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Des économistes de la GSEM analysent les effets du commerce international sur l'emploi

La croissance des échanges génère une expansion économique, mais peut aussi s’accompagner d’une hausse du chômage de longue durée selon les secteurs d’activité qui se développent, soulignent des économistes de l’UNIGE.

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«L’impact du commerce international sur l’emploi dépend des secteurs dans lesquels l’économie va se spécialiser», souligne Marcelo Olarreaga, professeur et doyen de la Faculté d’économie et de management de l’UNIGE. 

Quel est l’impact de l’intensification du commerce international sur le marché de l’emploi? La question est au cœur de nombreux débats politiques, mais elle est longtemps restée absente des manuels d’économie internationale. L’impact économique semble en fait évident: le développement du commerce international entraîne une expansion économique qui à son tour génère des emplois. La question - centrale en politique – était considérée comme secondaire dans la théorie économique jusqu’à récemment. Une équipe d’économistes de l’Université de Genève (UNIGE) s’est attelée à démonter ce paradoxe, en collaboration avec un chercheur de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED). Leur recherche, publiée dans European Economic Review, montre que l’effet du commerce international sur l’emploi varie fortement d’un pays à l’autre, selon leurs domaines de spécialisation. Il y a des gagnants, à l’image de la Suisse, mais aussi des perdants.

«L’ouverture  au commerce international a deux effets distincts sur le marché du travail:  un effet d’expansion - impact positif sur le revenu et sur la création d’emplois de manière globale -, et un effet de réallocation du travail,  des secteurs en difficulté face à la concurrence internationale vers les domaines de spécialisation de chaque économie», explique Marcelo Olarreaga, professeur à l’Institute of Economics and Econometrics de la Faculté d’économie et de management (GSEM) de l’UNIGE. Le développement du commerce extérieur entraîne donc la spécialisation des économies et son impact sur l’emploi dépendra des secteurs dans lesquels chaque pays va se spécialiser.

Les caractéristiques du marché de l’emploi diffèrent en effet d’une branche à l’autre de l’économie. Dans certains secteurs, l’automobile ou la métallurgie par exemple, il est moins fluide et un chômage de longue durée peut se développer. Dans d’autres, comme celui des équipements de communication, de télévision ou de radio ou encore celui des instruments médicaux, les postes sont plus rapidement pourvus. Le pays peut donc enregistrer un gain net d’emplois si ces derniers secteurs se développent au détriment de ceux ayant un marché du travail moins fluide.

 

L’économie de 107 pays sous la loupe

Pour mesurer la corrélation entre commerce et chômage, les économistes ont scruté les données de 107 pays sur une période de 14 ans, de 1995 à 2009. «Notre analyse montre que l’impact varie selon le domaine de spécialisation de chaque pays. Pour mettre cela en évidence, nous avons reconstitué le taux de chômage par secteur pour toutes ces économies, et l’avons croisé avec les données du commerce extérieur par produits», détaille Céline Carrère, professeure à l’Institute of Economics and Econometrics de la GSEM.

«Il y a ainsi des gagnants et des perdants de la globalisation en termes de chômage», souligne Frédéric Robert-Nicoud, professeur à l’Institute of Economics and Econometrics de la GSEM de l’UNIGE. Si la Suisse, le Danemark ou Singapour, par exemple, tirent leur épingle du jeu, d’autre Etats comme le Brésil, le Chili ou la Pologne présentent au contraire des taux de chômage pouvant s’accroître avec la libéralisation des échanges. Le développement du commerce extérieur du Brésil, par exemple, a notamment profité à des secteurs tels que la fabrication de papier, ou le secteur de l’alimentation et du tabac pour lesquels ce pays présente un avantage comparatif. Or, ces domaines d’activités sont caractérisés par un marché de l’emploi peu fluide, entraînant donc une hausse potentielle du taux de chômage du fait de l’ouverture au commerce. Les flux commerciaux ne sont évidemment pas les seuls facteurs en cause, mais l’étude montre que le commerce peut être source de chômage à long terme.

 

Un impact positif pour la Suisse

La Suisse, profitant du l’expansion de secteurs d’activités tels que celui des instruments médicaux, d’optiques et de précision, pour lesquels elle est compétitive et qui profitent d’un marché du travail avec peu de frictions, a vu au contraire son taux d’emploi soutenu à mesure que croissait son commerce international.

Ainsi, même si le commerce international s’avère globalement profitable pour une économie, il peut générer des inéquités qui posent donc la question de la redistribution. «Le commerce peut jouer un rôle important en aidant les pays à atteindre les objectifs de développement durable, mais il faut bien prendre en compte les effets complexes de la politique commerciale sur l’emploi», souligne Marco Fugazza, économiste de la CNUCED. L’étude a d’ailleurs aidé à la réalisation par la CNUCED d’un guide pour les décideurs politiques pour l’élaboration de politiques commerciales plus orientées sur le objectifs du développement durable.

22 juillet 2020
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