Coformations 2015-2016
Coformation du stage en responsabilité de 4 semaines du vendredi 29 avril 2016 - Peut-on former au raisonnement professionnel ?
La coformation des stages en responsabilité cherche à renforcer la cohérence du domaine III du plan d’études, consacré à l’intégration et au développement professionnel des étudiantes et étudiants. Au cœur de ce domaine, les stages en responsabilité sont une des chevilles ouvrières du travail de développement vers l’identité professionnelle de chacune et chacun.
Pour les stagiaires, ce dernier stage, le plus long de la formation, marque une étape importante dans l’obtention de leur « permis d’enseigner ». Dernière occasion —en formation initiale— de s’approprier des savoirs et gestes professionnels sur le terrain, temps d’affirmation de soi comme professionnel, ce stage a un rôle fondamental au moment d’un passage vers la vie professionnelle.
Ainsi, quasiment au terme de la formation, la relation de formation qui s’installe entre stagiaires, formateurs de terrain et formateurs universitaires, revêt une couleur toute particulière. L’avenir professionnel des stagiaires qui pouvait paraître lointain quelques mois auparavant, devient soudain une réalité proche : l’étudiant-stagiaire du début de l’année est devenu stagiaire-enseignant voire collègue potentiel. Par force, les regards changent, les attentes se transforment et, subtilement, la posture des formateurs prend une dimension nouvelle où, —à l’extrême— ils pourraient parfois se demander s’ils ont encore beaucoup à apporter à leurs stagiaires ?
Nous répondons OUI certainement mais sommes persuadés que cet « objet » de formation, au-delà de gestes et d’outils précis, revêt une dimension que nous appellerons raisonnement professionnel. Nous nous proposons donc, durant la journée de coformation, d’interroger cette notion et de chercher par là à saisir toute la richesse et la subtilité des échanges formateurs qui prennent place durant ce dernier stage.
Pour cela, nous serons conduits dans la journée par Cristian BOTA qui, dans le sillage des travaux propres à sa thèse, assurera la conférence du matin et nous accompagnera dans la suite de la journée articulée, comme d’habitude, autour d’un travail en ateliers et d’une table ronde.
Voir programme détaillé de la journée de conformation : cofo_29_avril_2016.pdf
Power point de la conférence de Cristian Bota COFO-PPT BOTA.pdf
Peut-on former au raisonnement professionnel ? Cristian Bota
Résumé de la conférence – Le formateur de terrain, « théoricien frustré » ?
Lors des ateliers de la co-formation du stage filé de l’année 2016-2017 (Entre savoirs dits théoriques et savoirs dits pratiques : en quoi FT et FU se rejoignent-ils dans leurs discours formateurs ?), les échanges ont fait émerger l’image du formateur de terrain comme « théoricien frustré », c’est-à-dire comme un professionnel qui a besoin de construire ou d’investir dans sa pratique des concepts propres qui l’aident à mettre à jour les mécanismes de sa façon de faire. Alors que le terme de « théorie » est galvaudé et pas entièrement adapté à la pratique réflexive de l’enseignant et/ou du formateur de terrain, l’idée centrale à retenir est celle d’un processus de pensée qui mobilise bel et bien des concepts, qui produit des raisonnements professionnellement valides, mais qui reste en quelque sorte « caché » derrière le langage quotidien de l’enseignant (d’où l’idée de « frustration » ou d’absence de reconnaissance de ce niveau de réflexion).
L’objectif majeur de cette journée centrée sur le raisonnement professionnel a été de proposer des éléments de familiarisation avec la problématique, en partant de l’importance qu’on lui accorde de plus en plus dans les métiers de l’humain et dans la formation à ces métiers. A un niveau général, les capacités de pensée rationnelle sont une composante du modèle occidental de l’individu autonome et responsable et un lien étroit existe entre la démocratie, la rationalité et l’école. La formation des enseignants exploite ces liens sous l’angle des savoirs scientifiques et des valeurs démocratiques qui sont constitutifs de la profession enseignante. Dans d’autres métiers de l’humain (médecine, soins infirmiers, ergothérapie, mais aussi droit, ou autres) un accent important est mis actuellement sur les processus de délibération qui permettent aux professionnels de prendre des décisions en adéquation avec la complexité des situations auxquelles ils se confrontent. L’agir professionnel est ainsi basé sur un raisonnement implicite (non verbalisé) ou consiste en un raisonnement explicite, verbalisé et mené en dialogue avec un interlocuteur. L’étude de ces processus de pensée verbale (à cheval sur la pensée et le langage) prend donc une valeur particulière par rapport aux problématiques de la professionnalisation.
Dans la formation des enseignants, avec des dispositifs de formation axés sur la « pratique réflexive », on oublie souvent que Schön distinguait deux niveaux de réflexion, dont il s’agit de reconnaître les interactions complexes : la réflexion dans la pratique elle-même, où la pensée est indissociable de l’action, et où elle prend la forme de l’implicite, du savoir-faire, de l’intuition, d’un sentiment vécu de « justesse » de l’action (réflexion 1). Il y a ensuite la réflexion après la pratique et sur la pratique, qui prend une forme explicite, langagière, qui mobilise des concepts et qui légitime consciemment les décisions prises (réflexion 2). Si les composants de la réflexion 1 se situent en quelque sorte « en dessous » du langage (les savoir-faire, l’intuition, la créativité face aux imprévus échappent aux mots du praticien), les composants de la réflexion 2 sont portés par des textes d’origines diverses, notamment issus des milieux académiques, et donnent corps à des concepts et des raisonnements des sciences humaines et sociales. Toutefois, à ces deux séries de ressources il faut ajouter les éléments qui relèvent d’un « niveau émergent », qui est celui du professionnel lui-même en tant qu’acteur réflexif et qui produit des concepts et des raisonnements « de son cru », qui ont donc une existence langagière ordinaire, celle des « mots » et des « idées » du quotidien professionnel.
