Coformations 2017-2018
Coformation du stage en responsabilité des 4 semaines du vendredi 27 avril 2018
Le corps dans la classe : comment incarner le métier ?
La coformation des stages en responsabilité cherche chaque année à renforcer la cohérence du domaine III du programme de formation des enseignant-e-s primaires, consacré à l’intégration et au développement professionnel des étudiantes et étudiants. Elle cherche aussi à nous aider conjointement, formatrices et formateurs de terrain et universitaires, à affiner nos regards et à accompagner et outiller les stagiaires dans leur cheminement.
Cette année, nous avons choisi de consacrer les journées de coformation des stages en responsabilité à la question de la corporéité dans l’enseignement et plus particulièrement à la question de savoir comment accompagner le développement professionnel des stagiaires dans ce domaine.
Après une première journée axée sur le rôle du corps dans la transmission des savoirs, une deuxième sur le corps et les émotions, nous vous proposons, cette fois-ci, d’aborder la corporéité sous l’angle du changement de posture. En effet, un des grands enjeux de la dernière année de formation est de passer de la posture étudiante à la posture enseignante. Quels sont les indices observables permettant de voir si les stagiaires sont sur la bonne voie ? Comment les accompagner pour qu’ils ou elles réussissent cette bascule ? Quels outils leur donner pour qu’ils ou elles puissent incarner pleinement le métier.
Notre invité, Marc Boutet, professeur à l’Université de Sherbrooke (Québec), accompagnera cette réflexion en nous aidant à identifier des éléments relevant de plusieurs dimensions (émotionnelles, relationnelles, contextuelles, etc.) qui, toutes, sont en jeu lors de ce moment très particulier de bascule.
Avec lui et, sur la base conjuguée de quelques apports théoriques et des propos d’enseignantes québécoises, nous interrogerons nos propres pratiques de formatrices et formateurs (de terrain et universitaires) au moment où nous accompagnons les « futur-e-s enseignant-e-s » dans cette dernière étape de la formation.
Programme détaillé de la journée : Coformation des 4 semaines 2018.pdf
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Prise de notes dans le groupe animé par Béatrice Brauchli
Pour répondre à la question « Quelles approches et outils d’accompagnement pour favoriser l’affirmation de l’identité professionnelle et le développement de la capacité d’auto-analyse ? », les FT de notre groupe ont tout d’abord relevé la difficulté pour les étudiant.e.s de s’épanouir et d’avoir un fonctionnement qui leur est propre, du fait qu’ils/elles considèrent la composante évaluation et, à la clé, la réussite du stage.
Malgré le biais imputable à cet élément, l’étudiant.e peut développer sa propre identité en classe s’il/elle se sent en confiance. Pour cela, il s’agit pour le/la FT d’établir une relation de confiance, de parler vrai et d’induire un véritable dialogue. Ensuite, le/la FT se doit de poser/offrir/créer/construire (autant de verbes qui ont été soumis à discussion) un cadre clair, tant du point de vue des contenus à aborder, que des attentes d’ordre plus général, notamment tout ce qui a trait à la gestion de classe. Ce dernier point implique que soient nommés les implicites. Le/la FT se doit également de garantir la protection de l’émotionnel, c.-à-d. de protéger l’étudiant.e face aux élèves ou aux difficultés majeures qu’il pourrait rencontrer avec certains parents.
L’étudiant.e étant rassuré.e, il s’agit alors que le/la FT le/la considère comme un.e collègue potentiel.le et non plus comme un.e stagiaire. Cela implique que se construise un véritable partenariat, qu’il soit fait état des attentes réciproques et de ce que chacun.e peut apporter (de manière complémentaire) à l’autre.
Sur cette base, le/la FT se doit de laisser vraiment la place à l’étudiant.e en lui enjoignant de l’occuper de manière personnelle, d’oser essayer des dispositifs de son cru pour développer sa propre « couleur » et ne pas être une copie du/de la FT.
Dernier élément, le/la FT se doit d’inciter l’étudiant.e à occuper largement l’espace et à sortir le nez de sa planification, à ouvrir les écoutilles, c.-à-d. les yeux et les oreilles, à rester souple pour appréhender et considérer pleinement les réactions et réponses des élèves.
