Dix questions autour de l’archéologie classique
Le site d’Olympie se trouve dans le Péloponnèse dans la région de l’Élide. Il a été occupé de manière continue depuis le 3e millénaire av. J.-C. Les fouilles archéologiques attestent de l’existence d’un culte dédié à Zeus dès le 11e siècle av. J.-C. Le sanctuaire se développe en conséquence jusqu’en 776 av. J.-C., date à laquelle les premiers jeux panhelléniques furent organisés – la naissance des Jeux olympiques, célébrés tous les quatre ans. Des concours panhelléniques comprenant des épreuves gymniques et hippiques avaient également lieu tous les quatre ans à Delphes (les Pythia) et tous les trois ans à Isthmia près de Corinthe (les Ishtmia) et à Némée (les Néméa) dans le nord du Péloponnèse, ces derniers complétés par des épreuves musicales. À cause du lien très important entre les concours et le dieu Zeus, l’empereur chrétien Théodose Ier interdit en 394 après J.-C. les Jeux olympiques.
Reconstitution du sanctuaire de Zeus d’Olympie avec, dans le fonds, le stade.
© Archäologisches Museum der WWU Münster [CC BY-NC-SA]
Le Parthénon, érigé sur l’acropole d’Athènes de 447 à 438 av. J.-C. par les architectes Ictinos et Callicratès en marbre du mont Pentélique est sans aucun doute l’un des plus impressionnants bâtiments de la Grèce antique. Mesurant 69,51 sur 30,88 mètres et entouré de 17 sur 8 colonnes, le Parthénon hébergeait la statue de l’Athéna Parthénos, haute d’environ 12 mètres et faite en or et en ivoire. Malgré son apparence majestueuse, le Parthénon n’est pas un temple dans le sens propre du terme : il ne possédait pas d’autel ni un culte spécifique, et la statue de l’Athéna Parthénos n’était qu’un monument de prestige. Il faut comprendre le Parthénon comme un trésor monumental pour attester de la suprématie d’Athènes au 5e siècle av. J.-C., alors que le culte d’Athéna Polias, la déesse protectrice d’Athènes, avait lieu sur un grand autel aujourd’hui quasiment invisible et se trouvant à quelques pas au nord du Parthénon, en face de l’Erechthéion.
Vue de l’Acropole d’Athènes avec le Parthénon
© Photo Adam L. Clevenger [CC BY-SA 2.5]
Le « Cratère d’Euphronios », un grand vase pour mélanger du vin avec de l’eau lors du symposion, est l’un des chefs-d’œuvre du peintre et potier du même nom qui a œuvré à Athènes entre 520 et 470 av. J.-C. Le vase, créé vers 515 av. J.-C., fut acquis en 1972 pour un million de dollars par le Metropolitan Museum of Art à New York. Comme il avait été découvert dans une fouille illicite à Cerveteri en Étrurie, aujourd’hui la Toscane, et illégalement vendu, le musée l’a restitué à l’État italien en 2006, d’où vient qu’il est exposé aujourd’hui au Musée national étrusque de Villa Giulia à Rome. La plupart des vases grecs que nous admirons aujourd’hui dans les musées du monde entier furent en effet trouvés dans des tombes étrusques. Les Étrusques, un peuple qui habitait cette région de la péninsule italienne depuis la fin de l’âge du bronze jusqu’à leur conquête par les Romains au 3e siècle av. J.-C. achetaient un très grand nombre de vases peints en Grèce pour faire accompagner leurs morts dans leur voyage dans l’au-delà.