Ce niveau de la réflexion émergente permet à l’enseignant de saisir sa propre expérience et ses dilemmes intrinsèques via des concepts pratiques et des valeurs portés par les mots, aussi quotidiens soient-ils : ce sont ces concepts et ces valeurs dotés d’une existence langagière qui orientent la compréhension des réalités professionnelles et de sa propre expérience, et qui permettent au professionnel de faire d’incessants passages entre la réflexion 1 et la réflexion 2, en développant ainsi sa capacité interprétative, un moteur de décisions « justes » et de la créativité praxéologique.
Ce niveau de réflexion émergente est d’autant plus important qu’il semble être au cœur de la relation du formateur de terrain avec le stagiaire : le formateur de terrain puise dans ses propres ressources de raisonnement pour accompagner le stagiaire, qui est, quant à lui, en train de dessiner les contours de cet espace de réflexion intermédiaire.
Les ateliers
Pour travailler ces questions une étude de cas a été proposée, visant à articuler les dimensions saillantes de la situation hypothétique esquissée avec les valeurs qui guident les processus de réflexion de l’enseignant, lui permettant d’aboutir à une prise de décision.
La situation de départ pour la réflexion collective : COFO-cas-site.docx
Résumé concernant le premier sous-groupe de travail rédigé par Glaís Sales Cordeiro, Nilima Changkakoti et Andreea Capitanescu Benetti
Comment le formateur de terrain raisonne-t-il professionnellement, à partir de quels éléments et est-ce qu’il arrive à rendre compte de son raisonnement à son stagiaire ? Comment initie-t-il un raisonnement professionnel chez le stagiaire ?
Au sein de notre atelier, à partir d’une situation sur laquelle nous avons travaillé, collectivement, nous avions senti le besoin de plus d’explicitations possibles et de détails concernant les activités de sciences qui étaient censées être menées dans la classe. Cette situation, bien que peu détaillée sur les objectifs visés, sur les tâches à faire par les élèves se révèle comme un bon artefact qui rend compte du raisonnement professionnel à l’œuvre.
Tout d’abord, pour l’enseignant, il y a besoin d’analyser la situation en fonction des objectifs d’enseignement et d’apprentissage qui sont visés. En connaissant un peu plus les objectifs à viser par ces activités, en tant qu’enseignants, nous aurions pu les regrouper éventuellement autrement, n’en garder que quelques unes. Vu la réaction des élèves face aux différentes tâches, l’arrêt de l’activité s’impose majoritairement dans notre sous-groupe d’atelier. Il faut peut-être s’arrêter, suspendre l’activité, la différer afin de pouvoir y réfléchir tranquillement sur la suite à donner. Les formateurs de terrain voient clairement que « rien ne va plus » dans cette situation précise, et ils montrent les variables qu’ils prennent en compte pour analyser : les objectifs de la tâche, l’observation des comportements des élèves et comment peut-on raisonner en tant qu’enseignant aux prises avec le travail réel et les incertitudes inhérentes aux tâches proposées. Certains soulignent l’importance de bien connaître le contenu des ateliers pour mieux réfléchir aux formes d’intervention. D’autres rappellent l’importance, pour le stagiaire, de tester des choses sans trop les cadrer tout en les avertissant en cas d’éventuelles dérives.
Pour les formateurs de terrain, il est essentiel d’aller au plus près de l’activité, dans le grain le plus fin afin d’analyser avec le stagiaire ce qu’il se joue, et de dégager les ressorts et les enjeux de l’activité enseignante – afin que celle-ci soit la plus productrice et formatrice pour les élèves.
Nos étudiants sont pressés d’en finir avec la « théorie » et surtout avec leurs études. Ils font une dichotomie entre la théorie et la pratique mais lorsqu’ils raisonnent à propos du métier, avec l’aide du FT, il y a intégration de ces deux mondes selon les formateurs de terrain. Dans ce refus de la théorie, chez nos stagiaires, il y a une fuite en avant et un engouement pour « le faire pour faire » à tout prix : « un faire pour faire » qui peut les empêcher de comprendre et d’observer les élèves aux prises avec les apprentissages. Ainsi, le FT retisse des liens entre la théorie et la pratique pour montrer l’articulation entre ces deux dimensions du métier. D’ailleurs, les stagiaires ont de la peine à se détacher d’une certaine planification et prendre en compte les éléments observables pour réguler la pratique (les élèves face aux apprentissages, le timing, le contexte, etc…). Ils ont également de la peine à se mettre « en danger ». Or, cette prise de risque constitue un déclencheur pour une attitude réflexive. Certains formateurs de terrain observent aussi que certains stagiaires ne s’approprient pas suffisamment les présupposés ou les indications méthodologiques de tel ou tel moyen d’enseignement et se cantonnent dans le faire – au risque de s’y perdre et ne pas vraiment savoir pourquoi ils font telle ou telle leçon ou activité. Les formateurs de terrain insistent sur un certain ralentissement ou course à l’avant dans le faire afin de savoir et de comprendre pourquoi le stagiaire fait ou non telle ou telle activité. C’est donc bien de faire mais encore mieux de savoir ce que l’on fait et dans quel but l’on fait certains choix pédagogiques et didactiques. Dans le même sens, quelques FT disent exagérer certains gestes professionnels lorsqu’ils enseignent afin d’en discuter avec le stagiaire.
