition nécessaire de certaines innovations à grande échelle, par exemple un partenariat école-famille ou école-entreprise, une lutte globale contre l’échec et l’exclusion, une réorganisation des ressources documentaires et informatiques et de leur usage. Si le rassemblement de tous n’est pas possible, compte tenu de la diversité des intérêts et de l’état des relations, mieux vaut ne pas entretenir une fiction et soutenir plusieurs projets plus modestes, non coordonnés, mais connus, qui sont autant de vecteurs de professionnalisation. Compte tenu des compétences des acteurs et de la culture professionnelle dominante, l’élaboration d’un projet d’établissement n’est pas toujours la manière la plus efficace de stimuler le changement.

Favoriser le renouveau exige du chef d’établissement plus qu’une attitude encourageante : il doit consentir un travail d’incitation, de soutien, de mise en relation, de valorisation, de négociation de ressources et de franchises. Plutôt que d’être au centre d’un projet, il devient l’interlocuteur de plusieurs projets, émanant d’équipes, voire de personnes différentes au sein de son établissement. Ce n’est pas plus simple que de conduire un projet, mais certains directeurs, comme certains enseignants, se sentent plus à l’aise dans de telles démarches, que la vogue du projet d’établissement pourrait injustement dévaloriser.

En bref, de multiples chemins mènent à Rome ! S’il est sûr que l’établissement est un niveau essentiel dans toute innovation, il peut, selon les cas, être l’agent actif d’une réforme globale ou le cadre, l’écosystème et le garant d’innovations partielles, s’il n’en est pas l’acteur principal. Les rapports entre organisation et innovation sont complexes (Alter, 1993 ; Bonami, 1996 ; Gather Thurler et Perrenoud, 1991 ; Perrenoud, 1990 ; 1993 a, 1993 c) et il est préférable de " ne pas mettre tous les œufs dans le même panier ".


Crises du système et crises locales

Ici à nouveau, la distinction entre l’intérieur et l’extérieur n’est pas absolue. Comment imaginer un système en crise alors que tous les établissements se porteraient à merveille ? Dans la crise comme dans la réforme, le système n’est pas homogène, il y a toujours des secteurs ou des établissements qui jouent un rôle moteur et d’autres qui se retrouvent devant une situation définie en dehors d’eux qui, à un moment donné, transforme leur environnement et les oblige à se déterminer. Malgré cette réserve, il est opportun de distinguer les crises endogènes et les crises exogènes.

La crise du système : s’en protéger ou s’y noyer ?

Le système éducatif fait l’objet d’une sorte de radiographie périodique par les médias, l’opinion publique, les usagers, le Parlement. On interroge quelques parents mécontents, quelques élèves désabusés, quelques lettrés prompts à dénoncer la baisse du biveau, quelques enseignants amers, quelques chefs d’établissement déboussolés et on conclut : " L’école est en crise ! ". Nul ne sait exactement ce que cela veut dire, quelle est l’ampleur du phénomène et son ancienneté. La crise n’est pas une réalité objective, mais un regard porté sur la réalité, une construction sociale qui n’invente pas les faits, mais les sélectionne, les relie, les amplifie, les dramatise, les inscrit dans un tableau d’ensemble, leur attribue un sens comme indices d’un mal-être global de l’école. On sait qu’il suffit de trois catastrophes successives pour qu’on parle d’une série noire. La crise est une construction plus sophistiquée, mais sur le même modèle. Tout système éducatif est constamment habité de tensions, de conflits, de doutes, de problèmes insolubles. Il y a bien entendu des périodes plus fastes que d’autres, mais le discours de la crise exagère le contraste : soudain, on annonce que tout va mal, et on feint de croire qu’hier, tout allait bien.

