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Pour une politique solaire éclairée à Genève

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Par deux fois au moins la Justice a désavoué l'État sur sa politique en matière d'énergie solaire. Les conditions-cadre peuvent et doivent être améliorées avec le concours des milieux professionnels de la construction et en restaurant un lien de confiance.


Un juste milieu difficile à trouver

Il y a 8 ans, le Canton de Genève n'en faisait pas assez pour l'énergie solaire dans les zones protégées (voir l’article de la Tribune de Genève, 05.04.2012, accès réservé aux abonné-es). Dans l'arrêt ACST/16/2020 du 19 juin 2020, la Chambre constitutionnelle de la Cour de Justice a estimé que le canton en faisait trop ou plutôt que le canton le faisait mal si on lit bien l'arrêt. La Cour a obligé le Conseil d'État à annuler sa modification du 5 juin 2019 de l'article 12P du règlement d'application de la loi sur l'énergie, ladite modification obligeant tout propriétaire de bâtiment neuf ou de bâtiment dont la toiture est rénovée à installer des capteurs solaires thermiques même si par ailleurs le bâtiment est alimenté par d'autres sources d'énergie renouvelable.

La Chambre constitutionnelle a motivé sa décision par le fait que la loi sur l'énergie en vigueur prévoit justement une exception à l'obligation d'installer des capteurs solaires thermiques dans le cas particulier, notamment, où d'autres sources d'énergie renouvelable sont utilisées. S'il faut constater que la Chambre constitutionnelle n'a eu besoin que d'un seul argument de fond purement juridique pour désavouer l'État (primauté d'une loi sur un règlement – une évidence), il reste que le positionnement du canton sur l'énergie solaire soulève deux questions de fond en matière de politique énergétique :

  • L'une sur la pertinence des instruments de politique énergétique à développer : obligation de moyens ou obligation de résultats ?
  • L'autre sur la pertinence de la vision stratégique du canton quant au développement de l'énergie solaire.


Les deux questions sont liées dans la mesure où, s'il est choisi d'imposer un « moyen » (ici : le solaire thermique) pour atteindre un résultat (ici : une contribution à la transition énergétique), alors ce moyen doit être défini en ayant une vision adéquate de sa pertinence sur la durée ainsi qu'une vision qualifiée de son champ d'application ainsi que du champ des exceptions à prévoir.

En l'occurrence, la décision de modifier le règlement en juin 2019 démontre que le canton n'a pas estimé à sa juste valeur les limites du solaire thermique ni le potentiel du solaire photovoltaïque. Faute de cet éclairage, le maintien de l'exigence des capteurs solaires sans permettre d'alternatives va à l'encontre des objectifs de politique énergétique.

 

Quand le photovoltaïque s’impose tout seul

Les données de l’Office fédéral des statistiques montrent qu’en dix ans le développement du photovoltaïque s’est accéléré, quand bien même il a connu des phases de stop-and-go, tandis que celui du solaire thermique est quasi au point mort.

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Il est acquis que les capteurs thermiques deviennent toujours plus chers que les panneaux photovoltaïques à la fois par m2 et par unité d'énergie produite. Leur exploitation est en outre beaucoup moins maîtrisable et maîtrisée. Enfin, ils ont un défaut structurel majeur : ils produisent de l'énergie sous une forme dégradée qui est difficilement stockable et transportable, à savoir sous forme de chaleur. Si les utilisateurs d'un bâtiment équipé en capteurs solaires sont absents (typiquement en été pendant les vacances) alors l'énergie solaire captée est perdue. Sa mise en œuvre est affaire de spécialistes dans le cadre d'un concept énergétique global où il a du sens, par exemple pour recharger le sous-sol faisant office de stockage saisonnier pour du chauffage en hiver par une pompe à chaleur géothermique (concept 2SOL) ou d'autres concepts du type IceSol.

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Synoptique du système 2SOL - https://www.2sol.ch/fr/systeme


Imposer le solaire thermique sans tenir compte du contexte n'a aucun sens et c'est bien pour cette raison que la loi permettait le recours à d'autres sources d'énergie renouvelable, l'objectif étant le recours aux énergies renouvelables et pas nécessairement la mise en œuvre de capteurs thermiques. Bien qu'historiquement les capteurs solaires thermiques aient joué un rôle important et qu'ils puissent encore être intégrés à des concepts performants, leur champ d'application est plus réduit qu'il n'y parait et les conditions pour leur exploitation optimale sont difficiles à réunir.

C'est tout le contraire pour le photovoltaïque depuis l'entrée en vigueur le 1er janvier 2018 des modifications apportées à la loi fédérale sur l'énergie. L'électricité autoproduite peut dorénavant être consommée de façon optimale pour couvrir les besoins d'électricité des communs d'immeuble et des occupants fédérés sous la forme d'une communauté d’auto consommation ou sous celle d'un regroupement de consommation propre. Si les occupants sont absents ou bien s'ils consomment peu au moment où les panneaux produisent beaucoup, l'électricité autoproduite en excès peut toujours être réinjectée sur le réseau où elle est valorisée auprès d'autres consommateurs. À court terme, il sera abordable de stocker l'électricité produite, soit sur place (dans les batteries dédiées ou dans celles des véhicules électriques en recharge au parking) soit dans des installations de quartier mutualisées.