En ce qui concerne l’entrée « développement de la capacité d’auto-analyse », les FT se sont trouvé.e.s d’accord sur le fait que les étudiant.e.s ont déjà bien pris l’habitude d’analyser leur pratique par le biais des séminaires et des cours universitaires. Du coup, il s’agit bien pour les FT de susciter le questionnement de la part des étudiant.e.s, de leur faire décortiquer les situations d’enseignement et de gestion de classe.
Relevons pour terminer l’interrogation concernant non pas l’âge du capitaine mais qui en exerce le rôle en classe durant le stage. La discussion (qui a été interrompue par le gong) a porté sur la question de savoir si le/la FT laisse en quelque sort la barre à son adjoint.e, tout en restant bien présent.e, ou si l’étudiant.e la prend seul.e, avec son/sa FT comme filet de secours (pas sûr que les deux images se superposent, mais ce sont celles qui ont été données par les FT).
Prise de notes dans le groupe animé par Andreea Capitanescu Benetti, Sylvie Coutat et Yann Volpé
Analyse de cas – Catherine en classe de 3P
À partir de cette analyse de cas, les formateurs de terrain ont dégagé une forte remise en question chez Catherine autour de sa relation avec les élèves ainsi que de sa pratique. Cette remise en question permet d’identifier les éléments positifs (sa relation avec les élèves) et beaucoup (trop ?) d’éléments négatifs (posture, contrôle de la situation, …). Cela a amené les formateurs à s’interroger sur les conséquences de cette « forte » auto-critique sur la construction identitaire de Catherine. En effet elle prend conscience de certains points à améliorer mais cela semble devenir une forte exigence envers elle-même, et on pourrait se demander si elle peut parvenir à satisfaire ces exigences…
Cette analyse de cas a permis de dégager quelques pistes d’actions comme formateurs de terrain :
- pour favoriser un lien d’accompagnant :
- partager ses histoires d’enseignant
- laisser la place à l’étudiant dans les retours et son interprétation, permettre une auto-évaluation (attention car difficile)
- s’autoriser aussi des retours positifs
- favoriser une relation bienveillante et formative (être au clair avec son rôle de formateur accompagnant mais aussi veiller au respect du cadre)
- pistes pour soutenir la réflexion :
- quel enseignant j’aimerai devenir ? quel enseignant je ne veux pas devenir ? J’aimerais te voir devenir !
- s’éloigner du formateur-formatage, de la planification et prendre en compte les élèves dans leurs attentes autres que ceux des apprentissages, les imprévus …
- le formateur de terrain peut finalement dire à l’étudiant : j’aimerai de voir devenir, l’étudiant va devient un enseignant un fur et à mesure de ses stages mais aussi dans sa perspective d’évolution au cours de ses expériences.
Le dispositif d’analyse vidéo a été discuté, des éléments positifs (outil d’accompagnement de prise de recul) et négatifs (se dévoiler à un autre par la vidéo) sont ressortis. Le dispositif d’observation par le formateur de terrain pendant les stages peut lui aussi aider à certaine prises de conscience. Cependant les stagiaires doivent réellement considérer les formateurs de terrains comme des accompagnants et non (uniquement) comme des évaluateurs.
Prises de notes dans le groupe animé par Chantal Erard et Carole Veuthey
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Coformation du stage en responsabilité de 3 semaines du vendredi 9 mars 2018
Le corps et les émotions dans la classe : quels enjeux pour la formation ?
La coformation des stages en responsabilité cherche chaque année à renforcer la cohérence du domaine III du programme de formation des enseignant-e-s primaires, consacré à l’intégration et au développement professionnel des étudiantes et étudiants. Elle cherche aussi à nous aider conjointement, formatrices et formateurs de terrain et universitaires, à affiner nos regards et à accompagner et outiller les stagiaires dans leur cheminement.
Cette année, nous avons choisi de consacrer les journées de coformation des stages en responsabilité à la question de la corporéité dans l’enseignement et plus particulièrement à la question de savoir comment accompagner le développement professionnel des stagiaires dans ce domaine.
