Le goût et l’odorat sont des sens qui fonctionnent déjà avant la naissance.
Comment ? Le fœtus baigne dans le liquide amniotique qui est continuellement renouvelé et dont la composition varie au cours du temps. Selon les jours, les moments de la journée, il n’a pas la même composition. Celle-ci varie en partie en fonction des prises alimentaires de la mère. Il existe donc un transfert de la mère au fœtus des arômes tels que l’ail, le cumin, le fenouil, le curry, la carotte, le fromage, l’alcool, la fumée de tabac, etc. On sait par ailleurs que le fœtus a des comportements de déglutition-régurgitation et d’inspiration-expiration du liquide amniotique qui permettent donc de stimuler les récepteurs olfactifs et gustatifs. Pour des raisons éthiques, il est difficile de savoir à partir de quel moment de la gestation, la gustation et l’olfaction fonctionnent. Par contre, on dispose de quelques données chez les bébés prématurés.
Le goût
On sait depuis longtemps, que des quatre saveurs fondamentales -sucré, salé, amer, acide- les nouveau-nés préfèrent le sucré. Ils rejettent l’amer et l’acide et ont des réactions ambiguës pour le salé (rappelons que le lait maternel est légèrement sucré). Ce résultat a été également observé chez des prématurés de 4 à 8 semaines avant le terme. Pour connaître ces préférences, les chercheurs observent les mimiques des bébés lorsqu’on leur présente ces différentes saveurs. Par exemple, avec le sucre, les bébés se mettent à téter et ont des visages détendus. Dans certaines maternités, il arrive que l’on donne au bébé une tétine d’eau sucrée lors d’un soin qui peut être un peu douloureux, pour l’apaiser.
L'odorat
Quelles sont les odeurs que les nouveau-nés préfèrent ? On observe le visage des bébés lorsqu’on leur présente des odeurs qui sont jugées plaisantes ou déplaisantes par les adultes. Il apparaît que les nouveau-nés manifestent des réponses de dégoût face à l’odeur d’œuf pourri et manifestent des réponses d’acceptation et de satisfaction face à la banane, la vanille. Une autre étude montre que les nouveau-nés sont capables de détourner la tête lorsqu’on leur présente un peu d’ammoniac dans un flacon. Les bébés qui ont du mal à tourner la tête s’agitent alors de façon importante.
L'influence de l'alimentation de la maman durant la grossesse
Les parents se demandent souvent si l’alimentation de la mère pendant la grossesse peut avoir une influence sur les préférences de leur bébé à la naissance. Une étude a été menée sur l’olfaction et non sur le goût directement car on ne peut pas donner à manger autre chose que du lait à un nouveau-né. Deux groupes de futures mamans sont constitués en fonction de leur consommation d’anis. Un groupe de mamans a l’habitude de consommer régulièrement de la nourriture et des boissons à l’anis et un autre groupe de mamans ne consomme jamais d’anis. Deux semaines avant la date présumée de l’accouchement, on offre aux mamans du premier groupe des bonbons, des biscuits et du sirop à l’anis afin qu’elles en consomment souvent. Les mamans du deuxième groupe ne consomment pas d’anis. Pour les deux groupes, l’anis n’est pas consommé entre le moment de la naissance et le moment du test. Les nouveau-nés sont ensuite testés dans les 8 heures qui suivent la naissance et quatre jours après. On présente aux nouveau-nés un coton imprégné de l’odeur d’anis et un coton imprégné d’une odeur neutre et on observe l’expression de leur visage et l’orientation de leur tête. Les résultats montrent que les nouveau-nés exposés à l’anis avant la naissance ont une préférence pour cette odeur alors que les nouveau-nés non exposés à cette odeur ont une réaction neutre ou une aversion face à cette odeur.
Ce résultat qui s’observe avec l’anis s’observe avec d’autres aliments, d’autres arômes. Les effets néfastes de l’alcool (même en petite quantité) sur le développement du fœtus sont maintenant connus depuis longtemps, mais des études ont également montré que le fœtus est sensible à l’odeur de l’alcool après la naissance, si sa mère en a consommé pendant sa grossesse. Précisons que les mères de cette étude n’étaient pas des mères alcooliques mais des mères qui consommaient de l’alcool au moins une fois par semaine.
