Préface de André Giordan

giordanv1.jpgLa priorité n'est plus « d’enseigner » des contenus scientifiques ou techniques... Actuellement les connaissances sont accessibles partout [1]. La priorité est plutôt, au travers des sciences et des techniques, d’introduire chez l’élève une disponibilité, une ouverture sur les savoirs ; une curiosité d'aller vers ce qui n'est pas évident ou familier.

Plus qu’un savoir, la démarche scientifique est avant tout une approche spécifique du monde. Elle est d’abord une attitude face à l’environnement, aux autres ou à soi-même : celle de se questionner, de chercher à travers un esprit critique. C’est une démarche qui se risque, s'hasarde, explore, s’essaie et progresse pour répondre à ses propres interrogations, en fait à nos propres interrogations.

Au lieu de « se raconter des histoires », comme on l’a toujours fait depuis les débuts de l’humanité, la démarche scientifique s’invente également des aventures. Toutefois, elle n’en reste jamais là. D’entrée, elle tente de les fonder. Pour y parvenir, elle confronte sans cesse au réel les idées, les directions de travail envisagées. Par le biais d’observations et d’expériences, elle tente de “voir” –on dit « corroborer »- si les supposés explications (ou prévisions) –ce qu’on nomme « les hypothèses »- « tiennent la route ». Elle les confronte à d’autres propositions -lois, théories, modèles,..- pour considérer si les nouvelles formulations sont fondées et restent cohérentes par rapport au corpus d’ensemble.

C’est ainsi que le plus fréquemment, il s’agit de changer d’explication. Ce qui paraît évident s’avère insuffisant, voire inopérant ou obsolète. Un autre point de vue est à introduire… Mais ce changement n’est jamais farfelu, les scientifiques doivent encore convaincre leurs collègues ; et ceux-ci - s’ils ne refusent jamais de coopérer - ne font pas de cadeau ! Le savoir doit alors être reformulé ; inlassablement il est fait appel à d’autres expériences avant qu’enfin un consensus ne se fasse.

De plus, le réel que nous côtoyons est complexe et difficilement accessible. Au mieux, les scientifiques ne peuvent élaborer que des réponses provisoires ou contextualisées. Alors plus que la « réponse » par trop figée, ce qu’il importe de développer en premier chez l’élève : c’est une interrogation persistante, c’est une quête permanente... Toutefois ! Paradoxe, celle-ci est inséparable d’une certaine maîtrise... Le doute doit rester continu, mais pas sans une certaine confiance… Ainsi va la science !

Dans ce contexte, la Collection dirigée par Laurent Dubois, l’actuel directeur du LDES, cherche à proposer des activités d'investigation innovantes. Entourée d’une équipe de chercheurs et d’enseignants, elle avance une approche diversifiée en s’appuyant sur l’actualité ou sur l’histoire. Dans la tradition du laboratoire qui souhaite que les recherches didactiques débouchent sur des propositions pour la classe, chaque fiche proposée part d’une question d’élèves, tout en restant en lien avec les programmes francophones.

D’une manière originale, elle mêle texte, iconographie la plus récente, activités pour l’élève, conseils pour le maitre, simulations, exercices à faire, documents pour « en savoir plus », etc.. Chaque fois, les aspects didactiques sont précisés : objectifs visés, conceptions et obstacles des élèves, ressources pour y remédier, etc.. En sus, elle propose une ouverture sur les autres savoirs à travers une approche interdisciplinaire, sans oublier de traiter les enjeux sciences-société-éthique comme les interdépendances, le développement durable ou les enjeux sociétaux,..,.

De fait, cette Collection préfigure une nouvelle conception de l’éducation ; elle se situe au point de convergence d'une pratique autonome de l'élève et d'une pensée conceptualisée : les champs de connaissance de la science, médiatisée par l’enseignant. D'où les apports importants, bien qu'indirects de chaque fiche, s'exerçant non plus à partir d’un propos scientifique a priori, mais à partir de la démarche et des nécessités de l'enfant.

« Metteur en savoir », l’enseignant intervient alors en complément par les situations, les ambiances qu'il a su créer, les ressources qu’il apporte et par les mises en relation qu'il favorise. Ainsi il met en place un « environnement didactique » pour accompagner les recherches des élèves.

 

André Giordan

 



[1] Tout au plus faudrait-il fournir aux élèves les outils pour recueillir, trier et traiter l’information, notamment avec esprit critique, en fonction de leurs questions.