Enseignement primaire: information au public

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  • Les enseignant-es ont pour objectif primordial de transmettre le savoir scolaire, tel que défini dans le Plan d’études romand. Leur tâche la plus ardue consiste cependant à lever les obstacles et les blocages qui freinent l’acquisition des connaissances chez les élèves.
  • Les enseignant-es doivent notamment tenir compte des prédisposition personnelles et variables des élèves. Il leur faut pour cela acquérir des compétences pédagogiques en complément des apports didactiques.
  • Les enseignant-es participent activement à l’élaboration du cadre institutionnel dans lequel s’inscrit ce travail.

Une situation de formation

Lecture et délibération

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Pendant un moment de lecture, une stagiaire raconte aux élèves l’histoire d’un enfant capricieux: «Le petit roi». Pour vérifier qui a bien écouté, elle pose ensuite une question à la classe: «pourquoi le livre s’appelle-t-il comme ça?» Certains enfants ont tout de suite la réponse, d’autres ne savent pas. Une vérification plus tard, plusieurs n’ont pas compris l’intrigue. Les plus discrets ont feint l’attention, hoché du chef quand il le fallait, mais en imitant leur voisin.

Cette tactique a trompé l’enseignante débutante, mais pas sa formatrice qui lui fait cette remarque: le livre est piégeux car on ne le comprend qu’entre les lignes, en pouvant comparer son roi (au sens figuré) à d’autres figures de rois déjà rencontrées. Or, des enfants ont fait ces rencontres en famille, d’autres non. On leur a déjà lu des histoires semblables, et montré les attributs de la royauté. Ignorer cette différence, c’est la transformer (sans le savoir) en inégalité : de bonnes prédispositions conduisent à la joie d’apprendre et à la réussite scolaire ; de mauvaises à l’échec et à l’autodénigrement. Réduire ce risque exige une différenciation préventive : désormais, la stagiaire demandera, au début de ce genre de récit, « qui connaît des histoires de rois » ? Ainsi pourra-t-on délibérer de toutes les lectures précédentes, y compris extérieures à l’école. Et la compréhension devrait collectivement progresser.

La première chose à connaître pour enseigner est le savoir scolaire et la manière dont les élèves peuvent se l’approprier. Leur scolarité a certes initié la relève aux différentes disciplines du programme, mais il reste à étudier comment elles sont structurées, dans et à quelles conditions de jeunes enfants vont à leur tour les apprendre ou non. Ce travail s’opère en référence au Plan d’études romand, ossature de ce qui doit s’enseigner dans tous les cantons. Du rôle des personnages dans un récit aux calculs de fractions, réussir à l’école ne demande en effet ni d’inventer ni de répéter des savoirs tout faits, mais de comprendre puis mobiliser des idées abstraites (pensée/action, nom/pronom, numérateur/dénominateur…). Le plus ardu pour le corps enseignant est de repérer et de lever les obstacles qui freinent sinon le développement des intelligences. Prévenir les blocages exige de solides compétences didactiques dans la douzaine des disciplines enseignées.

Difficulté supplémentaire : les élèves viennent toutes et tous à l’école pour apprendre, mais leurs prédispositions personnelles peuvent varier. Un certain nombre osent se lancer, faire des erreurs, poser des questions, chercher méthodiquement des réponses. D’autres se sentent menacés. Les plus désécurisés craignent de s’exposer, se retirent du jeu ou le troublent à trop s’agiter. Connaître ces écarts et savoir les compenser est la meilleure manière de prévenir les inégalités : en classe, mais en dialoguant aussi avec les parents pour qu’école et familles s’accordent sur un projet éducatif partagé. Des compétences pédagogiques complètent les apports didactiques pour assurer une gestion de classe et un climat scolaire de qualité, rendre les savoirs vivants et donner du sens à la scolarité.

L’enseignement ne peut donc ni s’improviser, ni se télécommander. Il demande de nombreux outils issus des expériences de terrain et formalisés par la recherche, que chaque praticienne ou praticien peut solliciter en fonction des besoins. Connaître l’histoire, le présent et une grande variété de méthodes d’enseignement et d’évaluation évite autant de figer que de diluer les pratiques. Identifier les objectifs disciplinaires et transversaux des plans d’études ; maîtriser les démarches et les moyens didactiques et pédagogiques adéquats ; combiner des gestes pertinents en situation (montrer, déléguer, observer, évaluer, questionner, corriger, signifier, etc.) : ces trois ingrédients sont constitutifs d’un guidage expert, socialement reconnu, à la fois ferme et différencié.

La légitimité de ce travail s’inscrit dans un cadre institutionnel qui le contraint et le soutient en même temps. Dans les systèmes éducatifs avancés, le corps enseignant participe activement à la création de ce cadre, en référence à une éthique professionnelle associant libre arbitre et service à la cité. Connaître les évolutions des modes de gouvernance et de prescription – dans un contexte d’interdépendance et de complexité croissante – est requis pour que la profession enseignante soit actrice des politiques éducatives. Collaborer avec d’autres professions et les familles, prendre part au perfectionnement des pratiques et à la conception de réformes réalistes sont décisifs pour pérenniser une instruction publique aussi efficace que possible et bienveillante que nécessaire…