Après une première journée axée sur la posture, le déplacement dans l’espace, les manières d’incarner la figure de l’enseignant, nous vous proposons, cette fois-ci, d’aborder la corporéité sous l’angle des émotions. En effet, même si on en parle peu, les émotions sont omniprésentes dans la vie de la classe. Elles s’inscrivent dans le corps : l’émotion nous « étreint », on nous « prend la tête », on a la « boule au ventre », le cœur qui bat, la voix qui flanche, on éclate de rire, on flotte sur un petit nuage… Les émotions de l’enseignant, parfois en miroir de celles de l’élève, ou des collègues, sont aussi une clef de lecture des dynamiques interpersonnelles et de groupe. Comment poser un cadre contenant, qui sécurise à la fois les élèves et l’enseignant, au front des émotions de la classe ? Comment contenir un élève en crise? Quelle place au « toucher » dans le quotidien scolaire ? Comment exprimer sans se laisser déborder ? Ces questions —et d’autres sans doute— jalonneront notre journée et nous permettront d’interroger nos pratiques de formatrices et formateurs, de terrain et universitaires en matière d’accompagnement des stagiaires dans le développement des compétences professionnelles liées à la corporéité en classe.
Consulter le programme détaillé de la journée
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Prise de notes du groupe animé par Cynthia D’Addona, Geneviève Mottet et Sylvia Coutat
Dans notre groupe nous avons abordé le travail des vignettes en prenant trois regards de lecture : le regard de l’élève, le regard de l’enseignant et le regard du formateur. Nous n’avons abordé que la première vignette. Les pistes qui émanent de cette situation renvoient d’une part à la relation entre le FT et l’étudiant autour du vécu de l’élève le risque étant d’associer l’élève à une « étiquette ». Cette première étape peut inciter le stagiaire à une vigilance spécifique sur cette élève. Les différents comportements de l’élève dès le début du cours, qui à posteriori peuvent constituer des indices prévisibles, auraient pu être relevés afin de proposer quelques actions spécifiques (interpellation pour recentrer son attention lors des consignes, supprimer les ciseaux, discuter avec l’élève de son (manque) d’implication dans sa tâche). Les dispositifs « d’analyse de situation » proposés par les coordinateurs pédagogiques d’établissement ont été discutés à travers leurs apports (« pistes d’actions ») et les limites (des situations trop exceptionnelles). La discipline positive a aussi été proposée comme piste notamment avec le dispositif de « recherche de solution » qu’elle propose de mettre en œuvre.
Nous avons abordé la contenance physique autour des questions (abordées aussi dans la table ronde) :
- Quels les droits et quelles seraient les limites autour d’une contenance physique ?
- Comment gérer, anticiper l’effet de groupe « contre » le stagiaire (en résonnance au film primaire) ?
- Une fois qu’on a un choix de posture face à de fortes émotions, comment la conserver pendant toute l’année ? (Dans l’extrait du film detachement l’enseignant ne répond pas à l’insulte et la met de côté, mais cela sous-entend une force de contenance, sur l’instant mais aussi sur la durée !)
Prise de notes du groupe animé par Chantal Erard, Catherine Grivet Bonzon et Apolline Torregrosa
Les échanges entre les participants de notre groupe (tous niveaux d’enseignement confondus) ont permis de souligner certaines dimensions reliées à la thématique de la conférence et d’en discuter les enjeux au regard de situations précises vécues dans le cadre de la formation aux enseignants en contexte de stage :
- Tout d’abord la nécessité « d’être soi-même » et d’avoir un minimum de confiance en soi pour accueillir et contenir les émotions des élèves. Ce qui revêt une première difficulté à ce stade de la formation et du parcours de professionnalisation. Le stagiaire a en effet parfois de la peine à trouver la bonne posture et par conséquent la bonne distance dans la relation enseignant-élèves. Il se trouve alors en difficulté dans sa relation à la classe.
- Certains participants s’interrogent sur le « danger » potentiel de surinvestissement de la prise en compte des émotions dans le sens où cette position, qui serait celle de reporter « tout l’enseignement sur les émotions » risquerait de laisser de côté la dimension des savoirs, des contenus d’apprentissage et donc des didactiques.
- En même temps, il est souligné que dans l’espace classe (de plus en plus instable car perméable à des contextes sociaux difficiles), il est indispensable de tenir compte des émotions de chacun (élèves et enseignants) et c’est bien dans ce cadre et au regard de cet enjeux que les émotions, objet complexe inhérent à la relation enseignant/élève, deviennent objet incontournable de formation.