Cratère d'Euphronios
© Photo Ismoon [CC BY-SA 4.0]
Le « Colosse de Rhodes » était une statue du dieu solaire Hélios construite par le bronzier Charès de Lindos après la victoire des Rhodiens lors d’un siège de la ville par Démétrios de Macédoine en 304 av. J.-C. D’après les textes antiques qui nous en parlent, la statue dont la création prit 12 ans fut financée par la vente du matériel de siège que les Macédoniens avaient laissé sur place. Selon ces mêmes textes, la statue atteignait une hauteur de 70 coudées, soit environ 34 mètres, alors que les Rhodiens auraient souhaité d’abord une statue deux fois plus grande, ce que Charès refusa de faire. À ce jour, aucune trace de la statue qui fut détruite en 227 av. J.-C. lors d’un séisme n’a été découverte. Si l’on s’imagine souvent la statue avec les jambes écartées et les pieds posés sur les deux quais du port de Rhodes, il est clair qu’il s’agit là d’une pure fantaisie moderne. La reconstruction et l’emplacement précis du Colosse de Rhodes font par contre encore à ce jour l’objet d’un débat.
Le fait que le Phare d’Alexandrie, dont la construction commença sous le règne de Ptolémée Ier entre 299 et 289 av. J.-C., figure avec le Colosse de Rhodes sur la liste des sept merveilles du monde est un développement relativement tardif, sa première mention remontant seulement à Grégoire de Tours au 6e siècle après J.-C. L’image que nous nous faisons de cette immense tour destinée à guider les marins et d’une hauteur estimée de 135 mètres est surtout due à la reconstitution proposée par Hermann Thiersch en 1909. L’archéologue allemand se basait pour ce faire sur les restes archéologiques trouvés sur l’île de Pharos, sur des descriptions dans des textes arabes et sur des représentations du Phare d’Alexandrie sur des monnaies, mosaïques et autres objets antiques. De nouvelles recherches sous l’eau par l’archéologue français Jean-Yves Empereur ont permis de préciser quelques éléments du phare et de sa décoration sculptée, dont la visibilité devait, estime-t-on, s’étendre à environ 50 km.
Reconstitution du Phare d’Alexandrie
H. Thiersch, Pharos. Antike, Islam und Occident; ein Beitrag zur Architekturgeschichte, Berlin : Teubner, 1909, pl. 4.
« Les désastres de l’Antiquité font le bonheur des archéologues » – ce qui vaut en particulier pour la cité antique Pompéi, complètement ensevelie sous une couche de cendres volcaniques lors de l’éruption du Vésuve en 79 après J.-C. Découverte par hasard en 1748 et fouillée à partir du début du 19e siècle, la ville comptait dans l’Antiquité 20-25'000 habitants. À l’époque de sa disparition, Pompéi était une ville assez riche, mais d’une importance plutôt moyenne. Ses origines remontent au 8e siècle av. J.-C., mais son plus grand développement commence au début du 1er s. av. J.-C., lorsque la ville obtient le statut d’une colonie romaine. Sa prospérité reposait surtout sur l’agriculture et le commerce, ainsi que sur quelques produits artisanaux. Selon l’archéologue italien Amedeo Maiuri, la catastrophe de 79 nous permet d’avoir « la vision parfaite d’une ville entière dans laquelle la vie s’est arrêtée instantanément sous le coup d’un phénomène violent qui ne l’a cependant point détruite ».
Vue de Pompéi avec le Vésuve
© High Contrast [CC BY 2.0 de]
Avec un diamètre intérieur de 43,3 m, la coupole du Panthéon à Rome resta pendant environ 17 siècles la plus grande du monde entier. Le Temple de tous les dieux (signification de son nom en grec) et qui fut converti au 7e siècle en église, fut commencé selon des briques estampillées sous l’empereur Trajan (98-117) et complété sous son successeur Hadrien (117-138). Alors que les murs et piliers de la rotonde qui forment le corps du bâtiment sont construits en briques avec du béton romain (opus caementitium) coulé entre les parements, la coupole est constituée d’un béton allégé avec des briques cassées et de tuf. L’épaisseur de la coupole diminue de 5,90 m à la base jusqu’à 1,6 m seulement au niveau de l’oculus, une ouverture ronde d’un diamètre de 9 m. Cette dernière laisse d’une part entrer la lumière du jour et enlève d’autre part la pression verticale au centre de la coupole, le point le plus faible de la construction. La stabilité de la construction dont on ne peut qu’admirer l’ingéniosité est augmentée à l’extérieur par le poids des gradins qui entourent le pied de la coupole, alors que l’intérieur est soutenu par une grille de cinq rangs de caissons concentriques qui permettent en même temps de réduire le poids.
