Crise énergétique: comment assurer la durabilité de votre entreprise aujourd’hui et au-delà?
Ce n’est pas nouveau, les entreprises doivent sécuriser leur approvisionnement énergétique et réduire leur consommation, mais comment ? La question prend une importance radicalement différente aujourd’hui.
Depuis plusieurs années, tous les grands[1] consommateurs d’énergie doivent, au moins tous les dix ans, réaliser un audit énergétique et prendre des mesures d’efficacité. La législation énergétique en matière d’isolation et de production photovoltaïque, entre autres, s’est également renforcée partout en Suisse.
Mais la crise énergétique majeure que traverse l’Europe en 2022, et qui n’épargne pas la Suisse, modifie dans l’immédiat et probablement à jamais notre perception de l’énergie comme étant abondante et bon marché. L’énergie est au contraire rare et très chère : il est urgent de mieux la gérer. À ces égards, le Conseil fédéral suisse a pris le 31 août 2022 deux décisions majeures : un appel aux économies d’énergie et la mise en consultation des mesures prévues.
Appel aux économies d’énergies et mise en consultation des mesures prévues
Premièrement, il a lancé une campagne d’économies d’énergies d’ampleur inédite.
À la différence des campagnes conduites par le passé, cet « appel aux économies » est la première étape d’un plan d’urgence exceptionnel dont la mise en œuvre incombe à OSTRAL[2] pour ce qui est de l’approvisionnement électrique et à l’Organisation d'intervention en cas de crise (OIC)[3] pour ce qui est de l’approvisionnement en gaz. Ces deux instances ont été mises sur pied par le Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC) et le Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (DEFR) avec la collaboration de l’Association des Entreprises électriques Suisses (AES) et de l’Association Suisse de l’Industrie Gazière (ASIG) pour organiser l'approvisionnement en électricité et en gaz en cas de crise.
« L’énergie est limitée. Ne la gaspillons pas » est le principal message de cette campagne qui se déploie à l’échelle nationale. L’objectif ? Que les entreprises et citoyens prennent des mesures volontaires pour économiser l’énergie, et ainsi contribuer à ce que la Suisse ne se retrouve pas dans une situation de pénurie.
Cette première étape ouvre la voie aux trois suivantes, lesquelles pourraient être engagées si les facteurs de risque d’une pénurie se confirment à l’automne, à savoir :
- L’entrée en force d’ordonnances qui interdiront ou limiteront les utilisations de l’énergie considérées comme non essentielles (par exemple : les éclairages à but publicitaire, les escaliers roulants, les chauffages de confort à l’extérieur, l’obligation de limiter la température de chauffage dans les bâtiments publics ou les bureaux, etc.). La Confédération pourra également exiger des entreprises dotées d’installations biocombustibles de passer du gaz au mazout ;
- L’introduction de contingentements, c’est-à-dire l’obligation pour les grands consommateurs d’énergie de réduire leur consommation ;
- La mise en œuvre de délestages pour certains secteurs du territoire pendant plusieurs heures, avec une rotation entre les secteurs.
Figure 1 : Les quatre mesures incrémentales prévues par OSTRAL en fonction du risque de pénurie d’électricité.
Plus d’informations
Figure 2 : Extrait de la fiche d‘information « Les mesures en cas de pénurie de gaz: aperçu » du DEFR du 20/07/2022.
Plus d‘informations
Seconde décision majeure prise par le Conseil fédéral le 31 août dernier, la mise en consultation auprès des cantons, des associations et des milieux intéressés de deux projets d’ordonnance[4]. Ces ordonnances prévoient des restrictions et des interdictions d’utilisation ainsi qu’un contingentement de la consommation des installations monovalentes de gaz.
Adapter ses activités
Dans ces perspectives, les entreprises sont obligées d’anticiper comment elles devront adapter leurs activités : avec moins d’énergie à soutirer des réseaux de gaz et d’électricité (étape n°3 du contingentement), voire sans énergie à soutirer des réseaux de gaz et d’électricité (étape n°4 du délestage).