Prise de notes du groupe animé par Béatrice Brauchli, Glais Cordeiro et Andreea Capitanescu Benetti
Quelques réactions à la conférence :
-> Intégration d’enfants à besoins particuliers : certains gestes qui appuient la parole peuvent être contradictoires. De là l’importance de les expliciter par la parole.
-> Réactions concernant le film Detachment. L’extrait choisi peut refléter le quotidien des enseignants primaires aussi :
- Enfants qui tiennent tête et qui manquent de respect ;
- Appel à des moyens (éducateur, formation à la gestion du stress).
Des liens sont faits avec d’autres situations :
Dans le cas des élèves de 1P, lors de la séparation d’avec les parents, il faut les contenir. Certains élèves ont besoin d’un câlin. L’importance de la cohérence entre la parole et les gestes est relevée. Parfois, l’enseignant peut se rendre compte de certaines incohérences. Quand on est fâché, autant ne rien dire que de dire « tout va bien ». Le fait de se filmer peut aussi être très bénéfique. Cela permet de voir ce qu’on vit corporellement, tout ce qu’on véhicule malgré nous.
Réactions en lien avec le film concernant l’élève qui ne « veut » pas rentrer dans la lecture :
Cela dépend beaucoup de l’élève. En ce qui concerne les directives, certaines ambivalences sont pointées : comment instaurer la bonne distance ? Peut-on toucher les élèves ? Certains ont besoin d’un contact. D’autres n’aiment pas qu’on pénètre dans leur zone privée. On peut accepter les câlins (sans les encourager) mais il faut accompagner les élèves et les ramener à distance. « Je te prends dans les bras » (lien avec le film) peut être déconcertant. Cela ne correspond pas forcément aux habitudes des enseignants. Dans les cas de situations familiales difficiles, on peut comprendre que les élèves ont besoin d’une présence adulte. Avec les élèves envahissants, il faut déceler le trouble qu’ils ont. L’enseignant a un « feeling » qui lui permet de savoir quelle distance instaurer. Mais qu’est-ce que c’est que ce « feeling » ? Est-ce explicable ? Transmissible ?
Quel est donc le rôle du FT par rapport à la transmission de ce « feeling » ?
Lorsqu’il y plusieurs paramètres qui entrent en jeu, proximité, voix, regard, le sentiment d’intrusion est plus fort. Une FT donne un exemple pour illustrer comment elle procède. Elle parle du cas d’une maman qui demande un entretien parce que sa fille se sent exclue dans la classe. Elle dit avoir l’impression que la FT la déteste. Pour cette FT, il s’agit de cerner la vraie demande. Il faut discerner, au-delà de l’émotion, ce que cherche la maman et ce que l’élève veut dire. Il est essentiel de sortir des émotions pour revenir sur l’objet de la relation, en objectivant les buts de l’école, des tâches proposées en classe, qui visent des apprentissages. Il faut donc essayer de mettre en mots les émotions (surtout chez les élèves très jeunes) pour avancer dans la résolution du problème. Autrement dit, pour cette FT, l’essentiel de la relation n’est pas dans les émotions. Par ailleurs, les émotions des élèves suscitent aussi des émotions chez les adultes. De là, la nécessité de les verbaliser, de les expliciter très tôt, déjà au début de la scolarité : apprendre à retenir les émotions n’est pas bien mais on ne tape pas les camarades pour autant.
Coformation du stage en responsabilité filé du vendredi 17 novembre 2017
La corporéité en classe : quels enjeux pour la formation ?
La corporéité des enseignants stagiaires est un enjeu majeur de leur professionnalisation. Quelle posture adopter ? Comment se déplacer dans la classe ? Comment moduler sa voix en fonction des activités ou de l’état psychologique des élèves ? Comment enseigner sans crier, sans perdre son sang-froid ? Quelle distance adopter avec des élèves dont on se voudrait proche autant que respecté ? Comment incarner la figure de l’enseignant que l’on voudrait charismatique alors que la posture de stagiaire nous renvoie à nos balbutiements inexpérimentés ? Autant de questions auxquelles sont confrontés les formateurs et dont les réponses se trouvent à l’intersection de la subjectivité et de la réflexion sur les gestes professionnels et les gestes du métier (Jorro, 2002, 2004).
