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Learning in Digitized Workplaces: Practices of Education and Health Professionals / Sarojni Choy, Griffith University / 12.03.2024

RETOUR SUR LA CONFERENCE DU 12 MARS 2024

Par Stéphane Jacquemet, Equipe ACT'FOR, RIFT, Université de Genève

Dans le cadre d’un séjour académique de trois mois effectués au sein du Laboratoire RIFT, la professeure Sarojni Choy proposait, le mardi 12 mars 2024, une conférence publique centrée sur les recherches récentes qu’elle mène en Australie sur la problématique de la digitalisation du travail. Sarojni Choy possède une expertise en formation professionnelle et continue. Ses recherches portent sur l'apprentissage en milieu de travail, l'apprentissage basé sur la pratique, l'éducation et la formation continues, l'intégration de l'apprentissage dans différents sites et le développement de la main-d'œuvre. Ses travaux portent sur la manière dont les adultes apprennent à développer leurs connaissances, leurs compétences et leurs qualités pour un travail productif, contribuant ainsi aux résultats personnels, sociaux et économiques.

En introduction de sa conférence, la professeure Choy précise le cadre général de la recherche présentée, soit un projet mené par l’Australian Research Council, intitulé « Investigating professional learning lives in the digital evolution of work » (en cours de réalisation entre 2022 et 2025). La conférence se concentre sur les données issues de la phase 1, visant à identifier ce que les professionnels apprennent continuellement dans le cadre de leur travail, notamment dans deux secteurs investigués : le domaine de l’éducation et le domaine de la santé.

D’un point de vue général, elle souligne le contexte de fortes émergences et de rapidité des changements, notamment en matière de numérisation du travail avec des demandes de création de nouveaux produits / prestations et des implémentations très soutenues. Le travail est donc soumis à des reconfigurations très fréquentes et possiblement importantes. En conséquence, il y a une tendance à fusionner le travail et l’apprentissage de manière à maintenir un certain flux dans l’activité en constante évolution. En raison de la position centrale de la technologie dans l’activité humaine, l’apprentissage est soumis à deux sortes de contraintes : le rythme et l’imbrication avec le travail. Découlent de cela, deux types de curriculum : un curriculum individuel permettant de soutenir la personne dans l’évolution de ses capacités et un curriculum institutionnel visant à calibrer le travail et à articuler le numérique à la contribution humaine.

L’enquête par questionnaire présentée permet d’abord d’identifier les principaux changements perçus par les informateurs tels qu’ils sont induits par le numérique dans les environnements professionnels étudiés. Concernant le secteur de l’éducation, on retrouve la création et le management de ressources en ligne ; les réunions en ligne et la communication avec les parties prenantes ainsi que le recours à des cours formels ou du développement professionnel informel. Plus spécifiquement, dans le secteur de la santé, des particularités liées au recours aux diagnostiques et procédures en ligne ainsi que de nouvelles tâches propres à la télémédecine et l’automation de tâches administratives ressortent. Globalement, la grande majorité des personnes interrogées évoquent un sentiment massif et convergent d’être « sur-connectées » et rendues ainsi disponibles 7/7j et 24/24h.

Les deux domaines étudiés sont très similaires, particulièrement sur la thématique des « échanges » et des pratiques de communication. Les professionnels de l’éducation et de la santé recourent tous deux fréquemment à des webinaires et aux réseaux sociaux pour trouver des réponses à leurs questions. De même, l’usage de tutoriels vidéo est souvent mentionné comme pratique de diffuser mais aussi comme support de discussion. De leur côté, les intranets représentent le lieu des « normes » et des « standards » de références pour les pratiques.

L’enquête permet aussi d’entrevoir l’impact des technologies sur les processus d’apprentissage perçus en lien avec le travail. Du point de vue de l’apprentissage individuel, les réponses plébiscitent la réflexion sur les pratiques, la veille sur les développements spécifiques au domaine et l’identification des ressources formelles ou informelles. Sur le plan collectif, l’intelligence collective et les interactions semblent cruciales pour des apprentissages pertinents. Au final, selon les personnes interrogées, les éléments les plus favorables pour le déploiement d’apprentissages en lien direct avec le travail sont : le soutien au développement personnel ; les possibilités d’échanges ; et l’accès à des ressources.