Une partie des enseignants découvrent donc la crise du système éducatif dans le journal ou à la télévision, alors qu’ils ont l’impression que dans leur environnement proche, il ne se passe rien d’extraordinaire. Même s’ils ne se laissent pas impressionner et influencer par le climat général, la crise va modifier leur environnement, par le fait même que, sous la pression des médias ou d’autres influences, le gouvernement est obligé de " faire quelque chose ". Lorsqu’on s’avise " subitement " que l’école est en train de manquer le virage des nouvelles technologies, le Ministère réagit et les établissements reçoivent dans l’année des équipements informatiques qu’ils n’ont pas demandés, alors qu’ils ne parviennent pas à faire réparer la toiture ou à remplacer une photocopieuse démodée. Lorsqu’on découvre que l’école est " saisie par la violence ", c’est le branle-bas de combat décrété d’en haut, même là où tout se passe pacifiquement. Lorsque les budgets de l’instruction publique sont dans les chiffres rouges et que le gouvernement promet de " redresser vigoureusement la situation ", même les établissements les plus démunis doivent contribuer aux économies. Bref, lorsque le système est réputé en crise, il est difficile de faire comme si on n’était pas concerné, même lorsqu’on ne vit pas du tout les mêmes problèmes.

Enquêtes, recommandations, nouvelles procédures, économies soudaines ne transforment pas du tout au tout la marche d’un établissement, mais elles interfèrent avec les dynamiques en cours, changent le climat, mobilisent des énergies, notamment celle du chef d’établissement, qui doit soudain faire des rapports circonstanciés sur des secteurs qui ne le préoccupaient guère ou assister à des réunions au sommet dont sortent des recommandations qui ont, dans son école, une faible pertinence. Être chef d’établissement, c’est participer plus que les enseignants aux accès de fièvre du système et naviguer entre deux écueils : mobiliser le corps enseignant autour des dernières directives du Ministère, au risque de faire perdre du temps à tout le monde, ou les ignorer, au risque de passer à côté d’un vrai problème.

Diriger en période de crise, c’est connaître le bon usage des fluctuations du climat et de la conjoncture politiques, savoir protéger son établissement des modes sans le désolidariser des débats de fond. Si la distinction est facile à comprendre, elle est plus difficile à opérer au jour le jour, lorsqu’on a le nez collé sur l’événement. Ainsi, dans le domaine des violences scolaires, très médiatisés aujourd’hui en France, il est bien difficile, pour un chef d’établissement d’une zone encore tranquille, de savoir s’il doit se préparer au pire pour demain ou pratiquer le " wait and see ". Il court, dans les deux cas, le risque d’une appréciation erronée. Or, il est aussi fâcheux de sous-estimer une vraie menace que de créer une " psychose ".

Ce dilemme n’admet pas de solution toute faite, du moins au moment où la crise est déclarée. S’il fallait suggérer des mesures préventives, elles iraient certainement dans le sens d’une plus forte capacité d’analyse des tendances lourdes du système éducatif et d’anticipation de leurs incidences locales. Sans se retirer du monde, on peut tenter de ne pas frémir à chacun de ses soubresauts. Il est par exemple raisonnable qu’un établissement organise régulièrement des débats ou des séances d’information sur l’évolution de la société et ses incidences sur l’éducation. Plus la culture professionnelle proposera d’outils d’analyse, plus les enseignants et le chef d’établissement seront en mesure de faire la différence entre ce qui se passe localement et les mouvements d’ensemble. Etre chef d’établissement ne signifie pas être le seul ou le mieux informé, mais partager au contraire l’information et entretenir le débat.

 Ce n’est pas facile, pour au moins deux raisons :