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 © Prix solaire suisse 2016


Entre désir et réalité

A ce jour, l'article 12P du règlement d'application de la loi sur l'énergie a été, suite à l'arbitrage de la Chambre constitutionnelle, remodifié par le Conseil d'État. Mais une insécurité juridique demeure, car l'article 12P n'est pas revenu à son état initial : ont été biffées toutes les prescriptions qui permettaient explicitement le recours à d'autres ressources énergétiques renouvelables que la chaleur produite par des capteurs solaires thermiques. L'article 12B n'a pas été modifié en revanche bien que sa teneur mentionne toujours l'obligation du solaire thermique, sans mentionner l'exception possible que permet l'article 12P.

L'article 12B du règlement est un autre exemple où l'obligation de moyens ne s'ancre pas dans la réalité et où le fait de ne pas prévoir d'emblée des mesures transitoires ou de remplacement ne permet pas une application efficace pour l'atteinte des objectifs visés. Pour mémoire, l'article 12B oblige tout propriétaire de bâtiment neuf à installer une puissance photovoltaïque de 10 W/m2 chauffé. En réalité, cette exigence est souvent inapplicable faute de surface suffisante pour implanter des panneaux photovoltaïques, ce qui est particulièrement critique pour les bâtiments de grande hauteur qui présentent nécessairement un ratio de surface moins favorable. Cette situation de flou sur le réel degré d'exigence à atteindre crée en pratique une insécurité juridique pour tout investisseur.

Ce flou n'existerait pas si le canton de Genève s'était appuyé sur le modèle de prescriptions énergétiques des cantons (MoPEC), lequel prévoyait, d'une part d'imposer au maximum 30 kWc pour la puissance installée, d'autre part la possibilité de payer une taxe de compensation en cas de non-respect de l'exigence fixée.

Il faudrait aussi accompagner l'obligation du photovoltaïque d'actions massives pour promouvoir et soutenir le régime du RCP (regroupement de consommation propre) qui est le plus favorable à l'investissement. Cela n'a pas été fait et les investisseurs sont hésitants, ce qui explique le petit nombre de projets à Genève en comparaison à d'autres cantons.

C’est une question de confiance, car la technique est éprouvée et le financement peut même être externalisé par un contracting ou un CPE au meilleur prix via un appel d’offres.

Fin 2019, une analyse du parc photovoltaïque installé a été réalisée par WWF et SEP à partir des données de Pronovo qui est l'organisme de certification accrédité pour la saisie de garanties d'origine (GO) et le traitement des programmes d'encouragement de la Confédération concernant les énergies renouvelables. La puissance installée a été comparée au potentiel de surfaces exploitables, celles-ci étant définies comme bénéficiant d’un bon ensoleillement et d’un tenant minimum de 10 m2. Selon cette analyse, le canton de Genève se classe ainsi 18ème sur 26 cantons pour ce qui est du taux d’utilisation du potentiel de production photovoltaïque disponible.

 

Un dialogue nécessaire

Le recours à l’encontre de la modification règlementaire du Conseil d’État de juin 2019 témoigne également d’une consultation des milieux professionnels qui n'a pas été suffisante.

Les professionnels de la construction connaissent mieux la réalité technique et financière du terrain que les fonctionnaires de l'administration et ils peuvent être une force de proposition si le canton leur en donne les moyens. Tout projet substantiel de changement réglementaire devrait faire l'objet d'études conduites par les autorités en partenariat avec les milieux professionnels, pour en démontrer la faisabilité technico-économique.

Il est donc essentiel que le choix des instruments de la politique solaire du canton soit discuté avec les milieux professionnels dans un esprit de partenariat pour éviter tout nouveau recours. La mise en œuvre des instruments retenus pour la politique solaire du canton doit également pouvoir se faire dans la confiance.

À cet égard, il n'est pas heureux que les Services industriels de Genève (SIG) aient rompu unilatéralement les contrats de rachat du photovoltaïque sous le régime de la rétribution à prix coûtant qui étaient supposés courir 20 ans, comme le rapporte l'article publié en janvier 2020 par la Tribune de Genève. Ces contrats s'appuyaient sur une base légale cantonale votée par le Parlement sur la demande du Conseil d'État, lequel avait souhaité que les SIG pallient la liste d'attente chez Swissgrid (remplacé par Pronovo aujourd'hui), cette liste d'attente retardant l'engagement des petits propriétaires qui souhaitaient installer des panneaux photovoltaïques sur leurs toits.

Les SIG ont certainement gagné un peu d'argent en rompant ces contrats, les petits propriétaires en ont perdu relativement beaucoup à coup sûr. Mais cette décision des SIG a eu un coût beaucoup plus élevé : elle impacte le contrat de confiance avec SIG voire avec les autorités qui conduisent la politique énergétique cantonale. Il appartiendra à la future directrice générale / au futur directeur général de l'Office cantonal de l’énergie (OCEN), en cours de recrutement, de faire mieux valoir les intérêts de la politique énergétique cantonale et de la population avant ceux d'une entreprise, fût-elle une régie publique.

La publication prochaine du plan directeur de l’énergie devrait apporter une réponse claire sur le positionnement du canton sur la politique solaire qu'il entend développer. Espérons que ce plan ramènera le solaire thermique à sa juste place et qu'il permettra au solaire photovoltaïque de décoller.

 

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