Pour le suivi des stagiaires, les formateurs proposent quelques pistes. Par exemple, constituer un portfolio de l’étudiant avec ses rapports de stage ou mieux expliciter dans la « feuille de route » un état de la situation en fonction des difficultés ressenties par l’étudiant dans la pratique : a) où est-ce que j’en suis à l’heure actuelle dans ma pratique d’enseignant - quelles sont mes forces et quelles sont mes difficultés ; et b) comment est-ce que je peux profiter entièrement de ce stage et de son encadrement pour m’améliorer dans les domaines qui me posent encore problème et dans lesquels ma pratique reste encore incertaine.
Les formateurs de terrain proposent aussi de travailler sur des outils communs - FT et FU - pour suivre les stagiaires – des cadres de référence, des référentiels que l’on partage ensemble.
Résumé concernant le deuxième sous-groupe de réflexion rédigé par Chantal Erard et Anne Perréard Vité
A partir des questions suivantes, le groupe d’enseignant(e)s a réagi ainsi :
- Qu’est-ce que les étudiants peuvent attendre dans votre classe/ école qu’ils ne pourraient pas apprendre ailleurs ?
- D’où vient ce savoir sur les savoirs ?
- Comment accompagner, donner à voir aux étudiants ce raisonnement professionnel ?
- « Moi, j’ai quoi à offrir ? Comment je définis ce raisonnement professionnel ? »
Quelques idées issues du travail collectif :
- La mise en mots, mais aussi une mise en mots différenciée : elle peut être réfléchie ou spontanée.
- L’organisation, la logique qu’on se donne, mode de pensées pour planifier, anticiper, se simplifier les tâches, être efficace pour un gain d’énergie.
- Gestion du temps dans différents domaines, mais notamment dans les corrections, et gain de temps grâce à l’acquisition d’automatismes.
- Poser un cadre ou des cadres dans le cadre, c’est-à-dire des cadres individuels dans des contextes particuliers.
- Collaborer entre collègues, mais en gardant ses libertés d’action et d’expression
- Tenir compte des compétences de chacun, donner à voir les différences.
- Se remettre en question et les stagiaires nous aident à le faire et nous poussent à mettre en mots tout l’implicite qui s’installe, d’où une attitude plus réflexive.
- Accumuler « des kilomètres » avec des succès et des échecs.
- Mettre en avant ses propres valeurs.
Quelques exemples pour faire vivre tout cela au stagiaire :
° Accueillir le stagiaire, pas seulement le FT responsable, mais toute l’équipe enseignante, le mettre en confiance pour qu’il puisse mettre en avant ses points forts mais aussi ses difficultés.
° Faire preuve d’humilité et savoir lâcher-prise, laisser prendre le relai par le stagiaire, lui donner un rôle, une place et lui dire : « le métier, ça se pratique, ça se vole ! »
° Questionner le stagiaire : « pourquoi tu as fait ça? comment tu évalues ta leçon ? » Expliciter, forcer le stagiaire à mettre des mots sur les actes.
Résumé concernant le troisième sous-groupe de réflexion rédigé par Béatrice Brauchli et Catherine Grivet Bonzon
Les formateurs de terrain ont donné les pistes de réflexion suivantes à partir des questions :
- Qu’est-ce qui nous est propre en termes de raisonnement professionnel (en tant que FT) ?
- Que peuvent apprendre les étudiants dans votre classe, qu’ils ne pourraient pas apprendre ailleurs ?
Dans l’enseignement spécialisé :
- Amener le stagiaire à une ouverture d’esprit lui permettant de décoder « autrement » l’environnement
- Adaptation au milieu dans des aspects quelquefois plus liés à des soins qu’à la didactique (approches transversales), connaissances des pathologies pour pouvoir adapter l’enseignement.
- Travailler à la carte pour chaque élève et privilégier les liens
- Préparation du matériel, adaptation du matériel, créativité dans la pédagogie.
- Travailler sur les émotions suscitées par les situations complexes
Au cycle 1 :
- Se questionner sur sa pratique à partir des spécificités de ce cycle
- Prendre acte de l’importance spécifique de la préparation du matériel
- Tenir compte des rythmes de travail des enfants.
- Placer la barre « assez haut » pour les élèves malgré leur jeune âge, mais ne pas les décourager
- Encourager les étudiants à chercher l’efficacité (surtout en 4P)
- S’approprier les spécificités du 1PH
- Prendre le temps de parler, d’avoir un échange avec chaque élève
- Partir de toutes petites choses simples, prendre le temps, de laisser jouer et manipuler
- Développer l’autonomie des élèves
Au cycle 2 :
- S’adapter aux imprévus
- Se remettre en question, et interroger sa manière de fonctionner
- Adapter son enseignement au milieu culturel
- Inclure dans la pratique de classe les modalités d’enseignement liées aux élèves « dys »
- Conserver un regard « méta »
- S’approprier un système de planifications en cours ainsi que le PER de manière globale
- La collaboration entre les différents degrés et les échanges avec collègues
En résumé : Dans les établissements, les étudiants apprennent à s’adapter, s’organiser, adopter une posture d’enseignant, collaborer, se questionner sur leur pratique.
Le fait d’avoir des étudiants oblige le FT à s’interroger sur sa propre pratique et à trouver à l’exprimer, l’expliciter. Il oblige aussi à un vis-à-vis : L’étudiant (e) conforte le FT dans sa pratique tout en apportant des aspects théoriques « frais ».
Coformation du stage en responsabilité de 3 semaines du vendredi 11 mars 2016 - L’établissement scolaire peut-il être formateur ? En quoi le collectif professionnel de chaque école a-t-il (ou non) une part de responsabilité dans la formation initiale des enseignants du primaire ?