REPERES
Votre bébé n’arrive pas au monde comme une page blanche. Il possède certaines préférences innées et universelles comme le sucre, mais aussi des préférences liées à son expérience prénatale, et en particulier à ce que vous avez consommé dans les dernières semaines. Cette familiarisation à certains arômes pourra éventuellement se poursuivre si vous allaitez car on sait que la composition du lait maternel varie en fonction de ce que la mère consomme. Le petit enfant retrouvera ensuite ces arômes dans les aliments solides qui seront consommés dans sa culture, sa famille. On se pose alors la question de savoir si un bébé dont la maman a beaucoup consommé certains aliments, appréciera plus tard ces aliments là. La recherche ne permet pas encore de répondre à cette question aujourd’hui.
Références
Faas, A., Sponton, E., Moya, P., & Molina, J. (2000). Differential responsiveness to alcohol odor in human neonates. Effects of maternal consumption during gestation. Alcohol, 22, 7-17.
Schaal, B., Marlier, L., & Soussignan, R. (2000). Human foetuses learn odours from their pregnant mother’s diet. Chemical senses, 25, 729-737.
Le nouveau-né a-t-il une préférence pour votre odeur ?
Le fœtus et le nouveau-né reconnaissent leur mère à sa voix et au bout de quelques jours, le bébé reconnait également le visage de sa mère. Le nouveau-né reconnait-il également sa mère à son odeur ? L’odorat est un des sens que l’on utilise le moins dans notre vie quotidienne, comparativement à la vue ou l’audition, par exemple. Pourtant, des études montrent que ce sens est déjà développé de façon précoce et que le nouveau-né est déjà capable de mémoriser certaines odeurs et de les préférer, en particulier l’odeur de sa mère.
Pour montrer que le nouveau-né préfère l’odeur de sa mère à une autre odeur, on dispose de chaque côté du visage de l’enfant des compresses imprégnées de différentes odeurs et on observe de quel côté le bébé tourne la tête. Lorsqu’on dispose une compresse imprégnée d’une odeur neutre et une compresse imprégnée de l’odeur du sein maternel, les bébés orientent plus leur tête vers l’odeur de leur mère que vers l’odeur neutre. Lorsqu’on oppose l’odeur du sein maternel à l’odeur du sein d’une autre mère, les nouveau-nés préfèrent l’odeur de leur mère. On a même montré que la présence de l’odeur de la mère calme des bébés âgés de 3 jours, lorsqu’ils subissent un soin un peu douloureux, ou lorsqu’ils pleurent.
L’odeur va servir de repère au nouveau-né pour se diriger vers le sein de sa mère. Par exemple, si juste après la naissance, le bébé est placé sur le ventre de sa mère et que, un des deux seins est laissé avec son odeur naturelle alors que l’autre est lavé, on constate que le bébé s’oriente vers le sein qui a une odeur.
Des nouveau-nés de 3 jours s’orientent préférentiellement vers l’odeur de leur liquide amniotique par rapport à une odeur témoin (gaze humectée d’eau). De plus, lorsqu’ils sont confrontés à deux échantillons de liquide amniotique, le leur et celui d’un autre fœtus, les nouveau-nés s’orientent de façon plus insistante vers leur propre liquide amniotique. Le cerveau du petit humain est non seulement capable de différencier le liquide amniotique familier d’une stimulation qualitativement proche mais il peut aussi en extraire ses caractéristiques individuelles et les mémoriser pendant au moins 72 heures après la naissance.
Une étude a cherché à savoir si les nouveau-nés sont capables de reconnaître l’odeur de leur mère et l’odeur de leur père selon la façon dont ils sont nourris (sein ou biberon). Les odeurs du père présentées aux bébés ne sont pas celles du sein mais de l’aisselle. Deux semaines après la naissance, seuls les enfants nourris au sein reconnaissent l’odeur de leur mère. Aucun enfant ne reconnaît l’odeur de son père. Ce résultat peut s’expliquer par le fait qu’un enfant nourri au sein a plus de contact direct avec la peau de sa mère qu’un enfant nourri au biberon. Néanmoins, un bébé nourri au biberon peut reconnaitre l’odeur de sa mère, sur d’autres parties du corps comme le cou par exemple.
Si le nouveau-né peut reconnaître sa mère à son odeur, la réciproque est également vraie. Dès le deuxième jour après l’accouchement, les mamans sont capables de reconnaître l’odeur de leur bébé si on leur fait sentir des layettes ayant été portées par différents bébés dont le leur.
REPERES
Vous avez déjà tous remarqué qu’un bébé peut cesser de pleurer lorsque sa mère le prend dans les bras, lui parle. Si la présence, la voix de sa mère apaisent le bébé, l’odeur y contribue également. Lorsque vous devrez confier votre enfant à une personne qu’il ne connait pas, si votre bébé pleure, vous pouvez lui donner, par exemple, un tee-shirt que vous avez porté toute la nuit et qui sera imprégné de votre odeur. Peut-être que cet objet olfactif pourra l’apaiser.
