Bullshit job ou travail porteur de sens ?
Un travail porteur de sens est source d’épanouissement personnel alors qu’un « boulot à la con » représente une atteinte à la dignité des travailleuses et travailleurs. Pour l’éviter, les vrai-es leaders invitent leurs équipes à collectivement trouver du sens dans leur activité.
Les bullshiters – en français, les baratineurs – sont connus pour être pénibles. Mais il y a pire : Ce sont les bullshit jobs (traduction officielle : « boulots à la con »), qui sont des emplois dépourvus de sens. David Graeber, inventeur de l’expression, les définit comme « un boulot si inutile, absurde, voire néfaste, que même le salarié ne peut en justifier l’existence, bien que le ‘contrat’ avec son employeur l’oblige à prétendre qu’il existe une utilité à son travail ».
On pourrait imaginer qu’il s’agit d’un phénomène marginal, mais la réalité est affligeante : un sondage a révélé que 40% des Néerlandais et Néerlandaises considèrent que leur travail n’a pas de raison d’exister. Il est de même pour 37% des Britanniques qui perçoivent leur emploi comme un bullshit job. Cela fait quand même beaucoup de personnes qui ne retirent aucune gratification psychologique de leur travail. Cela fait aussi beaucoup de candidates et candidats au boreout qui est une forme d’autodestruction par l’ennui.
Même sans aller jusqu’au boreout, consacrer près de huit heures par jour à faire un travail dépourvu de sens aboutit de toute façon à dévitaliser son existence. Ce gaspillage correspond à la moitié du temps d’éveil : une heure sur deux qui est jetée par la fenêtre. En réalité, c’est une atteinte à la dignité des travailleuses et des travailleurs. C’est tellement avilissant que même la Bible[1] interdit de faire un travail qui n’a pas de sens. Celle-ci ayant été écrite par les Hébreux il y a quelques milliers d’années, il apparait que le problème n’est pas nouveau, mais qu’il est suffisamment important pour faire l’objet d’une interdiction formelle.
Bien comprendre la finalité, c’est donner du sens
Pour éviter ces activités dépourvues de sens pour celles et ceux qui les font, la solution est « simple » : Il suffit d’expliciter la finalité de l’activité considérée. Si la finalité n’est pas bien comprise, il est difficile d’y trouver du sens.
Les équipes sont généralement au clair sur ce qu’elles font, mais elles sont beaucoup plus rarement d’accord sur la finalité de leur activité ou le but à atteindre. Il y a d’ailleurs peu de managers qui prennent le temps de réfléchir avec leur équipe à la raison d’être de ce qu’ils font ensemble. Se mettre d’accord sur la finalité conduit à clarifier le sens. Quand une activité est porteuse de sens, elle aboutit à augmenter le niveau d’engagement des membres de l’équipe. Qui dit engagement accru, dit plus grande performance.
Prenons l’exemple de l’équipe qui a pour responsabilité de vendre de l’espace publicitaire aux annonceurs du journal qui l’emploie. Plusieurs finalités pourraient être envisagées, comme :
- vendre le maximum d’espace aux annonceurs ;
- faire gagner le plus possible d’argent au journal ;
- permettre aux annonceurs de mieux communiquer ;
- permettre un accès à l’information véhiculée par le journal à un prix de journal plus avantageux grâce aux revenus des annonceurs qui couvrent une partie des frais d’exploitation.
L’équipe du New York Times qui avait engagé le débat sur cette question a finalement retenu une cinquième finalité : « préserver les emplois de nos collègues en vendant de l’espace publicitaire aux annonceurs ».
Aucune finalité n’est meilleure que les autres. Chaque équipe doit choisir ce qui est porteur de sens pour elle. C’est la raison pour laquelle l’enseignement du Certificat de formation continue en Responsible Leadership et du Diplôme de formation continue en Entrepreneurial Leadership de l’Université de Genève préconise de co-définir la finalité avec l’équipe au lieu que ce soit le ou la manager qui impose la sienne.
Pour conclure, un dernier exemple de raison d’être mal comprise est celui des ressources humaines dans les organisations. Il est rarissime que les cadres RH puissent exprimer une finalité qui soit porteuse de sens aussi bien pour la direction que pour le personnel. Un article paru dans Harvard Business Review France a relevé le défi avec des remises en question qui ont permis de proposer une finalité des RH qui non seulement convient à toutes et tous, et qui surtout valorise leur activité. La réflexion autour de la finalité est justement une des multiples remises en question auxquelles les participantes et participants aux formations susmentionnées sont exposé-es.
[1] Ancien testament