Comme vous le savez, la coformation des stages en responsabilité cherche chaque année à renforcer la cohérence du domaine III du plan d’études, consacré à l’intégration et au développement professionnel des étudiantes et étudiants. Au cœur de ce domaine, les stages en responsabilité sont une des chevilles ouvrières de ce travail de développement vers l’identité professionnelle de chacune et chacun.
Durant le stage de 3 semaines, les stagiaires sont invités à mettre un accent particulier sur les formes d’enseignement qui pourront permettre aux élèves d’acquérir les savoirs visés. C’est ainsi l’occasion pour eux d’explorer de nouvelles démarches ou d’en revisiter d’autres dans le prolongement du stage filé.
Parfois aussi, durant ce stage, les stagiaires ont la chance de pouvoir participer à l’une ou l’autre démarche de collaboration qui les conduit à travailler avec l’ECSP de l’école, un MDAS ou d’autres collègues. A ces occasions, ils découvrent non seulement la richesse de l’activité enseignante dans la classe mais aussi hors de la classe, à la rencontre de la dimension collective de l’enseignement.
Si cette dimension de travail en collaboration n’est pas un objectif en soi du stage de 3 semaines, le contexte de plus en plus collégial des écoles et établissements nous interroge. En effet, s’il est évident que les stages doivent, avant tout, permettre aux étudiants de se perfectionner autour de la transmission des savoirs et de la gestion d’une classe, elle ne peut pas passer totalement à côté de la réalité qui est qu’un enseignant ne travaille plus seul derrière les quatre murs de sa classe.
Ainsi, en quoi sommes-nous collectivement responsables, vous comme formateurs de terrain et nous comme formateurs universitaires, d’accompagner les stagiaires dans la découverte du travail collégial ? En quoi les stages pourraient-ils ou devraient-ils aussi les outiller dans une meilleure perception des enjeux de ce travail en équipe?
C’est pour explorer cette question avec vous que nous avons décidé de mettre l’accent de notre prochaine journée de coformation sur la thématique de l’ « établissement comme lieu de formation ». Ensemble, nous essaierons de discerner en quoi le dispositif des stages pourrait rendre plus explicite la question de l’insertion dans un collectif professionnel. Nous avons en effet la conviction que de nombreuses choses se font déjà mais qu’elles restent implicites alors que ce domaine nous apparaît essentiel dans le chemin de professionnalisation des stagiaires que nous accompagnons.
Voir le programme détaillé de la journée : cofo 3 sem 1516.pdf
Notes de réflexion collective de l’atelier de la coformation du 11 mars animé par Chantal Erard et Andreea Capitanescu Benetti
Notre réflexion s’est déroulée selon les questionnements suivants :
- S’interroger sur les cheminements des FT/FU présents dans leur formation à « vivre en établissement (collaboration, coopération, etc.
- Documenter —le cas échéant— le rôle joué par les FT (ou FU) dans la formation des stagiaires en vue de « la vie en établissement ».
- Identifier les démarches/outils utilisés par les FT/FU présents en lien avec cette dimension « établissement ».
- Nommer des perspectives de formation dans ce domaine.
Deux axes de questionnement complémentaires ont été proposés aux formateurs (FT/FU) présents à l’atelier :
- a) Pour votre part, comment avez-vous appris votre métier pour tout ce qui concerne ce qui est extérieur à l’enseignement des élèves ?
- b) Dans quelle mesure votre accompagnement/encadrement des stagiaires intègre-t-il explicitement ou implicitement des éléments liés à ce « extérieur » ?
Comment partir de l’expérience du travail en équipe, en collaboration, du collectif pour la raconter, la mutualiser, la croiser avec d’autres expériences, l’expliciter et chercher comment elle contribue au développement professionnel de chacun ; et ensuite dans son rôle de formateur de terrain, comment en faire part, œuvre de transmission dans le travail de formation des nouveaux dans le métier (stagiaires, débutants, etc..) – si cette expérience peut bel et bien se transmettre. Comment je me suis formé en tant que travailleur, formateur et comment je forme à mon tour mon stagiaire à son insertion institutionnelle, dans un établissement, dans des équipes, des collectifs d’enseignants, dans une culture professionnelle.
Dans notre atelier, à partir de l’expérience du travailleur que chacun fait le long de sa carrière dans son insertion dans l’établissement – du travail en équipe, de la collaboration, de la coopération entre pairs, par induction des expériences croisées, nous avons fait émergé quelques savoirs professionnels tacites ou latents du travailleur - que nous dévoilons ici :
- « Small is beautiful » : entre l’usine à gaz et « les uns sur les autres » - on ne peut travailler dans de trop grands ensembles collectifs (too big) au risque de se perdre et gérer une usine à gaz et lorsque c’est trop petit (too small) – le travail est plutôt familial avec les risques de « se bouffer le nez ou s’étouffer» - donc, ni trop grand, ni trop petit – la taille raisonnable ! Nous avons fait aussi références à des typologies d’équipe comme configurations qui ont déjà été développées par d’autres chercheurs.
- Du plus diffus au réglementé : le collectif d’enseignants et la collaboration existe : de la manière la plus diffuse, informelle, au travail plus réglementé ; le travail collectif est à géométrie variable.
- La cyclothymie de la vie d’une équipe : entre ruptures et continuités - une collaboration dynamique et en constante évolution – une équipe a une vie, un processus, un passé, une chronique, une historicité, une sédimentation des problèmes réglés ou au contraire non réglés, des conflits larvés ou réellement vécus – des phases, des hauts, des bas, « des creux de la vague », un turnover plus ou moins fréquent qui ne permet pas d’asseoir certains savoirs professionnels mais qui reprend toujours les dossiers afin de socialiser les nouveaux venus sans forcément les formaliser.
