Inclusion et formation d’intervenant·es en situation de handicap : Perspectives pour l’enseignement à l’Université - Léa Beaud, Rui Costa Machado & Simon Flandin, Université de Genève / 05.12.2023
retour sur la conférence du 5 decembre 2023
organisée par la Faculté de Psychologie et des Sciences de l'éducation (UNIGE), en partenariat avec le Laboratoire RIFT, dans le cadre de la remise du "Prix de l'Innovation pédagogique 2023" -"CS Award for best teaching 2023"
Par Oriane Sitte de Longueval, Equipe CRAFT, Université de Genève
Cette conférence à trois voix est à la fois un témoignage et une illustration de « l’inclusion en actes ». Elle nous plonge dans les modalités de conception d’un dispositif de formation des formateur-rices en situation de handicap et nous partage l’expérience d’un formateur ayant bénéficié dudit dispositif. Sous la forme d’un stage, ce dispositif de formation est le produit d’une recherche-intervention doctorale aussi passionnante que sérieuse, menée par Léa Beaud, avec Simon Flandin et Laurent Filliettaz, et en partenariat avec ASA-Handicap Mental et le laboratoire RIFT. Son caractère novateur, ses qualités scientifiques et développementales, ainsi que sa pertinence sociale justifient grandement le Prix de l’Innovation Pédagogique que la Commission d’Innovation Pédagogique lui a décerné en 2023.
L’exposé introductif de Léa Beaud permet de prendre conscience des enjeux sous-jacents à l’inclusion des personnes en situation handicap dans la vie professionnelle. Cette inclusion ne repose pas seulement sur le développement de leurs compétences, mais tient aussi à leur reconnaissance comme des travailleurs et travailleuses capables sur le plan professionnel. Alors que les personnes en situation de handicap endossent de plus en plus le rôle de formateurs et de formatrices, y compris dans des domaines et face à des publics éloignés des questions du handicap, le dispositif présenté dans le cadre de cette conférence vise à les aider à mieux faire leur travail et à être mieux reconnu-es pour ce travail. La mise au point de stages à destination des formateurs et formatrices en situation de handicap vient ici soutenir et outiller un apprentissage du travail qui se faisait jusqu’ici « sur le tas » avec un soin particulier pour les problématiques interactionnelles qui ressortent comme saillantes pour le travail (se déroulant principalement en collectif) et pour la population (formateurs et formatrices en situation de handicap mental) concernés. De la contractualisation à l’évaluation du stage, en passant par la définition, la préparation et la co-animation des séances de formation, le processus pédagogique est complexe et complet.
Parmi les cinq personnes formatrices en situation de handicap ayant pu bénéficier de ce stage dans le cadre de cette recherche-intervention, Rui Costa Machado nous partage son expérience. Au préalable, elle a développé une importante expérience en tant que formatrice sur différents sujets et selon différents formats. Pour autant, elle nous raconte les difficultés qu’elle a rencontrées pendant le stage et les stratégies qu’elle a pu mettre en œuvre pour les dépasser grâce à ce stage. À son issue, elle a pu construire un cours qui a été très bien reçu par ses étudiant-es, dont elle tire une certaine fierté, et qui dans le futur, pourra être un média permettant de faire reconnaître ses capacités en tant que formatrice. Cette démarche s’inscrit ainsi, selon elle, dans un dialogue entre Science, Pratique et Cité. En découlent des bénéfices croisés entre l’Université qui y trouve une mise en actes de son projet d’inclusion, et les formateurs et formatrices stagiaires qui y trouvent une voie de développement et de reconnaissance de leurs compétences. En cela, la démarche pédagogique présentée dépasse le traditionnel témoignage de personnes en situation de handicap, en construisant, en conceptualisant et en reconnaissant des programmes et des expertises spécifiques pour ces publics.