La crise locale ou vivre sur un volcan

Tout ce qui se joue à l’échelle d’un établissement ne participe pas d’un mouvement d’ensemble. Les établissements et leurs chefs se retrouvent donc régulièrement devant des situations problématiques singulières et leur rôle est d’y faire face, là où ils sont, dans une certaine solitude. Cela n’est pas fortuit, mais résulte précisément d’un processus de décentralisation qui laisse le niveau local " se débrouiller " avec les contradictions dont le système éducatif n’est pas parvenu à venir à bout. Contrairement à ce qu’imaginent les idéalistes, l’autonomie accordée à un sous-système, au sein d’une organisation, n’est pas toujours un cadeau destiné à permettre à chacun de s’épanouir pleinement en faisant ce qu’il lui plaît, c’est plutôt une façon, pour le centre, de " se débarrasser " de problèmes insolubles à son niveau. En insistant sur l’établissement comme personne morale et acteur collectif, en vantant sa capacité de trouver des solutions optimales tenant compte des particularités du terrain, on lui interdit de se retrancher derrière des directives générales. L’autonomie s’accompagne d’une responsabilité et oblige à prendre des risques. Pourquoi la direction de l’organisation scolaire accorderait-elle une certaine autonomie aux établissements lorsque tout va bien et reprendrait-elle le contrôle des opérations dès que les choses se compliquent ? Aujourd’hui, on demande à un établissement d’assumer aussi les passes difficiles. Si les parents, les élèves, le personnel technique ou une partie des enseignants protestent, le chef d’établissement ne peut plus leur dire, quel que soit le problème, qu’il ne peut rien pour eux et leur suggérer de s’adresser à la direction générale. Pour tout ce qui relève de son autonomie budgétaire, de sa politique d’engagement du personnel, des choix gestionnaires ou pédagogiques qui lui appartiennent (par exemple formation des classes, ouverture d’options ou de demi classes, création de dispositifs de soutien, procédures d’orientation et de conseil, aménagement de la grille horaire, modes de sanction de l’indiscipline ou de répression de la violence, modalités d’information et participation des parents ou des élèves), il ne peut plus se protéger derrière " le système ".

Même si cette évolution représente, globalement, un progrès, elle exige cependant une gestion de plus en plus locale des crises, des problèmes et des conflits. Le chef d’établissement est en première ligne, mais il ne peut plus aussi facilement que par le passé s’adresser à l’échelon supérieur en demandant " Que dois-je faire ? ". Face à cette réalité, deux attitudes extrêmes sont possibles.

La première est de tout faire pour éviter les problèmes et, lorsque ce n’est plus possible, de les déléguer soit au niveau inférieur, soit au niveau supérieur de l’organisation ; cette tactique n’est pas absurde ; habilement mise en œuvre, elle peut préserver un chef d’établissement, des années durant, des décisions et des dilemmes les plus difficiles ; il est primordial, pour en arriver là, de savoir transformer un problème en un autre qui, lui, relève d’une nouvelle instance ; ainsi, s’il est en butte aux attaques de la presse, un chef d’établissement expérimenté peut-il suggérer que c’est l’inspection générale ou le ministère qui sont en réalité visés et qu’il vaudrait mieux qu’ils prennent directement les choses en main ; une grogne des parents peut être présentée comme une mise en cause de la conscience professionnelle du corps enseignant, en suggérant qu’elle appelle d’abord une réaction syndicale, le chef d’établissement se tenant " en réserve ".

La seconde attitude consiste évidemment à accepter de faire partie à la fois du problème et de la solution. Cela aide à se saisir de la crise bien avant qu’elle ait pris de l’ampleur et soit devenue insoluble sans pertes et fracas. Une telle attitude peut sembler suicidaire, contraire à toute stratégie de survie et de carrière dans les bureaucraties, où l’on apprend plutôt à se couvrir ou à botter en touche. On voit bien dans quel sens le souci du bien commun pourrait faire pencher la balance. Nos sociétés souffrent de maux endémiques dans toutes sortes de domaines parce que chacun s’abstient d’agir, en espérant que d’autres le feront et s’exposeront à " porter le chapeau " en cas de malheur. Le recrutement exclusif de chefs d’établissements dévoués corps et âmes au bien public, et ne craignant pas de prendre des coups, serait évidemment une formule intéressante… si elle était praticable !

Dans une société individualiste et bureaucratique, il est plus réaliste de se demander ce qui pourrait pousser un individu normal, donc prudent et soucieux de préserver sa tranquillité ou de servir sa carrière, à prendre des risques en assumant pleinement les responsabilités de sa fonction. La volonté de faire carrière pourrait être un moteur, encore que le paradis du pouvoir admette plus d’un Sésame et que, pour un chef suprême conduit à de hautes fonctions par son courage et son esprit de décision, il s’en trouve probablement deux qui sont arrivés au même niveau en évitant simplement de déplaire.

