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ARCHEO-POL

Une archéologie des discours politiques réformés (XVIe siècle).
Des sources à la loupe. La Bibliothèque des Monarchomaques.

 

Projet FNS 2024-2028, sous la direction de Paul-Alexis Mellet

 

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Dans son ouvrage de 2013 sur le Pouvoir absolu, l’historienne Arlette Jouanna s’interrogeait avec perplexité sur l’étrangeté de la Renaissance : « comment retrouver un monde aujourd’hui si lointain ? ». Mais elle répondait immédiatement avec enthousiasme : l’entreprise vaut la peine d’être menée, car « c’est de la réflexion des penseurs d’autrefois que sont nés des concepts qui perdurent au coeur de la pensée politique : la souveraineté, l’Etat, le droit de résistance, la liberté des individus ». Or, ce sont précisément ces mêmes concepts, issus de l’Antiquité et du Moyen-Age, qui ont été exhumés, actualisés et articulés, dans le contexte européen des guerres de religion en Europe au XVIè siècle, pour constituer la théorie dite « monarchomaque ». L’idée d’une résistance armée légitime au nom des libertés publiques a ensuite connu une grande postérité, par exemple chez Hobbes et Rousseau, dans les révolutions anglaise, américaine et française, et jusque dans les mouvements de protestation en Europe et aux Etats-Unis en 1968. Mais d’où vient-elle exactement ? Comment s’est-elle constituée ?

L’objectif de ce projet de recherche est de se concentrer sur les sources de ces concepts, et renouveler la compréhension des Monarchomaques, ces juristes et théologiens calvinistes de la fin du XVIè siècle qui ont justifié la résistance armée. Alors qu’ils sont bien connus aujourd’hui, de nombreuses zones d’ombre subsistent : liste précise des ouvrages et de leurs rééditions, réponses critiques, influences et surtout sources et références. Il s’agit donc d’offrir des analyses transversales de textes souvent étudiés séparément, tout en adoptant une méthode originale : l’étude des sources dont ils se sont inspirés. Quelles étaient leurs formations et leurs lectures ? Quelles interprétations faisaient-ils de la Bible, des philosophes de l’Antiquité, des juristes médiévaux ou des historiens qui les ont précédés ? Quelles influences ces pratiques intellectuelles et éditoriales ont-elles suscitées ? Pour eux, le précédent historique ne rendait pas seulement possible une forme institutionnelle du passé, il la rendait réelle en montrant qu’elle a déjà existé (Grafton et Schwab 2022).

Mais il fallait encore que ces cas anciens puissent être érigés en modèles exemplaires pour le présent ou l’avenir (Hampton 1990 ; Giavarini 2008). Le système repose donc sur une véritable « théorie des sources », de leur nature (lesquelles ?) et de leur fonction (quels modèles pour l’avenir ?). Ce sont ces sources, parfois communes aux catholiques et aux protestants (Frank 2023), qui ont fait l’objet de grandes controverses pendant les guerres de religion. Ce sont ces sources, finalement, qui ont dessiné les contours d’une méthode polémique, l’ « exigence critique dans la parole pamphlétaire » (Christin 2014), qui s’est imposée jusqu’à aujourd’hui. Le projet propose ainsi de relire les traités monarchomaques à partir des sources sur lesquelles ils s’appuient. Pour mener à bien ce projet portant sur un corpus de recherche redéfini et enrichi, nous proposons de recourir aux outils numériques qui permettront de rechercher ces sources, de les comparer entre les textes, de mesurer leur impact et leur réception dans d’autres textes et d’autres contextes, notamment pour les critiques qu’ils ont reçues. D’un point de vue épistémologique, l’analyse computationnelle fournit en effet des outils permettant des recherches dans des corpus élargis.

 

Équipe de recherche :

Lorenzo Paoli, post-doctorant
Alyzé Bianco, doctorante
Nicolas Champeaux, doctorant

Collaboration scientifique :
Simon Gabay (DH, UNIGE)