Juin 2022 (n°30)

Ergonomie des situations de formation professionnelle et environnements virtuels : le cas de la formation des agents de terrain

Artémis Drakos, équipe CRAFT, Université de Genève

Thèse soutenue le 2 juin 2021 à l'Université de Genève

Résumé de thèse

Cette thèse rend compte d’une recherche portant sur la question de la conception et des usages des environnements virtuels en situation de formation professionnelle. Elle a été menée dans le contexte industriel singulier de la professionnalisation initiale des agents de terrain de centrales nucléaires. Les situations de formation que nous avons à la fois étudiées et conçues prennent appui sur un environnement virtuel représentant le bâtiment réacteur d’une centrale nucléaire, un espace essentiel dans l’activité des agents de terrain. L’environnement virtuel au cœur de cette recherche s’appelle VVProPrepa et représente le bâtiment réacteur, un bâtiment inaccessible lorsque la centrale est en fonctionnement. Cette recherche, située à la croisée de deux disciplines, l’ergonomie et la formation des adultes, est inscrite dans le programme empirique et technologique du cours d’action (Theureau, 1992 ; 2015), un programme qui articule une double visée : (i) la production de connaissances sur l’activité humaine et (ii) la conception de situations de formation favorisant des transformations majorantes dans l’activité des acteurs (formateurs et formés). Dans cette filiation, notre recherche s’inscrit dans la démarche d’ergonomie des situations de formation (Horcik & Durand, 2011) et s’appuie sur la conviction que la formation est un travail et un objet de conception ergonomique. Cette démarche se concrétise par plusieurs boucles itératives d’analyse du cours d’expérience des acteurs (formés et formateurs) en situation de formation et de re-conception de la situation, à partir des résultats empiriques.

Trois dispositifs de formation ont été co-conçus, expérimentés et analysés : un cours en salle durant lequel les formateurs ont utilisé l’environnement virtuel (Vi²BR), une séance durant laquelle les stagiaires ont utilisé l’environnement virtuel pour réaliser des enquêtes (Scénario-enquête), et un dispositif d’accompagnement des agents de terrains récemment habilités lors des premières interventions dans le bâtiment réacteur (NaRé). Vingt-quatre formateurs et formés ont participé à cette recherche, et cinq méthodes de construction de données ont été mobilisées (i) des observations filmées des situations de formation, (ii) des autoconfrontations, (iii) des autoconfrontations de second niveau, (iv) des verbalisations simultanées et interruptives, et (v) des entretiens de remise en situation à partir de traces de l’activité. Les résultats font état (i) des structures typiques de différents niveaux dans l’organisation du cours d’action et cours d’expérience des formateurs et stagiaires lors de l’utilisation de l’environnement virtuel en situation de formation, ainsi que (ii) des expériences-type de reenactment, de projection aux futures situations de travail et de mise en intrigue dynamique. Les avancées technologiques se sont concrétisées par et portent sur la re-conception de chacun des trois dispositifs de formation, tout en donnant lieu également à des pistes de re-conception de l’environnement virtuel lui-même.

La discussion des résultats empiriques permet (i) d’examiner le reenactment sous le regard de l’imagination productive en explicitant la place des images (de l’environnement virtuel), (ii) de souligner le rôle des abductions dans la dynamique d’apprentissage/développement et l’intérêt des « laboratoires de curiosités » (Citton, 2018) qui encourageraient les processus d’abduction et leur imbrication (méta-abduction), ou encore (iii) de proposer un essai méthodologique pour l’Observatoire du programme du cours d’action : l’entretien de remise en situation à partir de traces artificielles proposées par les environnements virtuels. Un second niveau de discussion technologique permet de proposer trois principes de conception de situations de formation mobilisant des environnements virtuels : (i) l’aide à la réflexivité augmentée (Poizat & Durand, 2017), (ii) l’aide à l’extension de la sémiose et l’encouragement des abductions, et (iii) l’encouragement à l’expérience mimétique. La discussion se conclut par une extension de la démarche d’ergonomie des situations de formation, et une ouverture en direction des design-based research en éducation.

 

Notes de l’autrice

Lien de la thèse : https://archive-ouverte.unige.ch/unige:154027

 

Co-directeurs de thèse :

Germain Poizat, Professeur associé, Université de Genève

Geneviève Filippi, chercheure en ergonomie, EDF R&D

Jury de thèse :

Mireille Bétrancourt, professeure ordinaire, Université de Genève

Catherine Delgoulet, professeure des universités, Conservatoire des Arts et Métiers

Serge Leblanc, professeur des universités, Université de Montpellier

Pascal Salembier, professeur des universités, IUT de Troyes

 

15 juin 2022

Juin 2022 (n°30)