Au bout du compte, c’est un problème d’identité et de solitude. Un problème d’identité, en ce sens que les choix d’un acteur dépendent de son image de soi et des satisfactions personnelles et professionnelles qui le font courir. Pour que les chefs d’établissements trouvent leur compte en assumant pleinement l’autonomie reconnue aux établissements, il faut et il suffit 1. qu’ils se prennent pour des professionnels d’un métier spécifique ; 2. qu’ils aient les moyens de leurs ambitions, moyens intellectuels et affectifs, compétences d’analyse et savoirs d’action (Pelletier, 1996).

Problème de solitude aussi : pour assumer pleinement leur autonomie, il faut que les chefs d’établissement la partagent avec leur corps enseignant et favorisent une autorité négociée (Perrin, 1991), une gestion participative (Demailly, 1990) ou une culture de coopération (Gather Thurler, 1994 b). S’ils se sentent pris entre le marteau et l’enclume, seuls face à leurs enseignants, seul face au système les chefs d’établissements ne peuvent qu’adopter un profil bas et naviguer à vue pour éviter les coups.


Pour conclure : faire de nécessité vertu

Lorsque les transformations et les crises deviennent la règle, il devient irréaliste d’espérer " passer entre les gouttes ". On peut néanmoins s’y employer et faire son possible pour travailler dans un coin tranquille et éviter les problèmes.

On peut aussi se dire que les transformations et les crises sont le sel de la vie pour ceux qui ont le goût et les moyens de les affronter. On a ironisé sur quelques sociétés européennes conservatrices qui " entraient dans l’avenir à reculons ". Les organisations, les corporations et les personnes sont devant le même choix. On peut rêver d’une génération de chefs d’établissement dont l’identité serait construite à partir de leur capacité d’innover et de gérer des crises. Dans la division du travail, une partie des professionnels les plus qualifiés ont choisi des métiers où le défi est permanent : un chirurgien, un cinéaste, un chercheur, un avocat d’assises, un journaliste de talent ne cherchent pas la facilité, mais au contraire la difficulté et le risque. Les chefs d’établissement ont le même choix : garants de l’intendance ou leader d’une communauté de travail ? gestionnaires accablés de petits problèmes ou visionnaires engagés dans un travail de conception et d’animation ?

Jusqu’à un certain point, chacun peut infléchir son propre rôle, dans l’un ou l’autre sens. Le défi est cependant, en dernière instance, lancé à l’ensemble de la corporation. Selon les orientations qu’elle adoptera, elle infléchira le rôle de ses membres dans le système éducatif. Ce dernier aussi son mot à dire, mais il me paraît fortement ambivalent : de chefs d’établissements " entrepreneurs ", les ministères voient sans doute l’utilité pour faire face à la complexité du temps présent, mais ils craignent leur influence.

Les " gestionnaires du quotidien " ne font pas rêver, mais ils sont fort utiles et ils déchargent les enseignants de tâches peu prestigieuses et peu enviables. Chacun connaît des chefs d’établissement qui prennent à leur compte les besognes les plus ingrates, les plus morcelées, les plus disparates, les moins créatives, qui s’occupent d’une multitude de petits problèmes et voient leur temps " mangé " par les sollicitations externes et les urgences. Cet investissement du chef d’établissement dans des tâches gestionnaires arrange les enseignants qui pensent avoir mieux à faire, mais cette division du travail n’est pas une fatalité. Pour sortir de ce rôle de service, il faut avoir le projet de diriger. Au théâtre ou au cinéma, le régisseur est une sorte d’administrateur qui veille à tout et rend possible l’organisation matérielle des représentations. Les chefs d’établissements se contentent souvent de ce rôle. Veulent-ils devenir metteurs en scène, réalisateurs ? Veulent-ils exercer un véritable leadership ? S’ils le veulent, transformations et crises, plutôt que d’être des perturbations malvenues, deviendront des défis indispensables à l’accomplissement du métier dans toutes ses dimensions.