Pour les entreprises qui ont mis en place un système de management de l’énergie et qui ont anticipé ce risque, un plan d’urgence pourra être rapidement établi. En effet, grâce à l’analyse systématique des risques par rapport aux principaux usages énergétiques et à leur criticité, ces entreprises auront déjà prévu des solutions de secours ou de remplacement qui pourront être mises en œuvre. En outre, elles auront déjà analysé les potentiels d’économie d’énergie et planifié les actions à mettre en œuvre pour les concrétiser, et pourront le cas échéant décider d’avancer une partie des investissements qui étaient déjà planifiés. Enfin, une culture de la performance énergétique à tous les niveaux de l’entreprise étant déjà développée, celles-ci pourront s’appuyer sur la mobilisation de toutes les ressources disponibles pour économiser l’énergie.
Pour les autres, c’est dans l’urgence qu’il faudra mobiliser les ressources internes et faire appel à des spécialistes externes pour improviser des solutions tant que faire se peut pour limiter les impacts de ces restrictions. Passé ce cap viendra alors le temps d’en tirer les leçons et de mettre en place un système de management de l’énergie sur le long terme pour pouvoir aussi bien faire face efficacement aux situations de crise que maîtriser son approvisionnement et sa consommation d’énergie sur le long terme.
Une nécessité : développer des capacités d’action et d’engagement
Autant la nécessité de maîtriser l’énergie demeure pour certains comme un enjeu de second ordre, et ce malgré l’urgence climatique, autant chacun comprend maintenant, avec l’explosion des coûts et le risque de pénurie, l’urgence des économies d’énergie et du développement des énergies locales.
De manière plus large, le contexte actuel met en exergue l’exigence sociétale de la gestion de la transition énergétique, et en révèle également les opportunités. Au-delà de ce qui est devenu une évidence, s’engager dans l’amélioration énergétique nécessite des ressources et un engagement fort de la direction générale, car l’amélioration de la performance énergétique ne se fait pas en un jour ! C’est un processus par étape dans lequel l’entreprise monte en compétence(s) pour mieux connaître ses usages énergétiques et les moyens d’optimiser les consommations sans péjorer les activités principales de l’entreprise.
Les entreprises, si elles ne l’ont pas déjà fait, doivent donc s’équiper de processus décisionnels et opérationnels adaptés à cette nouvelle donne. Différentes stratégies sont possibles. Nombre d’entreprises sont déjà engagées dans des systèmes de management de la qualité (ISO 9001) et de l’environnement (ISO 14001). Le développement et le déploiement d’un système de management de l’énergie (ISO 50001), ou encore l’intégration des processus nécessaires afin de gérer l’énergie au niveau des investissements et au niveau opérationnel, présentent de nombreuses opportunités et leviers d’action qui participent à répondre aux enjeux actuels et futurs de la transition énergétique.
Pour tirer parti de l’évolution actuelle plutôt que de la subir et pour transformer les nouvelles contraintes en avantage concurrentiel, l'excellence énergétique fait partie des nouvelles priorités. Quelle que soit l’activité considérée, une gestion de l’énergie adéquate et intégrée à la stratégie de votre entreprise permet de sécuriser l’approvisionnement énergétique, d’en négocier les conditions et d’améliorer la performance et la durabilité des activités comme celles des investissements.
L’Université de Genève vous offre la possibilité, dès janvier 2023, de renforcer vos compétences en stratégie et management des énergies grâce au Certificat de formation continue (CAS) en stratégie et management des énergies.
Ce cursus intègre les évolutions majeures des conditions-cadres et vous permet de maîtriser les clefs d’une transition durable, notamment :
- Connaître et anticiper les changements légaux
- Développer la capacité d’engager son entreprise dans l’excellence énergétique, facteur de durabilité et de compétitivité, par la mise en place d’un système de management de l’énergie (le cours s’appuie sur la norme ISO 50001)
- Comprendre les enjeux énergétiques et CO2 en matière politique, technique et économique
- Identifier les risques et opportunités énergétiques et les intégrer à la stratégie d’entreprise, en particulier en situation de crise telle que celle vécue aujourd’hui
- Mettre en place une gestion efficace de l’énergie en complément des autres systèmes de management en vigueur
[1] D’une consommation annuelle en électricité supérieure à 0.5 GWh ou d’une consommation annuelle de chaleur supérieure à 5 GWh
[2] OSTRAL est l’organisation pour l’approvisionnement en électricité en cas de crise. Elle dépend de l’Approvisionnement économique du pays (Confédération) et devient active sur son ordre si une pénurie d’électricité survient. Plus d’informations
[3] Plus de détails sur https://kio.swiss/fr/