Projets

Penser (par) la voix

Fiche de Projet
Réalisé par : Noemi Michel
Contact : noemi.michel@unige.ch
Cours : Théories critiques de la «race» et de la postcolonialité
Cursus : Master
Nombre d'étudiant-es : 25-50
Innovations utilisées :
Faire réaliser une vidéo, un podcast
Problématique :
Faire créer
Faculté : SDS
Description du Projet
Situation de départ

Le séminaire de master de « théories critiques de la "race" et de la postcolonialité » complète l'offre existante en théorie politique, en se focalisant sur les approches critiques non-eurocentrées. Cet enseignement unique en Suisse romande sur ces thématiques et approches a été suivi par des étudiant-es de toute la Suisse romande depuis son lancement en 2016.

A l'origine, le dispositif pédagogique de ce séminaire s'organisait autour d'un fil rouge conceptuel autour des concepts de « pouvoir » et de « sujet ». Des présentations et discussions de textes théoriques, répartis en chapitres thématiques, aboutissaient à la rédaction d'essais écrits permettant d'évaluer les acquis. Ce dispositif plutôt traditionnel n’encourageait pas suffisamment la réflexivité des apprenant-es. A partir de l’automne 2020, l’enseignante a réorienté le séminaire autour du fil rouge de la « voix » autant sur le fond que sur la forme.


Mise en place et déroulement du projet

Le nouveau dispositif pédagogique mis en place fait résonner la matière théorique du séminaire (que l’enseignante conceptualise par la notion de la « politique de la voix ») avec différentes formes et espaces de production de savoir. Le séminaire de 6 crédits ECTS se déroule sur un semestre à une fréquence de 2h par semaine. Un complément d’études de 2h supplémentaires une semaine sur deux propose une série d’ateliers soit d’écriture, soit de travail autour du son.

Du point de vue du fond, la voix constitue un concept central aux théories enseignées, venant questionner comment et pourquoi certaines voix comptent moins dans les collectivités politiques et académiques marquées par la race et la (post)colonialité. La voix est également l'outil central que les étudiant-es sont appelé-es à exercer par le biais de multiples moments d'interaction qui se concrétisent par la création, en petits groupes de 3 à 4, d'un essai audio d'une dizaine de minutes.

Durant les ateliers, l’enseignante fait exercer la voix dans l’interactivité. Les étudiant-es doivent créer des groupes de travail en prenant en charge la présentation d’un corpus théorique. Chaque groupe doit faire une présentation orale durant une séance. De plus, chaque semaine, chaque étudiant-e poste sur Moodle une question sur les textes ou les supports audio-visuels mis à disposition par l’enseignante, afin que la question soit discutée dans la séance à venir.

Pour permettre aux étudiant-es de théoriser par la voix, de petits groupes sont formés et évalués sur l’élaboration d'un essai audio de type podcast qui se base sur et prolonge la présentation orale réalisée durant le séminaire. Chaque groupe produit un scénario du podcast et restitue une première version lors d’un colloque dédié. Ce colloque d’écoute privilégie l’encadrement par les pairs. Chaque groupe est assigné à produire un retour critique sur un essai de leurs collègues, ce qui leur permet d’exercer en pratique leur réflexivité. Pour réaliser ce travail, l’enseignante délivre au préalable un guide précis pour la création des podcasts.

Des séances sont consacrées à la rédaction du scénario, à l’enregistrement des voix et au montage du podcast avec un logiciel open source (Audacity). Ces séances sont menées par des intervenant-es externes (notamment par une productrice/réalisatrice d'une émission radio indépendante et par un artiste producteur de son ou encore par une rappeuse et un comédien pour l’enjeu de la pose de voix). L’enseignante et les intervenant-es externes aident à améliorer le travail des étudiant-es et donnent des conseils. Les étudiant-es utilisent leur propre matériel, l’idée étant de valoriser des formes d’apprentissage moins institutionnelles, qui suivent l’esprit du « Do it yourself » ou de la pédagogie populaire. Il s’agit aussi de montrer qu’il est possible de faire de la qualité avec peu de moyen.

L’ensemble des feedbacks permet aux groupes de créer une version finale de leur podcast. Ce podcast est accompagné d'un dossier de présentation et donne lieu à une évaluation finale qualitative (Oui/Non) détaillée dans une grille d'évaluation. Cette évaluation objective des acquis pousse les étudiant-es à mettre concrètement en pratique les enjeux soulevés par les théories du séminaire.

Le corpus de textes théoriques obligatoires est diversifié grâce à l'inclusion de supports « non académique » (podcast, musique, vidéos, extraits de films) ; corpus que les étudiant-es sont invité-es à enrichir par le biais d'un forum prévu à cet effet sur Moodle. Les textes obligatoires sont disponibles pour les étudiant-es, mais aussi pour le grand public sous forme de brochures à prix libre grâce à un partenariat avec la librairie autonome La Dispersion, ce qui permet de faire circuler ce savoir issu des résistances de groupes oppressés et sous-représentés à l’Université en dehors de ses murs. Enfin, les savoirs produits durant le séminaire sont diffusés sur la radio online Radio 40 accessibles gratuitement à tout public intéressé.


Retour et conseils sur la mise en place d'un tel projet

Pour l’enseignante, il est important de garder une résonnance entre le fond et la forme. Ainsi, selon la thématique, les partenaires et les intervenant-es externes peuvent changer si la thématique évolue. Les médias utilisés sont aussi susceptibles de changer. Ce qui compte, c’est que les supports soient au service de la thématique abordée.

