Les nombres sont présents dans les activités quotidiennes, qu’il s’agisse de comparer les prix de deux produits ou encore de prévoir assez d’argent pour les vacances, de s’orienter dans l’espace et dans le temps (nous sommes le 1er juin, il est 11 heures, j’ai rendez-vous au 23 cours Berriat), ou encore de coder de nombreux éléments (carte de crédit, numéro de téléphone, numéro de sécurité sociale…). Le nouveau-né est-il capable de faire la différence entre des petites quantités ?
Pour étudier cette question, les chercheurs présentent à des nouveau-nés des scènes visuelles composées de 2, 3, 4 ou 6 points identiques, dans une première phase d’habituation. Ensuite, dans la phase test, ils leur proposent un nombre différent de points, en prenant soin de contrôler la longueur et la densité des scènes (cf. tableaux 1 et 2). Plus précisément, les nouveau-nés habitués à 2 ou 3 points sous différentes longueurs voient, respectivement, ensuite 3 ou 2 points dans la phase test. Similairement, les nouveau-nés habitués à 4 ou 6 points sont ensuite testés respectivement avec 6 ou 4 points. Rappelons que si la durée du regard de la nouvelle scène est supérieure à celle de la scène habituée dans la phase test, cela signifie que le nouveau-né détecte un changement entre la scène habituée et la scène nouvelle et différencie les deux scènes.
Tableau 1 : Description des scènes présentées aux nouveau-nés pour tester leurs capacités à faire la différence entre la quantité 2 et la quantité 3. Après les deux phases d’habituation (celle à la quantité 2 et celle à la quantité 3), les nouveau-nés regardent plus longtemps, dans la phase test, la quantité nouvelle que la quantité habituée.
Tableau 2 : Description des scènes présentées aux nouveau-nés pour tester leurs capacités à faire la différence entre la quantité 4 et la quantité 6. Après les deux phases d’habituation (celle à la quantité 4 et celle à la quantité 6), les nouveau-nés regardent, dans la phase test, aussi longtemps la quantité nouvelle que la quantité habituée.
Les résultats révèlent que les nouveau-nés font la différence entre des ensembles de 2 ou 3 points mais pas entre des ensembles de 4 ou 6 points. Des résultats similaires sont observés chez des bébés plus âgés. Comme le nombre ou la quantité est le paramètre commun dans l’ensemble des scènes, cela suggère que les nouveau-nés et les bébés se basent bien sur l’information numérique pour faire la différence seulement entre des petits nombres.
Plus récemment, des chercheurs ont mis en évidence l'existence d'une représentation abstraite des nombres en utilisant des correspondances entre l’audition et la vision. Ils ont habitué des nouveau-nés à l'écoute d'un certain nombre de stimuli auditifs (des syllabes répétées), puis ils ont présenté aux bébés des images contenant soit le même nombre d’objets que la séquence auditive (nombre congruent) soit un nombre différent (nombre non congruent). Les nouveau-nés préfèrent regarder les stimuli correspondant au nombre de sons qu'ils ont entendu en habituation. Cette préférence est observée pour les comparaisons suivantes : 4 vs. 12, 6 vs 18 (ratios 1/3) et 4 vs. 8 éléments (ratio ½). Les nouveau-nés sont donc capables d'associer un nombre de stimuli visuels à un nombre de stimuli auditifs, donc d’abstraire le nombre à travers deux modalités sensorielles différentes.
REPERES
L’acquisition des notions de quantité et nombre nous semble être tardive au cours du développement de l’enfant. Cependant, les probables bases de cette acquisition sont très précoces puisque le nouveau-né et les bébés plus âgés sont déjà capables de faire la différence entre la présence de 2 éléments et celle de 3 éléments.
Références
Antell, S.E. & Keating, D.P. (1983). Perception of numerical invariance in neonates. Child Development, 54, 695-701.
Izard, V., Sann, C., Spelke, E. & Streri, A. (2009). Newborn infants perceive abstract numbers. PNASn 106, 10382-5.