Premiers outils de l’enseignant, le corps et la voix restent paradoxalement peu envisagés en termes de formation (Jourdan, 2014 ; Grivet Bonzon, 2011 ; Grivet Bonzon et alii., 2017). La corporéité tient cependant une place prépondérante dans l’enseignement autant que dans les apprentissages. Corps d’enseignants, corps d’élèves se côtoient, se croisent, se plient à l’espace clos de l’enceinte scolaire depuis le Ratio Studorium des Jésuites en 1559. La classe comme espace particulier, le mobilier, la récréation, les activités scolaires, les emplois du temps, en un mot, la forme scolaire distincte de l’espace privé, disciplinent le corps des élèves et contraignent celui des enseignants qui se conforment eux aussi aux codes de l’école.
Le corps de l’enseignant, exposé aux regards de la classe est aussi celui qui met en scène les apprentissages, le corps et l’expérience (Dewey, 1934, 2010) des élèves. Il signifie les places et les statuts de chacun, tient à distance, apaise, encourage, protège ou menace. Il théâtralise la transmission des disciplines, tentant « de s’assurer ainsi d’une prise de possession des regards enseignés, de métamorphoser l’exposition passive en captation » (Pujade-Renaud, 1983). Primat de la perception (Merleau-Ponty, 1945, 1964, 1976) autant que socialement situé par l’interaction (Goffman, 1973, 1974), loin d’être neutre et certainement pas limité à la fonction d’outil technique, au sens de Mauss (1968), la corporéité renvoie aux élèves, mieux que des paroles et souvent à l’insu de celui qui s’exprime, des signaux révélateurs des émotions, des joies ou des peurs. Vêtements, attitudes, mobilité, intonations de la voix, espace corporel seraient chargés de « valeurs » ou significations distinctes. Le corps, dit le philosophe Merleau-Ponty, « est éminemment un espace expressif » créateur de mondes. Ce sont à ces mondes que nous nous intéresserons lors de cette conférence à travers les aspects socio-historiques, pédagogiques et didactiques de la corporéité scolaire au prisme de la formation des enseignants, en nous interrogeant sur la conscience du « corps au travail ». Catherine Grivet-Bonzon, le 26 octobre 2017.
Programme détaillé de la journée: cofo-filé 2017.pdf
Références bibliographiques :
Dewey, J. (1934/ 2010). L’art comme expérience. Paris : Folio Essais, Gallimard.
Grivet Bonzon, C. (2011). Enjeux sociaux, culturels et éducatifs de la pratique autonome des musiques amplifiées chez les adolescents. Thèse de doctorat, Ispef, Université Lumière, Lyon 2.
Grivet Bonzon, C. Mili, I. Jacquin, M. Knodt, P. & Haefely, I. (2017). Formations pédagogiques musicales en Suisse. Des outils didactiques émergents. https://www.erudit.org/fr/revues/rmo/auteurs/?letter=G
Goffman, E. (1973a). La mise en scène de la vie quotidienne, tome 1, La présentation de soi. Paris : Les Editions de Minuit.
Goffman, E. (1973b). La mise en scène de la vie quotidienne, tome 2, Les relations en public. Paris : Les Editions de Minuit.
Goffman, E. (1974). Les rites d’interaction. Paris : Les Editions de Minuit.
Jorro, A. (2002) De l’agir professionnel à la professionnalisation des enseignants. Rouen : Note de synthèse pour l’habilitation à diriger des recherches.
Jorro, A. (2004) Le corps parlant de l’enseignant. Entente, malentendus, négociation. Québec : Actes du colloque AIRDF.
Mauss, M. (1968). Sociologie et anthropologie. Paris : Les Presses universitaires de France, Quatrième édition, Bibliothèque de sociologie contemporaine.
Merleau-Ponty, M. (1945/ 1964/ 1976). Phénoménologie de la perception. Paris : Gallimard.
Pujade-Renaud, C. (1983). Le corps de l’enseignant dans la classe. Paris : ESF.
Corps d’enseignant corps dans l’enseignement
Prises de notes de l’atelier animé par Béatrice Brauchli et Sylvia Coutat-Gousseau
Suite à l’intervention de la conférencière, la discussion a porté sur les éléments de la corporéité qui sont importants pour l’enseignant[1], à commencer par la voix (en donner, en jouer), le regard (soutenu ou circulaire), le corps (souplesse et tonicité) et la gestuelle (contrôlée et appropriée). Puis le groupe s’est penché sur la question de l’utilisation de l’espace à travers la proximité et la hauteur vis-à-vis de l’élève, ainsi que l’occupation de l’espace classe.