Dans cet esprit, il importe pour les associations professionnelles de cadres d’adopter une :

" attitude est plus active, plus prospective et participative. Elle consiste à bien connaître les mutations en cours, à inciter les chefs d’établissement à se joindre activement au processus du changement, à assumer leur part de responsabilité et de leadership dans un processus de transformation qui va sans doute entraîner des mutations profondes dans la distribution des rôles et dans le fonctionnement des rapports de pouvoir à tous les échelons " (Gather Thurler, 1996 b, p. 1).

On ne pourra unifier la fonction de chefs d’établissement, même à l’intérieur d’un seul système éducatif, dans la mesure où les cadres appartiennent à des générations différentes, ont été nommés à ce poste à des phases différentes de l’histoire de l’organisation, donc selon des profils variés, n’ont pas suivi le même itinéraire, n’ont pas les mêmes aspirations et les mêmes compétences et ne sont pas confrontés aux mêmes situations. Faire de nécessité vertu, c’est d’abord " faire avec " cette diversité. Il subsistera des gestionnaires, des leaders et des artistes (selon Pelletier, 1996 a et b), des adeptes du laisser-faire, des autoritaires, des grands-pères, des architectes, des visionnaires (selon Gather Thurler, 1994 b), des amorphes, des promoteurs, des missionnaires et des girouettes (selon Quirion, 1994) ou encore, selon Garant (1992) des directeurs d’école fonctionnant comme rouages, grains de sable, catalyseurs, moteurs, Saint-Bernard, martyrs, patrons ou cerveaux. La question est de savoir si ces divers profils peuvent tous évoluer vers une posture de leader innovateur (Gather Thurler, 1996 b) sans se couler dans le même moule. Il y va de leur intérêt : dans un monde en crise et en transformation, ceux qui s’arqueboutent pour rétablir l’ordre ancien souffriront, ceux qui accompagnent le mouvement vivront dans le changement " comme des poissons dans l’eau ". Il est parfois à la fois vertueux et nécessaire de faire de nécessité vertu…

Cette évolution a évidemment partie liée avec la professionnalisation du métier de chef d’établissement (Boulerice, 1994 ; Gather Thurler, 1996 b ; Mamou, 1994 ; Obin, 1996 ; Pelletier, 1995 ; Vienneau, 1994). Peut-être faut-il aussi envisager que la question soit personnelle et existentielle, et qu’elle renvoie chacun à une question très intime : que vais-je faire de ma vie professionnelle, pour le temps de carrière qui me reste ? C’est à cette interrogation que nous invite Guy Pelletier, dans un texte au titre provocateur Piloter une innovation ou… l’art de gérer l’inutile. Il écrit :

" L’innovation du troisième type nous introduit dans l’art complexe des situations floues, des événements complexes, des pulsions libérées, voire des événements chaotiques. La vie quoi ! La vraie vie ! Celle qui se tisse au sein des êtres contradictoires que nous sommes. celle qui produit du sens et du non sens, celle qui nous illumine et nous donne des raisons de vivre, de poursuivre un chemin accidenté et, cela, même si nous en connaissons la fin inéluctable : la mort. La mort, cette grande bêtise à laquelle on ne réussit plus à s’échapper depuis que nous faisons des graffitis dans la caverne de Platon. L’innovation du troisième type est alors celle qui nous permet de devenir ces êtres éternels que Camus appelle Les premiers hommes, c’est-à-dire ceux et celles qui participent à la construction du monde sans laisser de traces. " (Pelletier, 1994 c, p. 3).

Nul n’est, aujourd’hui, à la fois assez rationaliste et naïf pour croire que nous pouvons vraiment planifier le changement, ou même l’orienter fortement. Cela ne signifie pas qu’il n’y a rien à faire, mais que les choix que nous faisons ne sont pas guidés seulement par un souci d’efficacité : ils participent d’une recherche de sens et d’identité. Les leaders innovateurs ne s’imaginent plus qu’ils vont sauver l’école par leur seul engagement, mais ils refusent le cynisme et le défaitisme qui conduisent à la politique du pire. Le rapport aux crises et au changement est peut-être, en dernière instance, une question métaphysique…


Références

Alter, N. (1993) Innovation et organisation : deux légitimités en concurrence, Revue française de sociologie, XXXIV, pp. 175-197.

