Se former en Leadership

Réhabilitons l’amour en milieu professionnel

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Contrairement à une fausse idée trop répandue, l’amour a une énorme place dans l’univers professionnel. Son influence sur la réussite est telle qu’il est grand temps de le réhabiliter.

Ma dernière chronique était consacrée aux « sales cons ». Même s’il y en a encore tristement beaucoup trop, ils ne représentent heureusement qu’une fraction des cadres. Celle qui se situe à un extrême du spectre des possibles.

À l’autre extrême se trouvent les cadres non seulement les plus efficaces mais surtout les plus vertueux. Ceux qui ont compris que « le secret le mieux gardé des dirigeants qui réussissent est l’amour : aimer diriger, aimer les personnes qui font le travail, aimer ce que leur organisation produit, et aimer ceux qui honorent l’organisation en utilisant ses produits et services », comme l’écrivent James Kouzes et Barry Posner dans leur livre The Leadership Challenge.

Il paraît évident que celui qui aime ses clients s’occupe mieux d’eux et que celui qui aime son produit saura mieux le mettre en valeur. Cela sous-tend toute la philosophie qui prône « le client au centre ». Bref, que du bon sens mais… combien de clients ont-ils le sentiment d’être aimés par leurs fournisseurs ?

Mais à quoi bon aimer les employés qui sont justement payés pour faire le travail trop ingrat, qu’on ne sait pas faire ou qu’on n’a pas le temps de faire soi-même ? La réponse est simple : parce que, contrairement à des robots ou à des machines, ils ont un cerveau et des sentiments. Un de ces sentiments est le désir de faire ou pas. Or il apparaît que désirer faire, autrement dit le niveau d’engagement, influence dramatiquement le résultat final. La productivité et les profits obtenus grâce à des collaborateurs engagés sont toujours plus élevés que ceux obtenus par des collaborateurs qui ne le sont pas.

Il faut aussi savoir que l’engagement est constitué de quatre composants :

  • la motivation intrinsèque
  • l’engagement pour la cause (comme soigner dans un hôpital),
  • l’engagement pour son employeur (comme la fierté et la satisfaction de travailler pour l’Université de Genève) et, enfin,
  • l’engagement suscité par son chef.

Des chercheurs ont montré que l’engagement suscité par le manager peut influencer jusqu’à 70% du niveau d’engagement total.

Il paraît, enfin, évident que si ces mêmes collaborateurs ont le sentiment que leur manager ne les aime pas, leur désir de s’investir sera nul. Ils feront le strict minimum. A quoi bon donner le meilleur d’eux-mêmes pour permettre au manager qui ne les aime pas de réussir à dépasser ses propres objectifs ?

A contrario, des collaborateurs qui ont le sentiment que leur manager les aime auront naturellement envie de s’investir pour lui faire plaisir et pour une réussite commune. Aimer ses collaborateurs est donc une nécessité incontournable qui va de pair avec la fonction d’encadrement. Ceux qui en sont incapables ne doivent pas être cadres.

Aimer diriger, enfin. Parce que le plaisir est contagieux. Un cadre qui n’aime pas son métier de direction ne saura pas transmettre le plaisir de bien faire à ses collaborateurs. Attention à ne pas confondre l’amour pour le produit (comme aimer les montres) avec l’amour du métier de cadre. Ce dernier n’est pas le même que celui d’expert. L’expert doit avoir la maîtrise technique. Le cadre, lui, doit diriger des gens et s’il n’aime pas diriger et interagir avec eux, il n’aime pas son métier de cadre. Aimer diriger et interagir pour une réussite commune est donc un prérequis de la fonction de cadre.

L’amour apparaît donc comme central dans la fonction de cadre. L’amour a ceci de commun avec la confiance qu’il ne se décrète pas, qu’il est difficile de le simuler dans la durée et, enfin, que l’affirmation de son existence ne dépend pas du cadre. Son existence dépend de la perception des autres. Pour savoir s’il est à sa place, le cadre n’a qu’à poser deux questions : « Avez-vous le sentiment que je vous aime ? » et « Est-ce que je vous donne l’envie de donner le meilleur de vous-mêmes ? » Le cadre qui hésite à les poser devrait démissionner ou prendre des cours de leadership…


Cet article a initialement été publié sur Le Temps le 28 mai 2020.