Trajectoires de l’affectivité dans les interactions en contexte de formation : implication, affiliation et auto-réflexivité dans la supervision en psychiatrie
Dans les dispositifs de formation qui conçoivent l’expérience comme étant centrale, le formateur organise et assure un environnement interactionnel qui permet le travail d’explicitation des situations vécues et leur analyse en vue du développement de nouveaux savoirs. Pour l’apprenant, raconter son expérience suscite un vécu, un rapport à ce vécu et il véhicule potentiellement des émotions. Pour le formateur, faire raconter l’expérience et en explorer le vécu requiert des compétences interactionnelles pour organiser des conditions relationnelles et pédagogiques favorables au processus réflexif de l’apprenant ; cela exige également d’identifier ces émotions dans la situation interactionnelle de formation et de faire de ce récit une ressource à l’apprentissage de l’étudiant.
Nous présenterons les résultats d’une recherche qui s’est intéressée à la prégnance des émotions lors les récits d’expériences des thérapeutes en formation. Elle se penche sur l’affectivité telle qu’elle se donne à voir dans les interactions de supervision et examine les manifestations de l’implication émotionnelle des participants, son émergence et son évolution dans l’interaction. A partir d’analyses fines d’interactions vidéo-enregistrées et intégralement retranscrites de séances de supervision en psychiatrie, nous présenterons les principales trajectoires affectives observées qui conduisent à l’auto-réflexivité du thérapeute en formation.
Nous proposerons d’ouvrir la discussion en présentant ce qui, à notre sens, constitue la professionnalité spécifique des superviseurs : la capacité à gérer les interactions de supervision au plan émotionnel, en orientant les échanges de sorte à examiner les enjeux affectifs présents dans la relation du thérapeute avec son patient, en mobilisant diverses ressources langagières pour répondre aux récits des thérapeutes, soit pour les impliquer émotionnellement lorsqu’ils présentent un discours détaché affectivement, soit pour produire des actions qui permettent d’accomplir une affiliation conjointe. Nous montrerons que les superviseurs semblent ajuster en permanence leurs actions aux productions langagières des thérapeutes, négociant sans cesse les trajectoires topicales et affectives en vue d’une conversation réflexive dans laquelle thérapeute et superviseur co-élaborent une signification partagée des enjeux de la relation thérapeutique en vue de déterminer les prochaines interventions auprès des patients.
La conférencière
Alexandra Nguyen est infirmière, docteure en sciences de l’éducation, professeure HES ordinaire et doyenne facultaire, à la Haute École de Santé La Source (HES-SO), Lausanne. Après une carrière dans les soins infirmiers en psychiatrie et dans l’ingénierie de la formation aux HUG, elle investit la recherche clinique à La Source et développe sa ligne de recherche dans le champ des interactions en situations de travail et de formation en santé. Elle s’intéresse particulièrement aux compétences interactionnelles dans la relation thérapeutique, aux rapports de place dans les dimensions épistémique, déontique et émotionnelle en contextes thérapeutiques et de formations.
30 mars 2021