Argyris, C. (1995), Savoir pour agir, Paris, Interéditions.

Ballion, R. (1982), Les consommateurs d’école, Paris, Stock.

Barbier, J.-M. (1996), Savoirs théoriques et savoirs d’action, Paris, PUF.

Bonami, M. (1996) Logiques organisationnelles de l’école, changement et innovation, in Bonami M. et Garant M. (dir.), Systèmes scolaires et pilotage de l’innovation. Émergence et implantation du changement, Bruxelles, de Boeck, p. 145-168.

Bonami, M. et Garant, M. (dir.) (1996), Systèmes scolaires et pilotage de l’innovation. Émergence et implantation du changement, Bruxelles, de Boeck.

Boulerice, D.M. (1994) La professionnalisation du métier de responsable d’établissement scolaire, La Revue des Échanges (AFIDES), Vol. 11, n° 4, décembre, pp. 23-26.

Boutinet, J.-P. (1993) Anthropologie du projet, Paris, PUF, 2e édition.

Bouvier, A. (1994) Management et projet, Paris, Hachette.

Broch, M. & Cros, F. (1989) Ils ont voulu un projet d’établissement. Stratégies et méthodes, Paris, INRP.

Cifali, M. (1993) Silences et rumeurs dans les établissements scolaires : problèmes de communication ? Apports psychanalytiques, Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation.

Crozier, M. & Friedberg, E. (1977) L’acteur et le système, Paris, Ed. du Seuil.

Demailly, L. (1990) Gestion participative et changement dans les établissements scolaires, in Association des Enseignants et Chercheurs en Sciences de l’éducation, L’établissement, politique nationale ou stratégie locale ?, Paris, AECSE, p. 278-284.

Demailly, L. (1991) Le Collège : crise, mythes, métiers, Lille, Presses universitaires de Lille.

Demailly, L. (1992) L’évolution actuelle des méthodes de mobilisation et d’encadrement des enseignants, Lille, Université de Lille 1.

De Meyer, L. (1994) Scènes de la vie quotidienne d’un chef d’école, La Revue des Échanges (AFIDES), Vol. 11, n° 4, décembre, pp. 22.

Derouet, J.-L. (1988) Désaccord et arrangements dans les collèges : vingt collèges face à la rénovation, Revue française de pédagogie, n° 83.

Dubet, F. (1991) Les lycéens, Paris, Seuil.

Dubet, F. et Martuccelli, D. (1996), À l’école. Sociologie de l’expérience scolaire, Paris, Le Seuil

Friedberg, E. (1993) Le pouvoir et la règle, Paris, Le Seuil.

Garant, M. (1991) La gestion d’établissements scolaires : logiques d’action, Thèse de Doctorat, Université Catholique de Louvain, Belgique.

Garant, M. (1992) Le directeur d’école : rouage, grain de sable, catalyseur, moteur, Saint-Bernard, martyr, patron, cerveau ?, Université Catholique de Louvain, Belgique.

Gather Thurler, M. (1993 a) Amener les enseignants vers une construction active du changement. Pour une nouvelle conception de la gestion de l’innovation, Éducation et Recherche, n° 2, p. 218-235.

Gather Thurler, M. (1993 b) Renouveau pédagogique et responsabilités de la direction de l’établissement, in Actes du Colloque franco-suisse de l’AFIDES, Le directeur/la directrice d’établissement scolaire et le renouveau pédagogique, Morges (Suisse).

Gather Thurler, M. (1994 a) L’efficacité des établissements ne se mesure pas : elle se construit, se négocie, se pratique et se vit, in Crahay M. (dir.) Problématique et méthodologie de l’évaluation des établissements de formation, Bruxelles, De Bœck, p. 203-224.

Gather Thurler, M. (1994 b) Relations professionnelles et culture des établissements scolaires : au-delà du culte de l’individualisme ?, Revue française de pédagogie, octobre-novembre, n° 109, p. 19-39.

Gather Thurler, M. (1996 a) Innovation et coopération entre enseignants : liens et limites, in Bonami M. et Garant M. (dir.), Systèmes scolaires et pilotage de l’innovation. Émergence et implantation du changement, Bruxelles, de Boeck, p. 145-168.