- Une collaboration instituée par les pairs au sein du travail à partir des besoins collectifs que l’on ressent au travail dans un mouvement de bas en haut (botton up) et non pas institutionnaliser (top down) car les enseignants ne l’habitent pas en lui donnant un sens réel lié à la gestion des problèmes rencontrés que les enseignants doivent porter ensemble.
- La responsabilité collective : des niches ou des poches ou des lieux de travail dans lesquels des enseignants innovent et développent une autre professionnalité dans laquelle la responsabilité collective envers les élèves prend le dessus – une responsabilité collective envers le suivi des élèves - « mes élèves sont nos élèves » et les enseignants en sont responsables collectivement;
- La responsabilité collective dans l’encadrement du stagiaire existe également dans certains lieux,
- Une collaboration qui prend en compte l’expérience des élèves à l’école. Il s’agit là, d’une collaboration qui tente de mettre les élèves dans des expériences similaires.
De nombreuses métaphores nous ont aidés à parler du travail, à le décrire et à esquisser des nervures de ces savoirs professionnels informels. En toile de fond de ces savoirs listés ci-dessus, il y a la confiance dans l’autre, dans ses collègues qui est l’huile dans les rouages ou le terreau pour planter toute forme de collectif. Dans le travail, dans les équipes, on apprend « à mettre de l’eau dans son vin », « à faire le poing dans sa poche », « à laisser couler… »
Notre question subsiste : peut-on formaliser plus ces savoirs informels longuement construits dans des situations de travail singulières et situées ? Ou est-ce que cela s’apprend uniquement sur le tas, même sur le tard, le long de l’expérience ? Ou peut-on raccourcir le temps des apprentissages en mutualisant et en formalisant ces savoirs issus de la pratique et de l’expérience afin de les faire entrer comme d’autres savoirs plus académiques dans « l’état des savoirs de la profession et pour la profession ». (Résumé de la réflexion collective par Andreea Capitanescu Benetti pour l'atelier de Chantal Erard et Andreea Capitanescu Benetti).
Notes de réflexion collective de l’atelier de la coformation du 11 mars animé par Anne Perréard Vité et Geneviève Mottet
Trois séries de réflexions ont émergé, que nous avons regroupé à partir des trois verbes : observer, questionner, participer.
1. Observer, présenter
Les formateurs de terrain ont partagé sur leurs pratiques d’intégration des stagiaires au contexte d’établissement. Ils ont aussi émis des propositions, à développer autour de l’acte d’observer, au niveau du travail de collaboration qui se fait en établissement scolaire. Il en ressort la nécessité de présenter a) les acteurs de l’établissement aux stagiaires, comme les pratiques d’établissement (TTC, règles de vie, projet d’école, formations suivies en école, etc.), et b) de permettre aux stagiaires de se présenter aux acteurs d’établissement. Voici des verbes qui sont ressortis en ce sens dans les discussions :
- Donner la possibilité aux stagiaires de regarder les pratiques communes, montrer, inviter
- Partager des expériences de travail en commun
- Présenter les différents acteurs de l’établissement, présenter les stagiaires aux différents professionnels : permettre aux stagiaires de « connaître » ces personnes et que celles-ci les connaissent.
2. Questionner, mettre en débat
Les formateurs ont également exprimé des pistes pour aller plus loin que l’observation et la présentation de ce qui se fait : soit promouvoir le questionnement et la mise en débat entre professionnels de l’école et stagiaires des pratiques d’établissement effectives (et souhaitées):
- Réfléchir avec les stagiaires sur ce qu’est un travail d’équipe (communauté des pratiques, des savoirs)
- S’informer et informer sur l’historique des pratiques, les avantages et points à améliorer
- Débattre sur les tensions, et « débats » présents dans l’établissement
- Raconter et faire raconter sur les expériences et les vécus des uns et des autres
- Mettre en perspectives d’autres pratiques de collaborations existantes et possibles, ou vécues dans certains contextes (autres expériences professionnelles pour les enseignants de l’établissement, autres lieux de stages pour les stagiaires)
- Poser des questions et échanger sur l’éventuelle existence de rapports de force qui peuvent exister entre les différentes personnes lors des réunions d’équipe par exemple.
3. Participer
Enfin, des propositions de participations concrètes sont aussi avancées par les formateurs de terrain :
- Donner la possibilité aux stagiaires de se former au travail d’équipe, à la collaboration
- Mettre en place des moments de collaboration en commun, de réflexion commune
- Esquisser des formes de collaboration
- Innover
- Co-construire
- Préparer
- Impliquer, permettre aux stagiaires de s’intégrer à un projet d’équipe
(Résumé de la réflexion collective par Geneviève Mottet pour l'atelier d'Anne Perréard Vité et Geneviève Mottet).
Notes de réflexion collective de l’atelier de la coformation du 11 mars animé par Cristian Bota, Walther Tessaro et Manuel Perrenoud
La discussion menée dans le groupe a tout d’abord relevé qu’il est difficile de reconnaître un rôle formateur à l’établissement en tant que tel.
Les réalités des établissements scolaires genevois sont tellement différentes qu’il semble plus pertinent de se référer au rôle formateur de l’école et de son collectif. Les relations humaines et professionnelles à l’intérieur d’une école sont marquées par sa culture, qui se précise en fonction de plusieurs aspects : la taille de l’école, qui prédispose à certains types de collaboration (une petite école de 3-4 classes n’existe plus sans une vraie collaboration) ; l’appartenance au REP rend certains liens obligatoires (échanges plus fréquents avec le Dir-E, l’infirmière, etc.) ; la présence de tous les degrés, y compris le spécialisé ; les projets du Dir-E ou des collègues ; etc.