Coupe du Panthéon
© J. Ferguson, A History of Architecture in All Countries 3rd edition. Ed. R. Phené Spiers, F.S.A.. London, 1893. Vol. I, p. 320
Le buste en or qui fut découvert le 19 avril 1939 à Avenches, l’antique Aventicum, près du Sanctuaire du Cigognier est à ce jour le plus grand portrait en or conservé d’un empereur romain. Avec 1589,06 g, son poids correspond à quelques grammes près à 5 livres d’or romains. À cause de la barbe qui a été introduite par Hadrien (117-138), il doit s’agir d’un empereur du 2e siècle après J.-C. À l’origine identifié comme un portrait de l’empereur Antonin le Pieu (138-161), les détails du visage correspondent beaucoup mieux aux portraits sculptés dans le marbre de son successeur Marc Aurèle (161-180). Le portrait donne alors malgré quelques différences dans le détail une image de cet empereur et auteur de l’œuvre philosophique « Pensées pour moi-même ». Un buste similaire, également travaillé dans de l’or martelé et représentant cette fois l’empereur Septime Sévère (193-211) fut découvert en 1965 en Grèce du Nord. La fonction de ces bustes n’est pas tout à fait assurée, mais ils servaient probablement lors de processions militaires.
Buste en or de Marc Aurèle, Avenches, Musée romain (copie)
© Fanny Schertzer [CC BY-SA 3.0]
Quand on se balade dans le site archéologique sous la cathédrale Saint-Pierre à Genève, on est impressionné par la monumentalité des constructions. Mais en 121 av. J.-C., quand Genève devient un poste avancé au nord de la province romaine de la Gaule transalpine, il ne s’agissait que d’un assez modeste oppidum des Allobroges. Sous Jules César, la future perle du lac obtient le statut d’un bourg romain (vicus) pour passer vers la fin du 3e s. après J.-C. au statut d’une ville (civitas). Avec la fondation de la Colonia Iulia Equestris en 45 av. J.-C., le passage de Jules César a marqué bien plus le développement de Nyon : sous la vieille ville de Nyon se cache entre autres un forum monumental dont la basilique peut être visitée dans le Musée romain, et un système viaire orthogonal. À l’image d’une colonie romaine d’une certaine importance correspondent aussi l’amphithéâtre et un aqueduc dont les restes furent récemment découverts. De nombreuses inscriptions et statues attestent de la prospérité de la colonie qui vécut son déclin à partir de la fin du 3e s. après J.-C. À partir de ce moment, les habitants de Genève se rendirent à Nyon pour récupérer de grands blocs d’architecture afin d’aménager leur propre ville avec de grands bâtiments comme la cathédrale, à l’origine de la Genève actuelle.
Des découvertes de pièces de soie chinoise à Palmyre et à Doura Europos en Syrie attestent à partir du 1er s. après J.-C. des relations entre la Chine et l’Empire romain. Plusieurs textes chinois nous parlent en parallèle de la présence de quelques Romains, tout probablement de marchands précédant Marco Polo de 1200 ans, à la cour de Chine, dirigée de 221 av. jusqu’à 220 après J.-C. par la dynastie Han. Des fouilles archéologiques chinoises ont mis au jour quelques objets romains, surtout des verres soufflés, qui documentent, même si d’une manière encore limitée, l’échange économique entre les deux grands empires dominant une grande partie du monde antique. Mais les recherches auxquelles participe aussi l’Unité d’archéologie classique de l’Université de Genève n’en sont encore qu’à leur début et nos connaissances de la présence romaine en Chine restent pour l’instant très limitées.
Carte avec le tracé de la « Route de la soie » vers 300 avant J.-C. - 200 après J.-C. avec indication des sites qui ont livré du matériel romain.
(dessin : Lorenz E. Baumer, basé sur une carte sous licence Creative-Common)