Simon Flandin insiste enfin sur les élargissements possibles de ce dispositif de formation au sein de l’Université de Genève. Ce dispositif pave en effet la voie à l’inclusion dans les équipes formatrices de l’Université, de personnes directement concernées par les thématiques enseignées. Si cette inclusion est déjà bien ancrée dans le domaine de la santé où les patient-es formateur-rices contribuent à améliorer la qualité de la formation au soin, d’autres domaines pourraient s’engager dans des démarches similaires. De façon informative bien que non exhaustive, il note que les domaines de la pauvreté et des inégalités sociales, de l’accueil et de la gestion des migrations, des conflits armés et de la résilience, de la gestion des ressources humaines et des politiques d’emploi, ou encore de l’environnement et des changements climatiques pourraient être enrichis des savoirs d’expérience de personnes défavorisées, migrantes, violentées, en reconversion professionnelle ou encore victimes des changements climatiques. Le prix obtenu doit permettre de déployer cette démarche au sein de l’Université de Genève, et ainsi accompagner la définition et la diffusion des savoirs d’expérience dans des formations plus inclusives. En cela nous leur souhaitons un grand succès !
Cette conférence est organisée par la Faculté de Psychologie et des Sciences de l'éducation (UNIGE), en partenariat avec le Laboratoire RIFT, dans le cadre de la remise du "Prix de l'Innovation pédagogique 2023" -"CS Award for best teaching 2023"
Résumé de la conférence
Les savoirs d'expérience voire d'expertise développés par les personnes concernées par un handicap, une maladie, ou d'autres situations de vulnérabilité sont de plus en plus reconnus, légitimés et plébiscités. Complémentaires aux savoirs académiques, ces savoirs ont notamment une valeur d'usage spécifique dans la formation de professionnel·les de service compétent·es et bientraitant·es, quel que soit leur domaine d’activité (éducation, enseignement, soin, travail social, commerce…). Réciproquement, des institutions de formation telles que les Hautes Écoles peuvent faire bénéficier les personnes concernées d'un dispositif de reconnaissance et de développement de leurs compétences, tout en contribuant à leurs visées inclusives.
C'est ce transfert de savoirs croisé que la recherche-intervention présentée dans cette conférence a concrétisé à travers un parcours de stage professionnalisant conçu, accompagné et évalué par une équipe de recherche en formation des adultes du laboratoire RIFT, au sein de l'Université de Genève et en partenariat avec l'association ASA Handicap Mental. La conférence sera l'occasion d'en détailler les postulats sous-jacents ainsi que la démarche, de la conception à la mise en œuvre, mais aussi d'envisager des développements futurs.
La conférencière et les conférenciers
Léa Beaud
Assistante-doctorante et chargée d’enseignement suppléante dans le secteur Formation des Adultes de l’Université de Genève, Léa Beaud est membre du laboratoire RIFT et de l’équipe Interaction & Formation. Ses travaux se centrent sur la question de la reconnaissance et du développement des compétences des personnes en situation de handicap, en particulier lorsqu'elles travaillent en tant que formateur/rice et co-animent des formations, dans divers domaines (santé, médiation culturelle, production vidéo ou encore enseignement supérieur). Sa recherche doctorale consiste à analyser le travail de formateur/rice en situation de handicap dans le but de créer une formation de formateurs adaptée à leurs besoins spécifiques. Cette recherche comporte une dimension fortement collaborative.
Rui Costa Machado
Iel est formateur/rice dans les domaines de la médiation culturelle et du FALC (français facile à lire et à comprendre). Ces formations s’adressent à tout type de public, des professionnels, des personnes concernées, etc. Dans le but de développer davantage ses compétences dans la création des contenus et l’animation de formation, Iel a participé en 2022 à un stage en formation des adultes à l’Université de Genève, par l'intermédiaire de l'association ASA Handicap Mental. En parallèle, Iel a travaillé dans une structure de production vidéo avant de rejoindre une équipe développant des formations pour les nouveaux collaborateurs en institution.
Simon Flandin
Maître d'Enseignement et de Recherche dans le secteur Formation des Adultes de l'Université de Genève, Simon Flandin est membre du laboratoire RIFT et de l'équipe CRAFT (Conception-Recherche-Activité-Formation-Travail). Ses travaux consistent à analyser l’activité de professionnel·les au travail et en formation afin de définir les meilleurs moyens de favoriser des transformations désirables vis-à-vis de leur performance, de leur santé, de leur sécurité et/ou de leur développement. Conduits sur des terrains divers allant de l'industrie aux métiers de services, ils visent à élaborer des critères de conception de formation dans une approche collaborative, c’est-à-dire en lien étroit avec les acteurs bénéficiaires des recherches et leurs organisations. Ses recherches sont particulièrement orientées vers la compréhension et la transformation des situations de vulnérabilité et de crise de différentes natures (contextes d’intervention difficiles, enjeux sanitaires et sécuritaires, etc.).