A côté de ce niveau collectif, et en vertu du fait que la culture de l’école est toujours une histoire de personnes, la discussion a souligné qu’il y a aussi une culture d’individu, qui est la sédimentation de l’expérience, de l’histoire, des valeurs de l’enseignant, qu’il investit dans ses relations.
L’école est formatrice dans la mesure où les formateurs de terrain permettent aux stagiaires de prendre conscience de l’importance de la collaboration : « Mes élèves ne sont pas que mes élèves, bien que je sois seule dans ma classe. Nous sommes tous responsables de nos 300 élèves. »
L’accompagnement orienté vers la dimension collective-collaborative de l’école est toutefois difficile à réaliser sur des stages de 3 ou de 4 semaines ; pour tisser les liens avec le collectif, le temps, l’histoire sont nécessaires, il faut donc être déjà dans la profession.
Le formateur de terrain ne peut que donner au stagiaire une ouverture vers les dimensions collaboratives de la profession, à partir de sa propre expérience, de son propre cheminement, « en dévoilant de soi-même » ; mais aussi en explicitant, par exemple, les moments informels (pauses, parascolaire, relais à midi), en montrant ses échanges avec les collègues du même degré, en mettant en évidence les collègues « précieux », en associant le stagiaire à toutes les relations, avec les parents, avec l’ECSP.
D’autre part, la formation devrait s’assurer qu’elle offre aux étudiants un « socle commun », qui est donné notamment par la grille d’observation et d’évaluation. (Résumé de la réflexion collective par Cristian Bota pour l'atelier de Cristian Bota, Walther Tessaro et Manuel Perrenoud).
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Un article récent sur la thématique de la journée :
Bonnard, J. (2016). L'établissement formateur, mythe ou réalité. Dialogue, n°151, 31-34. Article.pdf
Coformation du vendredi 13 novembre 2015, Stage en responsabilité filé des 8 semaines - Entre savoirs dits « théoriques » et savoirs dits « pratiques » : En quoi FT et FU se rejoignent-ils dans leurs discours formateurs ? En quoi contribuent-ils ensemble à la construction des savoirs professionnels des stagiaires ?
Dans le prolongement des années précédentes, la coformation des stages en responsabilité pour l’année 2015-2016 veut renforcer la cohérence du dispositif reliant les stages, les entretiens bipartites et/ou tripartites et le Séminaire d’analyse et de régulation des pratiques (SARP).
Durant le stage filé notamment, les étudiants font l’expérience de situations emblématiques de l’activité enseignante, en particulier dans le cadre des deux disciplines qui leur reviennent en propre. Lors des échanges (bi ou tripartites) qui questionnent ces situations et les mettent en perspective, de nombreux éléments — notions, concepts, expériences, prescriptions — sous-tendent les propos échangés par les trois partenaires (FT, stagiaire et FU). Ces éléments, savamment imbriqués, composent les savoirs professionnels « en construction » des étudiants.
Aujourd’hui, certaines recherches montrent que les savoirs professionnels sont le fruit d’un savant équilibre provenant de sources diverses telles que l’expérience, les résultats de recherche scientifiques, les prescriptions institutionnelles voire d’autres sources encore. Ainsi, parfois sans en avoir pleinement conscience, tout enseignant est détenteur de savoirs professionnels complexes, dont la teneur résulte de l’articulation, puis de l’appropriation et de l’intégration de sources nombreuses.
Et pourtant, le clivage entre « théorie » et « pratique » demeure, laissant planer l’idée que ce qui peut se construire sur le terrain ne peut pas se construire à l’université et vice versa.
C’est pour « lutter » contre cette réduction caricaturale, que l’équipe responsable de la coformation propose de se pencher cette année sur les moyens que nous pouvons mettre en œuvre, FT et FU confondus, pour aider les étudiants à accéder à une « confiance professionnelle » qui ne confronte pas les sources de savoirs mais les articule tout au long du stage — pas seulement à l’occasion des rencontres tripartites — , cherchant à leur donner un sens explicite.
Pour ce faire, la journée entière se propose d’articuler des points de vue d’horizons divers, que ce soit lors des deux tables rondes organisées en début et en fin de journée ou durant les temps d’ateliers.
Voir le programme détaillé de la journée : Programme.pdf
Notes de réflexion collective sur la coformation du stage en responsabilité filé, Entre savoirs dits « théoriques » et savoirs dits « pratiques » : En quoi FT et FU se rejoignent-ils dans leurs discours formateurs ? En quoi contribuent-ils ensemble à la construction des savoirs professionnels des stagiaires ?
Résumé du groupe 1 : Andreea Capitanescu Benetti, Manuel Perrenoud pour le groupe de travail de Kristine Balslev et Sandrine Aeby Daghe
Ces notes de travail font donc suite à la journée de coformation du 13 novembre 2015, pour proposer des éléments de reprise, qui pourraient donner lieu à des écrits, à d’autres « réacteurs subjectifs »[1] de vos parts respectives. Elles ont été élaborées sur la base des ateliers auxquels nous avons assisté et de quelques questions soulevées durant les séances plénières.
Les thématiques que nous inspirent cette journée de rencontre peuvent se diviser en trois entrées : 1. l’observation, 2. la théorisation, 3. l’évaluation.
(1) L’observation
Les interventions de la matinée ont toutes relevé un certain défaut (ou absence) de détails dans la manière avec laquelle l’étudiant (dans l’extrait des retranscriptions de la tripartite) rend compte de son stage ou expose son approche. Cette question de l’observation (durant le stage) et, par suite, de la description (durant la tripartite) attire l’attention sur un axe de réflexion intéressant et une série de questions ouvertes:
- Comment rendre compte à notre tour d’un tel angle mort (s’il venait à se confirmer) ?
