Le Jeu, ses effets sur le développement psychologique et les apprentissages
Le numéro 165 (juin 2020) de la revue A.N.A.E consacre une dossier thématique au jeu. Pour plus d'informations cliquez ici.
Le jeu occupe une place importante dans la vie d’un enfant. Depuis plus d’un siècle, il est considéré comme la marque de l’enfance (Groos, 1899 ; Piaget, 1945 ; Vygotsky 1933/2016). Pour de nombreux chercheurs, en plus de favoriser son bien-être émotionnel, il permet à l’enfant de donner du sens au monde qui l’entoure, de créer de la connaissance et de développer avec des coûts minimes de nouvelles stratégies et de nouveaux comportements.
Or, au cours des dernières décennies, les conditions de vie socioculturelle des enfants ont considérablement changé, notamment à travers l’introduction précoce des nouvelles technologies de l’information, la diminution des interactions entre les enfants d’âges différents et l’augmentation du temps passé à réaliser des activités plus structurées après l’école au lieu de jouer librement dehors (Richard, Clerc-Georgy & Gentaz, 2019 ; Richard & Gentaz, 2019). De nouvelles recherches nécessitent d’être réalisées afin de mesurer les effets de ces transformations sociales sur le développement global de l’enfant et sur l’évolution du jeu en lui-même et plus spécifiquement de ses différentes formes..
De surcroît, certaines croyances relatives au jeu ont encore tendance à circuler dans la société de manière générale. En effet, pour certains jouer constitue une activité frivole. Le fait de s’adonner à ce type d’activité priverait alors l’enfant d’un véritable apprentissage. Pour d’autres, comme c’est le cas dans la pédagogie Montessori, le jeu et plus spécifiquement le jeu de faire semblant ne constituerait pas une activité susceptible de favoriser le développement de l’enfant (Lillard & Taggart, 2019).
Dans ce dossier thématique développé dans ce numéro de la revue A.N.A.E., le jeu et ses effets sur le développement et les apprentissages seront traités selon différentes perspectives afin de pouvoir, d’une part, affiner notre compréhension du jeu – ce phénomène complexe qui appelle des définitions multidimensionnelles – et, d’autre part, proposer aux praticiens professionnels de l’éducation et des apprentissages scolaires ainsi qu’aux psychologues des pistes concrètes pour favoriser le développement du jeu. Les jeux numériques ne seront pas abordés dans le cadre de ce numéro spécial et ce bien qu’actuellement ce type de jeu ainsi que l’exposition précoce aux écrans font l’objet de vifs débats dans le monde scientifique.
Ce numéro abordera le jeu en fonction de quatre grands axes : le jeu chez le tout-petit ; l’évolution du jeu au cours du développement selon les deux perspectives théoriques les plus connues, à savoir piagétienne et vygotskienne ; les effets du jeu de faire semblant sur l’apprentissage et le développement de l’imagination, des compétences socio-émotionnelles, des compétences mathématiques précoces ; les pratiques enseignantes relatives au soutien du langage oral et de l’émergence de l’écrit en situation de jeu de faire semblant ; et finalement le développement du jeu ainsi que son influence sur le développement global des enfants présentant un handicap sensoriel.
Enfin, pour conclure nous espérons que ce numéro thématique sur le jeu permettra aux professionnels de l’éducation et des apprentissages scolaires, ainsi qu’aux psychologues, d’une part de mieux comprendre les bienfaits du jeu pour les apprentissages fondateurs d’une scolarité réussie (apprentissages fondamentaux) et pour le développement cognitif, linguistique et socio-émotionnel de l’enfant, et d’autre part, de mieux saisir ou de prendre conscience de la nécessité de laisser du temps et un espace à l’enfant pour jouer librement avec un ou des partenaires sociaux, tout particulièrement dans la société actuelle qui tend de plus en plus à se digitaliser (« ère du numérique ») et ce dès le plus jeune âge.
Sylvie Richard, Édouard Gentaz
(Haute École Pédagogique du canton du Valais et Université de Genève)