10 ans de l’ISE
« Se former aux ODD : un défi à la fois crucial et complexe »
Le 27 septembre, l’Institut des Sciences de l’Environnement (ISE) de l’Université de Genève a fêté ses 10 ans. Dix ans pendant lesquels la notion de développement durable comme la nécessité de se former sur ces thématiques ont évolué de manière spectaculaire. Le rôle de la formation en matière d’environnement est aujourd’hui de donner sens à un assemblage de savoirs interdisciplinaires.
Brigitte Perrin, UNIGE
On entre dans l’Institut des Sciences de l’Environnement (ISE) comme dans une goutte d’eau: murs et ascenseurs sont transparents, la lumière s’y glisse avec malice et nous accompagne jusque dans le bureau de Géraldine Pflieger, directrice de l’Institut depuis 2017. La ferme poignée de main de cette experte renommée en gouvernance de l’eau et du sol, titulaire de la Chaire UNESCO en Hydropolitique de l’Université de Genève, donne le ton : la formation aux Sciences de l’environnement est tenue de main ferme à l’Université de Genève. Il le faut, car le temps presse.
Depuis 2009, quand l’ISE a été créépar le rectorat pour répondre aux grands défis environnementaux de notre époque, tant au plan de la recherche et de l’enseignement que du service à la Cité, l’institut a délivré plus de 240 diplômes de formation continue etprès de 400 Masters, a achevé plus de 60 projets de recherche et soutenu 58 doctorats.
Sélectionner le savoir, les données et les connaissances de manière intégrative
Pendant ce temps-là, le cadre des Objectifs de développement durable (ODD) était créé, négocié et adopté (il y a tout juste quatre ans)par les 193 pays membres des Nations Unies. « Le principal challenge de la formation aux ODD, c’est de pouvoir sélectionner le savoir, les données et les connaissances dans une approche intégrative, sans se noyer. Le champ de connaissance est tellement vaste que le maîtriser dans sa totalité est presque impossible car les acteurs qui doivent mettre en œuvre ces objectifs ne sont pas des super-ordinateurs », constate Géraldine Pflieger. Pour elle, dans un contexte académique, le fonctionnement en silo ne comporte pas que des risques : « Nous avons besoin des chercheurs dans leur silo, car ils travaillent dans la profondeur de leur domaine. C’est le rôle de l’Université d’avoir une recherche disciplinaire à la pointe, puis de donner sens à un assemblage de savoirs interdisciplinaires. »
La collaboration de l’ISE avec les organisations internationales à Genève fait partie de l’ADN de l’institut, et c’est par dizaines que des partenariats ont vu le jour au fil des ans avec le GRID, UN Environnement, l’OMM, la création du Geneva Water Hub, etc. Ces partenariats nourrissent bien sûr la recherche, mais également les formations initiales et continues de l’UNIGE, dans lesquelles les experts des deux mondes ont l’occasion de confronter leurs vues et pratiques.
« La multiplication des plateformes et interfaces de formation et de transfert de savoir autour des ODD nous obligera tous, collaborateurs des OI et chercheurs, à faire un tri. Car le temps à disposition est limité », remarque la professeure. Pour le futur, elle souligne la nécessité de produire un savoir qui réponde aux attentes du politique. Mais aussi de développer l’esprit critique et de repenser les politiques publiques de façon scientifiquement fondée, afin de contrer la désinformation sur les questions environnementales, tout comme leurs implications sociales. C’est le second défi que tente de relever l’Institut.
« La science comme les organisations internationales sont contestées »
« Aujourd’hui, la science tout comme les organisations internationales sont contestées, regrette Géraldine Pflieger. Nous vivons une époque conduite par une post-vérité où la limite entre le vrai et le faux est brouillée et où tout ce que font les institutions est interrogé. » La solution, pour l’ISE, pourrait bien être dans le lien avec la société civile. Il s’agirait de travailler sur plus de collaboration avec celle-ci, de créer des instruments de coproduction et de transfert réciproque du savoir entre la science et le politique. Des initiatives de ce type sont déjà en cours, comme l’initiative GE-En-Vie, un réseau thématique sur l'environnement regroupant l’État de Genève (DT), l’Université de Genève (ISE) et la HES-SO Genève (HEPIA), qui vise à développer un outil d'aide à la décision stratégique pour aider l'État dans sa mission de préservation et de gestion de l'environnement. « Des méthodologies poussées de collecte et d’analyse de données permettront de croiser les différentes dimensions des ODD et d’atteindre ces objectifs de manière simultanée, au lieu de vouloir ouvrir une boîte après l’autre », se réjouit la directrice.
La formation continue : raccourcir la boucle entre la science et la pratique
L’Université de Genève a intégré l’approche du développement durable très tôt avec la création d’un Certificat de formation continue (CAS) en développement durable il y a déjà plus de quinze ans, puis toute une série de formations continues diplômantes ou qualifiantes. Ces formations sont destinées à des praticiens et acteurs qui souhaitent s’ouvrir à des thématiques nouvelles, se spécialiser dans un domaine, élargir leur spectre disciplinaire ou simplement découvrir de nouveaux outils. Le portefeuille de formations continues de l’ISE colle à ses cinq thématiques de recherche : la biodiversité, le climat, l’eau, l’énergie, les villes et territoires. « Il s’agit de raccourcir la boucle de passage entre la science et la pratique, de rendre intelligibles les masses de données que l’on possède aujourd’hui, notammentparfois à l’aide du storytelling ».
Apprendre à divulguer le savoir à un public large, de manière didactique
« Notre grand défi pour demain, en tant qu’institution de formation, ce sera d’arriver à élever les consciences aux problématiques environnementales à l’échelle planétaire, pas seulement à Genève et dans son écosystème », relève GéaldinePflieger. « Pour ce faire, nos étudiants et chercheurs doivent apprendre à divulguer leur savoir de manière didactique afin d’éclairer et d’alimenter le débat au niveau mondial. » Pour cette spécialiste de la régulation des ressources naturelles partagées, il s’agira d’ici dix ans d’avoir créé les bons instruments de coproduction et de transfert du savoir entre la science et le politique. Ensuite, il faudra prendre en compte le nombre de personnes à former, qui va nécessairement augmenter, ici comme ailleurs. Enfin, le marché du travail seratoujours plus à la recherche de compétences dans ces domaines d’étude, car nous devrons résoudre de plus en plus de crises et de problèmes liés à notre environnement. Géraldine Pflieger compte beaucoup sur la formation à distance pour aller porter la connaissance vers les publics marginalisés, peu éduqués, et qui seront fortement impactés par le changement environnemental.
Voir aussi:
Les 10 ans de l'ISE - programme
Les formations continues de l'ISE
20 sept. 2019