- Qu’aimerions-nous voir apparaître durant la tripartite, quels éléments, sous quel mode ?
- Avec quelle amplitude ou degré de précision pouvons-nous attendre des étudiants qu’ils décrivent leur stage?
- D’autres questions en arrière-plan s’ajoutent à cette première série, du point de vue de la formation : les étudiants sont-ils préparés aux tripartites et s’ils le sont, comment le sont-ils ?
- Dans quelle mesure les attentes descriptives sont-elles (suffisamment) développées et explicitées, comme des composantes d’une posture argumentative ?
- Ces questions posent – ou plutôt relancent – par ailleurs, et sous cet angle, la perspective d’une conjonction des critères et d’une forme de communauté d’attente des formateurs.
- Avons–nous vraiment, comme pourrait le laisser entendre l’unanimité des interventions de la matinée, les mêmes attentes à cet endroit, et a fortiori les mêmes critères d’observabilité (voir la grille d’évaluation)– non seulement entre FU et FT, mais entre FT, et entre FU ?
(2) La théorisation
Le deuxième axe de réflexion n’est sans doute pas sans lien avec le premier, et tourne autour de l’expression largement discutée durant un des ateliers : la « mobilisation de la théorie » par l’étudiant durant les tripartites. Nous préférons parler ici de théorisation. Un certain accord semble nous mettre face à une question particulièrement fondamentale : l’étudiant – en quelque sorte en dépit du contexte tripartite – mobiliserait la théorie ou théoriserait à l’attention quasi-exclusive du FU. Une certaine « mise en scène » ou « présentation de soi », comme dirait la sociologie de Goffman, apparaît comme un axe frappant. Mais, il y a autre chose : non seulement le décodage des attentes en matière de théorisation opérée par les étudiants serait focalisé sur les attentes des FU (de manière unilatérale), mais ces attentes seraient décodées sur la base d’une forme de malentendu, selon une optique stratégique qui reviendrait en quelque sorte à forcer le trait, à viser un usage de la théorie destiné d’abord à satisfaire les attentes (voire les préférences singulières) présumées des FU, et donc moins à analyser, à réfléchir, à problématiser (en les théorisant) des situations professionnelles. Cet axe serait relié au premier, dans la mesure où ce malentendu orienterait la théorisation, bel et bien attendue, vers un usage « déconnecté » (comme nous l’avons entendu) de l’observation, de la description, d’un ancrage dans les situations effectives de travail. Nous nous demandons, dès lors, d’où vient un tel malentendu ? Et quelles sont, au juste, les attentes de théorisation ? Et à nouveau nous relançons la question du point de vue de la formation (conjointe) : dans quelle mesure les attentes de théorisation sont-elles (suffisamment) développées et explicitées, comme des composantes de la posture argumentative attendue ? Sont-elles travaillées en amont (par tous les formateurs) de manière à prévenir un tel malentendu, ou au contraire de manière à l’entretenir ?
(3) L’évaluation
Nous nous demandons sur ce dernier axe, si et comment les deux premiers axes de réflexion (défaut de description et malentendu quant à la présentation de la problématique) ne trouvent pas une résonnance particulière dans ce qu’on pourrait appeler les ambivalences de l’évaluation. Au-delà du fait que la distinction entre « savoirs pratiques » et « savoirs théoriques» peut apparaître largement incorporée dans les volets d’observations critériées du document d’accompagnement commun (brochure des stages en responsabilité, p.21), une certain ambivalence ne porte-elle pas sur le projet-même d’évaluer des savoirs professionnels (communs) sans en faire le cœur de l’explicitation et de la formation conjointe en amont des dispositifs d’évaluation (aussi bien formatifs que certificatifs) ? Une certaine polarisation – ou plutôt une forme de tropisme des étudiants vers le pôle « universitaire», telle qu’elle a été soulevée plus haut, et même si elle reste à vérifier et à documenter plus amplement, inviterait à (ré)ouvrir frontalement ce questionnement difficile relatif à la ligne de partage que les enjeux évaluatifs orientent, si non dans les intentions des formateurs, du moins dans les calculs stratégiques des étudiants. Un exemple pour finir, issu du document d’accompagnement, nous semble particulièrement propice à approfondir la recherche de définition conjointe des savoirs professionnels attendus, même s’il est loin de résumer toute la difficulté : pourquoi demandons-nous en particulier, la « mise en évidence dans la situation discutée d’une appropriation/ intégration de […] prescriptions institutionnelles […] en lien avec la problématique choisie et l’analyse effectuée » relève-t-elle (comme c’est le cas) du volet évaluatif des formateurs universitaires ? Ne pourrait-on pas trouver dans le rapport des étudiants (mais aussi des professionnels des deux terrains) aux « prescriptions institutionnelles » un domaine d’investigation, au plus ou point problématique, dans lequel se jouerait – de façon plus ou moins critique - des définitions du métier et de certains savoirs professionnels à mettre en partage et à soumettre au risque de la controverse…?