La proximité pourrait être utilisée/perçue différemment selon :
- le degré : au cycle 1 les élèves peuvent être demandeurs de proximité (câlins chez les petits), alors qu’au cycle 2 les élèves recherchent parfois plus de distance et la proximité peut être perçue comme un élément perturbateur ou une sanction. Pourtant l’idée qu’il y a des attitudes propres à un cycle est nuancée par des contre-exemples, des élèves peuvent refuser le contact autant chez les petits que chez les grands, de même que la théâtralité de l’enseignant, qui implique mimiques faciales, grands yeux, ton de la voix, est présente dans les 2 cycles.
- les élèves : la proximité de l’enseignant avec l’élève peut le mettre en confiance mais pour certains elle peut provoquer un embarras. Du coup, il s’agit d’identifier « la bulle » de chaque élève et de la respecter.
- le sexe de l’enseignant : les enseignantes peuvent peut-être plus facilement être proches des élèves que les hommes, dont le contact peut être mal perçu et les gestes interprétés comme déplacés.
Il est ressorti de la discussion que la posture de l’enseignant doit être adaptée aux intentions dans les échanges. Il peut prendre de la hauteur pour affirmer son statut ou s’agenouiller pour se mettre au niveau de l’élève, l’idée n’étant pas d’écraser l’élève mais de le stimuler (notamment à travers la discipline positive).
Du point de vue des FT, le fait pour un stagiaire de se retrouver dans un environnement qu’il ne maitrise pas (surtout en début de stage), avec des acteurs qui ont déjà construit des relations, est nécessairement producteur de stress, stress qui se traduit par des facteurs corporels visibles.
L’occupation de l’espace semble être le facteur le plus révélateur.Les stagiaires adoptent généralement une position statique au bureau ou, lorsqu’ils varient les modalités ou formes sociales de travail, ils ont de la peine à considérer le groupe classe et tournent le dos à une partie de la classe ou occultent une partie des groupes. De plus, au début de leur stage, ils souvent focalisés sur leur planification (la fiche en main pour pouvoir s’y référer) et peinent à se décentrer par peur que leurs élèves leur échappent. Le fait d’avoir une foule de choses à gérer (planification, savoirs, gestion des élèves,…) amène les stagiaires à se focaliser sur ce qu’ils considèrent comme étant le plus important (essentiellement la transmission des savoirs) ou sur les urgences, puis peu à peu ils prennent conscience de leur attitude et s’ouvrent aux autres composantes du métier. Les stagiaires sont tous confrontés au même type de difficulté et progressent peu à peu dans leur maîtrise et utilisation de leur corps. Les stades d’évolution sont récurrents et font partie du processus d’entrée dans le métier.
Selon les FT, une meilleure connaissance du PER, des MER, des objectifs d’apprentissage devrait permettre aux stagiaires de s’autoriser des déplacements dans la classe et de saisir les moments pertinents pour ces déplacements.
Par ailleurs, les FT ont relevé que la communication corporelle se fait avec beaucoup d’implicites. Ils se sont interrogés sur leur degré de conscience de ces implicites, jusqu’où ces implicites peuvent être enseignés en formation et qu’est-ce qui est du registre de l’expérience et qui vient « au feeling », donc qu’on ne peut pas enseigner.
L’enseignant joue avec son corps tel un artiste joue avec son instrument pendant une représentation. L’aisance dans l’utilisation du corps comme outil d’enseignement nécessite une assurance et confiance en soi qui va se construire avec l’expérience. On peut se permettre d’être théâtral quand a pris de l’assurance.
Comme toute pratique d’instrument, les FT estiment que l’utilisation du corps se travaille et que certains éléments peuvent donc être « enseignés » aux stagiaires. C’est ce qu’ils ont tenté de symboliser sur des POSTERS, un par cycle d’enseignement.
Les FT du cycle 1 ont choisi de représenter leurs conseils par un bateau à voiles. Dans la coque, le fait d’« être soi », la base pour un enseignant. Dans les voiles, de haut en bas, ce que le stagiaire doit développer ou acquérir : la perception de la bonne distance, la pose de voix (moduler – voix forte/voix douce en fonction des intentions), la posture du corps (se baisser, oser se déplacer), le regard circulaire et l’empathie (se mettre à la hauteur, proximité, sourire).
