La bienveillance au travail : une mission impossible ?
La pratique du leadership équitable et bienveillant est un moyen de vitaminer sa carrière en retirant plus de satisfaction de son activité d’encadrement. Ce n’est toutefois pas si facile à mettre en œuvre.
Le leadership bienveillant est-il devenu tarte à la crème ? Depuis mon premier article « Plaidoyer pour un leadership bienveillant », paru en 2013 à un moment où personne ne parlait de bienveillance au travail, beaucoup se sont mis à prêcher ses vertus. S’il était si merveilleux, comment expliquer que, dans la vraie vie, sa mise en pratique soit si rare ?
La réponse à cette question tient à plusieurs raisons.
La bienveillance, c’est difficile
La bienveillance exige beaucoup plus d’efforts des dirigeant-es que la solution de facilité consistant à recourir à la pression ou à l’autorité hiérarchique. La bienveillance donne des résultats à moyen et long terme alors que presser le citron livre des résultats plus immédiats, même s’ils sont moins pérennes. Sa pratique n’est de surcroit ni visible, ni mesurée et encore moins valorisée dans les évaluations périodiques. L’absence de mécanisme pour faire respecter la bienveillance réduit enfin considérablement les incitatifs à la pratiquer. Conclusion : les leaders qui sont bienveillant-es le font surtout par conviction personnelle et non parce que leur institution l’exige.
L’ennui est que même chez celles et ceux qui veulent sincèrement être bienveillant-es, il y a beaucoup de maladresses qui aboutissent au résultat inverse de celui escompté : le/la manager pense être bienveillant-e et ses efforts maladroits son interprétés comme un manque de gentillesse ou même comme de la malveillance. Il ne suffit donc pas d’avoir des convictions personnelles et de vouloir, il faut aussi faire juste.
La confusion sémantique entre bienveillance et gentillesse est d’ailleurs une autre source de difficultés. La gentillesse vise à faire plaisir alors que la bienveillance consiste à faire les choses dans l’intérêt de l’autre. Comme ces deux concepts ne vont pas nécessairement de pair, il faut en comprendre les tenants et aboutissants. Pour être pérenne, la bienveillance doit de surcroit être équitablement proportionnée : sans cela, la bienveillance envers les employé-es devrait conduire à utiliser tous les profits de l’entreprise pour donner des bonus aux collaborateurs/trices qui en ont le plus besoin. Parce que ce n'est pas équitable pour les autres parties prenantes, ce n’est ni réaliste ni pérenne.
Dans ces conditions, il apparait évident que les prêches angéliques ne suffisent pas à influencer les pratiques managériales. La cause de la bienveillance dans les organisations est-elle perdue ou vouée à l’échec ? La réponse est heureusement un NON inconditionnel.
Difficile ne veut pas dire hors de votre portée
Pour passer du prêche à l’action, nous avons développé à l’Université de Genève le leadership équitable et bienveillant. Celui-ci prône un juste arbitrage entre la performance, l’équité et la bienveillance. Cet arbitrage permet de satisfaire l’exigence de performance sans sacrifier l’équité et la bienveillance. Il permet aussi d’éviter l’angélisme dans un monde irréaliste de béni-oui-oui ou de bisounours.
La boîte à outils du leadership équitable et bienveillant a été élaborée pour faire en sorte que la bienveillance soit au service de la réussite collective. Du fait qu’elle soutient la performance de manière visible, les actionnaires et la haute direction trouvent la bienveillance éminemment sympathique. Leur adhésion est en effet un facteur clé de succès pour institutionnaliser son déploiement.
La boîte à outils inclut les moyens de mesurer la mise en œuvre de la bienveillance au sein d’une organisation en identifiant le niveau de bienveillance perçue pour chaque cadre, ou même chaque collaborateur/trice. Cette mesure rend la bienveillance visible et… elle rend surtout l’absence de bienveillance encore plus visible.
Dans le Certificat de formation continue (CAS) en Responsible Leadership, nous enseignons ainsi aux managers qui veulent apprendre à concilier performance, équité et bienveillance une boîte à outils qui a fait ses preuves. Ils et elles peuvent donc l’appliquer immédiatement dans leur univers professionnel. Concilier ces trois impératifs leur permet de maximiser le niveau d’engagement de leurs équipes ainsi que d’attirer et retenir les talents. C’est une grande source de satisfaction personnelle. De plus, en ayant des équipes plus engagées et performantes, les cadres qui mettent en œuvre cette approche humaniste du leadership équitable et bienveillant profitent bien sûr d’un avantage concurrentiel évident pour l’évolution de leur carrière.