Résumé du groupe 2 : Cristian Bota pour le groupe de travail d’Anne Perréard Vité et de Catherine Grivet Bonzon
Question : « En quoi cette situation est-elle représentative de la présence ou de la construction de savoirs professionnels ? »
L’accent des échanges dans le cadre du groupe 2 a été mis sur le rapport de l’étudiant et du formateur de terrain à la « théorie » et sur la question « comment accompagner l’étudiant ? », en sous-entendant « comment l’accompagner au cours du stage » et « comment l’accompagner au cours des entretiens tripartites ». En partant du problème de la répétition traité dans l’extrait, le groupe a relevé que l’étudiant passe d’une évaluation négative de la répétition à une évaluation positive. Tout en soulignant que ce fait est dû à l’analyse de pratique, le groupe a relevé qu’il manque à l’étudiant un concept d’apprentissage à même d’accueillir une conception positive de la répétition. En ce sens, si elle est conçue de façon linéaire et mécanique, la répétition n’est pas du tout intéressante ; elle devient intéressante et utile uniquement si on a un concept d’apprentissage que le groupe a qualifié de « spiralaire » ou de « cyclique », et qui renvoie aux idées de complexité et de construction dans le temps. Les rituels et les routines sont les moyens courants d’organisation d’un apprentissage de ce type. C’est pourquoi, en ayant identifié que le concept de répétition de l’étudiant n’est pas vraiment « accroché » à sa pratique, la discussion a fait ressortir que c’est sur ce point que le formateur de terrain devrait interroger l’étudiant, parce que, à travers ses hésitations, c’est la question que l’étudiant se pose à lui-même sans le savoir. Parallèlement, il a été précisé aussi qu’une autre tâche importante du formateur de terrain dans l’accompagnement est de montrer à l’étudiant « sa » propre théorie, montrer comment lui-même l’a intégrée. En continuant de réfléchir, le groupe a finalement pris acte du fait que le formateur de terrain qui effectue ce type d’analyse (dans sa pratique aussi bien que dans celle des stagiaires) est en réalité une sorte de… « théoricien frustré » ou de « praticien complexé ». Afin d’enregistrer cette avancée sur une note positive, le terme de « théoricien inavoué » a été proposé à la fin de la discussion.
Résumé du groupe 3 : Nilima Changkakoti pour le groupe de travail de Glais Cordeiro et Chantal Erard
Quelques éléments ressortis de notre atelier :
Le stage filé se situe au début de l’année de CCEP, les savoirs professionnels, comme on peut le voir dans les extraits de tripartite, sont encore en tout début de construction, même s’il y a des différences entre étudiants. Au cours de l’année de CCEP les étudiants vont devoir passer du « je » - qu’est-ce qui se passe bien ou mal pour moi en position d’enseignant – aux élèves (comment prendre en compte leurs besoins, les faire apprendre et progresser). Les étudiants sont souvent dans le stress du « bien faire », de l’objectif de la bonne leçon et ont tendance à oublier les élèves, ils cherchent encore comment un enfant apprend. Certains l’évoquent explicitement dans leurs tripartites, d’autres ont encore à en prendre conscience, avec l’aide conjointe des formateurs universitaires et de terrain.
Le rapport à la théorie à ce stade prend souvent la forme d’un « Saint-Graal », le jargon pouvant en venir à masquer la réflexion. Des éléments théoriques vont être évoqués, sans être nécessairement mobilisés pour analyser la pratique et élaborer des pistes de régulation. Pourtant les FT constatent que les étudiants savent se poser des questions, qu’ils ont à leur disposition des outils de pensée extraordinaires dont ils ne sont pas toujours conscients.
Les représentations de ce qu’est la théorie varie selon les lieux. Un enseignant analyse forcément sa pratique, et quand il y a analyse, il y a une théorie derrière, celle que l’enseignant a incorporée et qui étaye sa réflexion. De fait, les éléments théoriques permettent, la plupart du temps, de conceptualiser, de mettre en mots, d’expliciter, ce qui relève de la pratique (ce que fait le stagiaire, ce que permet ou pas sa planification, ce que font les élèves, etc.). Cette analyse de la pratique se fait conjointement entre stagiaire et FT tout au long du stage. Or les étudiants se mettent souvent en mode « académique » lors de la tripartite certificative : ils projettent sur la situation les attentes qu’ils imputent aux FU, quelles que soient les consignes données et répétées en réalité. L’autre cas de figure est celui des étudiants qui restent très descriptifs dans leurs présentations.
Dans les deux cas, les formateurs doivent ensemble questionner les étudiants, les amener à aller au-delà du rapport « magique » aux concepts et du descriptif, en leur demandant d’expliciter, de faire des liens, d’illustrer, d’engager les étudiants dans une réflexion qui puisse également convoquer de manière pertinente les savoirs construits à l’Uni. Il y a un travail d’accompagnement de la préparation de la problématique à faire en amont de la certificative, que ce soit de la part du FU (clarification des attentes, validation de la thématique, etc.) que du FT.
Lors de la certificative il s’agit de convoquer la réflexion préalable, d’inciter un retour aux actions, d’amener sur le plan de l’analyse et d’amener à expliciter, à nommer les éléments théoriques sous-jacents (derrière) à l’analyse. FU et FT collaborent dans ce processus.
En amont du stage, d’une part pour pallier les effets pervers des réputations de FU, d’autre part pour préparer ce travail commun en tripartite, une présence de tous les FU impliqués lors du temps de travail suivant le lancement du stage, avec pour objectif explicite de faire connaissance et mettre en commun les attentes, pourrait être bénéfique.
[1] Réacteur subjectif : Rôle absolument complémentaire du premier ; autoriser, au nom de la variété des rôles, à ce qu’une personne puisse dire JE, assumer une pleine et entière subjectivité, réagissant ou résonnant aux modalités, aux contenus de la formation. Carte blanche sur le mode de restitution. C’est un espace de créativité qui contribue, à chaque fois, à consolider la dimension de sécurité des participants et l’espace de confidentialité de la formation. La résonance du témoignage auprès des autres participants est étonnante. Le groupe est vraiment prêt à « changer ». http://francois.muller.free.fr/diversifier/pour_une_mise_en_rles.htm