Gather Thurler, M. (1996 b) Professionnaliser le métier de chef d’établissement : pourquoi et comment ?, La Revue des Échanges, vol. 13, n° 1, mars, p. 1-10.

Gather Thurler, M. (1996 c) Entre dissidence et discordance : lorsqu’une équipe avertie en vaut deux, Lettre d’Équipes et Projets, n° 10, janvier, p. 14-21.

Gather Thurler, M. (1996 d) Le projet d'établissement : quelques éléments pour construire un cadre conceptuel, in Le projet d'établissement en partenariat., Neuchâtel, Institut romand de recherches et de documentation pédagogiques, pp. 11-19.

Gather Thurler, M. et Perrenoud, Ph. (1991) L’école apprend si elle s’en donne le droit, s’en croit capable et s’organise dans ce sens !, in Société Suisse de Recherche en Éducation (SSRE), L’institution scolaire est-elle capable d’apprendre ?, Lucerne, Zentralschweizerischer Beratungsdienst für Schulfragen, p. 75-92.

Henriot, A. (1988) L’école et ses nouveaux partenaires, in Montandon, Cl. & Perrenoud, Ph. (éd.), Qui maîtrise l’école ? Politiques des institutions et pratiques des acteurs, Lausanne, Réalités sociales, pp. 39-54.

Henriot-Van Zanten, A. (1990) L’école et l’espace local. Les enjeux des zones d’éducation prioritaire, Lyon, Presses universitaires de Lyon.

Henriot-Van Zanten, A., Plaisance, E. & Sirota, R. (éd.) (1993), Les transformations du système éducatif. Acteurs et politiques, Paris, L’Harmattan.

Hilllinger, J.-P. (1996) Diriger un établissement scolaire : une profession, oui, mais surtout une fonction…, La Revue des Échanges, vol. 13, n° 1, mars, p. 32-37.

Huberman, M. (1982) De l’innovation scolaire et de son marchandage, in : Revue européenne des sciences sociales, XX, pp. 59-85.

Hutmacher, W. (1990) L’école dans tous ses états. Des politiques de systèmes aux stratégies d’établissement, Genève, Service de la recherche sociologique.

Le Boterf, G. (1994), De la compétence. Essai sur un attracteur étrange, Paris, Les Éditions d’organisation.

Mamou, G. (1994) Diriger un établissement en France : un métier dangereux et exigeant, La Revue des Échanges (AFIDES), Vol. 11, n° 4, décembre, pp. 11-16.

Montignies, J.-J. (1996) Approche métaphorique d’une profession. Diriger un établissement scolaire, Pédagogies-Forum (Louvain), mai, pp. 8-10.

Nouvelot, M.-O. (1988) Le fonctionnement de l’établissement scolaire : " l’innovation " garante de l’équilibre ?, in Perrenoud, Ph. & Montandon, Cl. (éd.) Qui maîtrise l’école ? Politiques d’institutions et pratiques des acteurs, Lausanne, Réalités sociales, pp. 227-241.

Obin, J.-P. (1992) L’organisation scolaire et la démocratie. Dix ans de projets d’établissement dans le second degré en France, Savoir-Education-Formation, n° 4, p. 631-640.

Obin, J.-P. (1993) La crise de l’organisation scolaire, Paris, Hachette.

Obin, J.-P. (1996) Le professionnalisme éducatif des chefs d’établissements scolaires, La Revue des Échanges, vol. 13, n° 1, mars, p. 17-27.

Obin, J.-P. et Cros, F. (1991) Le projet d’établissement, Paris, Hachette.

Pelletier, G. (1994 a) Former du personnel d’encadrement administratif de l’éducation : entre le cristal et la fumée, Université de Montréal.

Pelletier, G. (1994 b) Savoirs professionnels et formation : le cas des directions d’établissements, La Revue des Échanges (AFIDES), Vol. 11, n° 4, décembre, pp. 17-21.

Pelletier, G. (1994 c) Piloter une innovation ou… l’art de gérer l’inutile, Université de Montréal.