Au cycle 2, le choix s’est porté sur une fleur. Au cœur : la personnalité, la confiance en soi, la prestance, le fait de trouver son style. Dans les pétales : les aspects sur lesquels vont porter les conseils, comme la gestuelle, les mimiques à utiliser, puis le fait de bouger/se déplacer dans l’espace (l’investir), le fait de modifier la voix en fonction des situations (en jouer), le regard, la posture à adapter et pour finir, dans le dernier pétale, le conseil de se lancer, tester, essayer (enlever le frein). Dans les feuilles, au pied de la fleur, les facteurs d’évolution et d’expérience.
Certains aspects de la corporéité n’ont été qu’effleurés et demanderaient à être repris, développés, notamment les spécificités liées aux didactiques.
Par ailleurs, en dehors du fait de les enseigner, la question du comment évaluer les gestes professionnels ne va pas de soi. Elle ramène à la distinction entre la personnalité et le geste professionnel : pour les FT, il faut que les stagiaires arrivent à utiliser leur corps à bon escient mais à leur façon et avec leur propre « style ».
Prises de notes de l’atelier animé par Chantal Erard et Andreea Capitanescu Benetti
Dans notre sous-groupe de travail, nous avons beaucoup échangé sur ce corps de l'enseignant qui est au travail. Les formateurs de terrain disent qu'ils travaillent surtout à faire l'artiste, le clown, se mettent en scène dans les petits degrés. Et que ce corps les aide à montrer, démontrer, faire les enseignements visés pour les élèves.
Les formateurs de terrain trouvent que nos étudiants sont souvent "mal dans leur corps de travail", qu'ils ne le mettent pas suffisamment au service de leur travail. Ils trouvent qu'ils sont bien formés et prêts didactiquement mais qu'ils ont du mal à incarner leur corps. Un corps qui se met en scène. Dans les disciplines scolaires, dans lesquelles le corps de l'enseignant est le plus exposé, c'est bien là que le corps des stagiaires s'efface, comme par exemple, en musique, en oralité, en théâtralité.
Comment se donner les moyens pour s'exercer en stage en responsabilité à avancer dans le métier et se développer sur cet axe-là ?
Oser s'exposer ! Jouer avec sa voix et son corps ! Se mettre en scène ! Ne pas avoir honte ! Ne pas avoir le sentiment de se sentir ridicule ou jugé ! conseillent nos formateurs et nos formatrices de terrain. Mais tout en sachant que nos stagiaires sont dans un double agenda : celui de s'exercer et celui de réussir car l'évaluation du stage point le bout de son nez.
Prises de notes de l'atelier animé par Nilima Changkakoti et Sandrine Aeby Daghe
Quelques réactions par rapport à la conférence et à la thématique de la journée :
- Au début impression que la corporéité de l’enseignement n’était pas un aspect si important, mais au fur et à mesure, prise de conscience du contraire : un aspect très pertinent, mais non conscient
- Ont apprécié les liens avec l’autorité
- Par rapport aux extraits de film : les deux classes n’étaient pas vraiment comparables.
Corps et autorité dans les petits degrés :
- Peut être compliqué, même pour des enseignantes chevronnées (recherche de solutions en commun avec le-la stagiaire)
- Certains étudiants n’ont pas l’habitude de la spontanéité, de s’exposer au regard des élèves ( ?)
- Contraste styles FT-STA : ex. : une FT théâtrale, dynamique - une étudiante douce, à la voix douce
- -> enjeu : limites de l’imitation, qui peut être rassurante, trouver son propre style, il y a une part de personnalité
Dans les pratiques au quotidien, on attire l’attention des stagiaires sur :
- En lien avec la discipline positive : l’importance du corps, d’une certaine sérénité, le regard menaçant ne suffit pas…
- L'importance de circuler, mais pas n’importe comment
- Les emplacements stratégiques dans la classe
- L’importance des règles de classe
- Le rôle du langage
- Du langage corporel lorsque l’on aborde une nouvelle notion
- Le fait que le corps nous révèle
- L’importance de la préparation, de la connaissance des élèves-> l’anticipation libère le corps
[1] Pour ne pas surcharger le texte, nous avons choisi de mettre enseignant et stagiaire au masculin.