Références
Cernoch, J., & Porter, R. (1985). Recognition of maternal axillary odors by infants. Child Development, 56, 1593-1598.
Rattaz, C., Goubet, N., & Bullinger, A. (2005). The calming effect of a familiar odor on full-term newborns. Developmental and Behavioral Pediatrics, 26, 86-92.
Schaal, B., Marlier, L., & Soussignan, R. (1998). Olfactory function in the human fetus : evidence from selective neonatal responsiveness to the odor of amniotic fluid. Behavioral Neuroscience, 112, 1438-1449.
Varendi, H., Porter, R., & Winberg, J. (1994). Does the newborn baby find the nipple by smell? Lancet, 344, 989-990.
Le nouveau-né a-t-il une préférence pour l’odeur du lait maternel ?
Après la naissance, tous les bébés ne sont pas nourris de la même façon. Certains ne seront nourris qu’au lait en poudre, d’autres qu’au lait maternel pendant plusieurs mois et enfin d’autres encore, auront une alimentation mixte. Ces choix alimentaires ont-ils une influence sur les préférences olfactives des bébés ou tous les bébés ont-ils les mêmes attirances ?
On sait que tous les nouveau-nés réagissent à l’odeur du sein d’une femme qui allaite. Des nouveau-nés de deux semaines, nourris au biberon depuis la naissance, manifestent une préférence pour l’odeur du sein d’une femme allaitante à celle d’un sein non allaitant. Dans la mesure où ces bébés n’ont jamais été exposés à l’odeur d’un sein allaitant, cette préférence olfactive ne serait pas due à l’expérience postnatale mais serait innée.
Une étude récente a cherché à savoir si les nouveau-nés ont une préférence pour le lait maternel quelle que soit la façon dont ils sont nourris : au sein ou au biberon. Des bébés de 3-4 jours sont testés au moment où ils ont faim. Deux groupes de bébés sont constitués : ceux exclusivement nourris avec du lait maternel et ceux exclusivement nourris avec du lait maternisé (lait en poudre) depuis la naissance. Les bébés sont installés dans un siège incliné et on dispose de part et d’autre de leur visage deux cotons imprégnés d’odeurs : 20 gouttes de lait maternel sur un coton et 20 gouttes de lait en poudre sur l’autre coton. On leur fait d’abord sentir les deux odeurs présentées puis on remet leur tête au centre et on les filme pendant une minute. Les bébés passent deux essais afin d’alterner la présentation droite gauche de chaque odeur. Ce contrôle est effectué afin qu’il n’y ait pas un biais de côté (les bébés tournent souvent spontanément la tête d’un côté). On observe ensuite, d’une part de quel côté le bébé tourne la tête et, d’autre part son activité orale (ouverture de la bouche, succion des lèvres, des mains, etc.). Lorsqu’on présente à des bébés nourris au sein l’odeur d’un lait maternel autre que celui de leur mère et un lait en poudre, ils manifestent une préférence pour l’odeur du lait maternel. Ce résultat ne signifie pas que les bébés ont une aversion pour le lait en poudre, car quand on les fait choisir entre l’odeur du lait en poudre et une odeur neutre, ils manifestent une préférence pour le lait en poudre. Lorsqu’on présente à des bébés nourris au biberon l’odeur d’un lait maternel et l’odeur d’un lait en poudre autre que le leur, on constate qu’ils manifestent une préférence pour l’odeur du lait maternel. Lorsqu’on leur présente leur lait en poudre et un lait maternel, ils manifestent encore une préférence pour le lait maternel, mais cette préférence est moins marquée. Ce résultat montre donc que tous les bébés auraient une préférence spontanée pour le lait maternel. Le lait maternel possède des propriétés spécifiques qui sont attractives pour le petit humain.
REPERES
Outre les qualités nutritives du lait maternel bien connues depuis longtemps, le lait maternel semble être plus attirant sur le plan olfactif que le lait en poudre. Ce résultat montre que la nature fait bien les choses. Néanmoins, si vous n’allaitez pas votre enfant, il appréciera le lait que vous lui donnerez ainsi que tous les regards et les attentions accordés pendant ces moments privilégiés.
Référence
Marlier, L., & Schaal, B. (2005). Human newborns prefer human milk: conspecific milk odor is attractive without postnatal exposure. Child Development, 76, 155-168.