Globalement, les réponses à l'enquête montrent que les professionnels sont des consommateurs actifs de technologie pour le travail et l'apprentissage. Ils utilisent des outils et des logiciels pour permettre leur propre apprentissage ou celui des autres. Tendanciellement, ces professionnels se montrent capables d’utiliser les technologies numériques de différentes manières pour fournir des services plus coordonnés et holistiques. Les nouvelles technologies ont également élargi leur portée et les espaces où elles fonctionnent. Ces résultats ont donc des implications sur les types de moyens et de pédagogies sur le lieu de travail qui peuvent le mieux soutenir l’apprentissage des professionnels dans le cadre des tâches quotidiennes. En conclusion, la professeure Choy souligne que la technologie devient le « re-calibrateur » du travail et nécessite un apprentissage auto-dirigé permanent avec un lien étroit sur l’activité réelle en pleine évolution. Malgré le fort risque d’isolement dû à la présence du numérique, le recours au collectif reste une priorité.

Lors de la discussion qui prolonge l’exposé, les principales questions issues de la salle portent sur le rapport au numérique, le choix des outils numériques pour se former et notamment l’IA, la question des rythmes (rapidité des changements et lenteur de la réflexion) ainsi que les niveaux de maitrise des outils de formation numériques.

La professeure Choy précise enfin que cette recherche pose sans toutefois y répondre, la question de l’accès aux outils numériques comme condition d’apprentissage des standards et de la connaissance. Il y a bien évidemment de nombreux enjeux autour de cela : la disponibilité, la maitrise, la qualité, etc... Elle observe que les boucles itératives ont leur importante dans l’organisation de ce type de contextes et ne doivent donc pas être minimisées. Elle souligne pour conclure que ce qui est intéressant dans les données de l’étude c’est de voir que la technologie dans le travail renforce de très nombreuses modalités de formation, notamment une forte articulation entre des temps individuels (« self-directed ») et des temps en collectifs permettant la confrontation, la prise de recul et les renforcements.

Conférence en anglais - résumé :

Digitalization in workplaces has intensified the necessity for professionals to learn fast to maintain pace with emerging technologies. However, their busy schedules and demands for swift delivery of services limits time to attend formal training. What and how they learn to function in digitized work contexts requires empirical data to inform the design of a curriculum to support professionals’ learning. This lecture elaborates on a research program conducted in Australia that investigates professional learning lives in the digital evolution of work. The research is based on a survey with education and health professionals to gather insights into what they are doing to learn and update their knowledge and skills in the use of digital technologies. The survey responses show that professionals were active consumers of technology for work and learning. They were using tools and software to enable their own or others’ learning, albeit giving priority to their own learning followed by connecting with and supporting their colleagues or others they engage with. A smaller group saw themselves as creators and curators of online content and resources. That is, they are able to manipulate digital technologies in different ways to provide more coordinated and holistic services. New technologies have also extended the scope and spaces where they work. The findings have implications for the kinds of affordances and workplace pedagogies that can best support professionals’ learning during everyday work tasks.

La conférencière :

SChoy_petit.jpgProfessor Sarojni Choy has expertise in vocational and continuing education with a strong record of leadership in research, teaching, management, industry engagement, and policy at National, State and Institutional levels. Her research focus includes workplace learning, practice-based learning, continuing education and training, integration of learning in different sites, and workforce development. She draws on how adults learn to develop their knowledge, skills and attributes for productive work, thereby contribute to personal, social and economic outcomes. These areas of interest have relevance to reforms relevant to contemporary industries and societies across the globe. Her research has strong implications for practice based and lifelong learning for workers to remain employed and employable in emerging economies. Prof. Choy’s leadership in research is demonstrated by a record of successful activities comprising academic publications, securing research funding, editorship of international journals, and developing novice researchers. She has successfully delivered a range of professional development programs to develop learning leaders locally, nationally and internationally.

 

28 juin 2024

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