Pelletier, G. (1995) De la professionnalisation des chefs d’établissements…, La Revue des Échanges (AFIDES), Vol. 12, n° 1, décembre, pp. 25-28.

Pelletier, G. (1996 a) Gestionnaire, leader ou… artiste : de l’utopie décapée à l’action de direction, La Revue des Échanges, vol. 13, n° 1, mars, p. 11-16.

Pelletier, G. (1996 b) Chefs d’établissements, innovation et formation : de la complexité aux savoirs d’action, in Bonami, M. et Garant, M. (dir.), Systèmes scolaires et pilotage de l’innovation. Émergence et implantation du changement, Bruxelles, de Boeck, p. 87-113.

Pelletier, G. (1996 c) Devenir dirigeant : le jeu des neuf prophéties, Pédagogies-Forum (Louvain), mai, pp. 4-7.

Perrenoud, Ph. (1990) La formation équilibrée des élèves, chimère ou changement du troisième type ?, C.O. Informations (Genève), novembre, n° 8, pp. 16-41.

Perrenoud, Ph. (1993 a) Ce qui se joue à l’échelle des établissements dans une rénovation didactique, Revue française de pédagogie, n° 104, pp. 5-16.

Perrenoud, Ph. (1993 b) Favoriser le renouveau pédagogique : routine ou travaux d’Hercule ?, in Actes du Colloque franco-suisse de l’AFIDES, Le directeur/la directrice d’établissement scolaire et le renouveau pédagogique, Morges (Suisse).

Perrenoud, Ph. (1993 c) L’organisation, l’efficacité et le changement, réalités construites par les acteurs, Education & Recherche, n° 2, pp. 197-217.

Perrenoud, Ph. (1994) Choisir et former des cadres pour un système éducatif plus décentralisé et plus participatif, La Revue des Échanges (AFIDES), Vol. 11, n° 4, décembre, pp. 3-7.

Perrenoud, Ph. (1996 a) Le travail sur l’habitus dans la formation des enseignants. Analyse des pratiques et prise de conscience, in Paquay L., Altet M., Charlier E. et Perrenoud, Ph. (dir.), Former des enseignants professionnels. Quelles stratégies ? Quelles compétences ?, Bruxelles, de Boeck, p. 181-208.

Perrenoud, Ph. (1996) Le métier d’enseignant entre prolétarisation et professionnalisation : deux modèles du changement, Perspectives, vol XXVI, n° 3, septembre, pp. 543-562.

Perrenoud, Ph. (1996 c) Enseigner : agir dans l’urgence, décider dans l’incertitude. Savoirs et compétences dans un métier complexe, Paris, ESF.

Perrenoud, Ph. et Montandon, Cl. (dir.) (1988), Qui maîtrise l’école ? Politiques d’institutions et pratiques des acteurs, Lausanne, Réalités sociales.

Perrin, J. (1991) Un autre pouvoir pour continuer à enseigner : vers une autorité négociée ?, in AFIDES, La Direction d’établissements scolaires et la Jeunesse actuelle, Actes du Colloque de Villefontaine, AFIDES-France.

Quirion, C. (1994) L’approche-service appliquée à l’école - une gestion centrée sur les personnes. Montréal, Editions de la Chenelière.

Vienneau, J.-G. (1994) La gestion des établissements scolaires : de l’approche traditionnelle aux nouveaux paradigmes, La Revue des Échanges (AFIDES), Vol. 11, n° 4, décembre, pp. 8-10.

Sommaire

Source originale :

http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1998/1998_28.html

Téléchargement d'une version Word au format RTF :

http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1998/1998_28.rtf

© Philippe Perrenoud, Université de Genève.

Aucune reprise de ce document sur un site WEB ou dans une publication imprimée ne peut se faire sans l’accord écrit de l'auteur et d’un éventuel éditeur. Toute reprise doit mentionner la source originale et conserver l’intégralité du texte, notamment les références bibliographiques.

Début 

Autres textes :

http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/textes.html

Page d'accueil de Philippe Perrenoud :

http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/

Laboratoire de recherche Innovation-Formation-Éducation - LIFE :

http://www.unige.ch/fapse/SSE/groups/life