Afin de mieux préparer les étudiant-es à la difficulté du contenu, qui n’est pas toujours populaire, sur leur capacité à théoriser et sur la manière de travailler, l’enseignante a étoffé le cadrage des différents étapes et atelier lors de l’édition 2021. Malgré les connaissances souvent limitées des étudiant-es vis-à-vis du corpus enseigné, l’enseignante a pu observer l’apprentissage des étudiant-es en partie sur leur capacité à problématiser la théorie et à poser des questions de plus en plus précises et construites au fur et à mesure du cours. L’enseignante met également un point d’honneur à encourager les étudiant-es à réfléchir aux compétences qu’ils/elles ont déjà (en dehors du cadre universitaire notamment) mais aussi aux expériences qu’ils/elles peuvent mobiliser et mettre à profit dans le cadre du séminaire.

L’enseignante préconise un nombre de 3 à 4 personnes par groupe pour générer au mieux de la créativité et des discussions actives. L’usage des outils open source est également un choix délibéré permettant de mettre à disposition le savoir et de rester dans une dynamique de partage et de diffusion ouverte. D’ailleurs, les podcasts produits peuvent également être réutilisés comme support de cours selon la thématique étudiée et comme exemple pour une première digestion du corpus de cours.

Avec un peu de moyens supplémentaires, l’enseignante a pu faire intervenir un comédien-ne et une rappeuse lors de l’édition 2021 pour offrir un encadrement supplémentaire autour de la pose de la voix, ce qui a nettement amélioré la clarté et le ton des apprenant-es à l'écoute des essais audio. Elle a également organisé une permanence technique et créative qui a permis aux apprenant-es de consulter certain-es des intervenant-es externes sur des points précis qui leur posaient problème.

Dans l’idée de promouvoir le travail réalisé par les groupes et continuer à valoriser les textes étudiés, l’enseignante a proposé durant le semestre suivant un stage de recherche a des étudiant-es en master ayant suivi le cours au préalable. L’une des dimensions de ce stage était principalement de créer une campagne de communication valorisant les podcasts étudiants via le compte Instagram lié au cours. La campagne de communication est disponible via le compte Instagram : La politique de la voix.

L'enseignante recommande de former l’équipe d’encadrement à l’apprentissage par projet et aux compétences transversales en collaboration avec les conseillers et conseillères pédagogiques du pôle SEA.


Avis des étudiant-es

« Il n'y a aucun cours auquel j'ai assisté avec autant de plaisir. Les thématiques abordées permettent de m'engager sur des questions qui me mobilisent, tant dans mon travail universitaire que dans mes engagements personnels. Le format hybride est particulièrement stimulant : même quand j'ai pas la forme, je suis obligée de participer et je ressors toujours de ce cours en ayant appris quelque chose. En nous poussant à être tout le temps active on retiens davantage les concepts. LE format du rendu laissant libre cours à la créativité me permet de sortir de ma zone de confort. Je me suis vraiment étonnée à participer autant à la production de l'essai audio. Thématiques, énergie, format du rendu, je crois que c'est exactement ce que je recherchais en reprenant mes études, merci. »

« L'enseignante arrive à très bien synthétiser les thèmes et apporte des manières ludiques les sujets et enjeux traité. »

« Le modèle d'évaluation permet de travailler les notions du cours tout en nous poussant à être créatif. »

« La discussion à chaque cours, le côté participatif. Extrêmement intéressant. Et encore une fois c'est le seul cours à l'Unige spécifiquement pour les théories critiques de la postcolonialité. Les modes d'évaluations sont différents de ceux qu'on a l'habitude de faire, ce qui est extrêmement enrichissant. »

« Les modalités d'évaluation multiples, bien que représentant une grosse charge de travail, sont variées et très cohérentes avec le contenu du cours (politique de la voix > podcast). Elles permettent une immersion dans les concepts et une réappropriation des théories étudiées et encouragent une créativité rarement mobilisée dans un parcours académique "classique". »

« Ce format nous plait énormément et ça change vraiment des autres cours et séminaires. C'est très enrichissant de pouvoir expérimenter avec nos voix et d'utiliser les compétences, centres d'intérêts des différentes personnes du groupe. Après, c'est un travail très conséquent et je pense pas qu'on s'attendait à une telle charge de travail. »

« Je remercie Noemi Michel pour ce cours et aussi pour sa disponibilité. Elle passe beaucoup de temps à nous accompagner, à répondre à nos questions, à proposer des exercices interactifs pour valoriser l'échange et le plaisir d'apprendre. J'ai pris un réel plaisir de participer à ce cours avec une professeure aussi imaginative et qui cherche constamment d'autres manières d'enseigner innovantes. C'est un format de cours qui m'a beaucoup marqué! merci! »

« Certains textes sont très denses et difficiles à lire. Mais en même temps c'est des fondamentaux alors je comprends les choix de lecture. »

« Le cours semble difficilement adapté à un enseignement à distance (discussion, présentation orale, débats, exercice question-réponse). »

« Très très bons ateliers, qui permettent de se mettre progressivement en marche pour la réalisation de l'essai audio. Les intervenant.e.x.s étaient tousxtes très intéressant.e.x.s et nous ont permis de prendre conscience des différentes dimensions auxquelles nous devrions faire attention dans la réalisation des essais audios. »

Fichiers multimédias annexes