Enseignement primaire: information au public

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  • La formation des enseignant-es doit permettre d’articuler les dimensions théoriques et pratiques du métier.
  • Enseigner n’est ni une «science» ni un «art». Cette profession implique des règles et de l’improvisation, un cadre et de la créativité. Les stages dans des classes prévus pour la formation des enseignant-es sont indispensables pour permettre ce passage du métier imaginé au métier réel.

Une situation de formation

Athlétisme et discernement

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Dans un séminaire d’analyse de pratiques, un étudiant rapporte une situation vécue en éducation physique. Pendant une leçon d’athlétisme, les élèves devaient «courir leur âge en minutes». Mais une enfant en surpoids n’y parvenait pas : elle souffrait, s’essoufflait, des camarades l’encourageaient en trottinant à ses côtés, mais cette prévenance la poussait à s’épuiser. « Peut-on forcer une élève? se demande l’étudiant interloqué. Ne faudrait-il pas la laisser marcher? La même consigne pour tous: est-ce un juste principe ou un déni de diversité?». Ses collègues déplorent l’acharnement : ils et elles feraient ralentir et même asseoir la fillette pour la ménager. Mais quelques-uns plaident pour le goût de l’effort, contre le nivellement; la grammaire ou le calcul tolèrent moins ce genre d’arrangements.

Quelle serait la bonne méthode, en réalité ? Faut-il vraiment choisir entre les deux morales de l’exigence et de la bienveillance ? On ne retrouve la culture et le bien commun qu’en passant de ce que doivent faire les élèves (sur commande) à ce qu’ils et elles devraient apprendre pour courir intelligemment. Si l’adulte dicte seul le tempo, il faut juste lui obéir parce qu’il veille à tout. Mais une pédagogie du discernement enseigne à contrôler soi-même son effort et son rythme cardiaque : pour courir vite ou lentement, mais de manière autonome, en réfléchissant au lieu de juste s’activer.

Les études visent la formation des compétences professionnelles nécessaires aux premiers pas dans l’enseignement. Elles articulent pour cela les dimensions théoriques et pratiques du métier. Ni les unes ni les autres ne sont suffisantes : c’est leur dialogue qui permet d’apprendre et de progresser de manière réflexive, en s’appropriant petit à petit les meilleures manières de procéder. Le parcours de formation alterne donc les expériences de terrain et leur confrontation aux savoirs issus de la recherche en éducation. Les stages sont l’occasion de découvrir et de s’approprier ce que font les enseignantes et enseignants chevronnés ; les séminaires de comparer entre elles les différentes expériences, pour construire une compréhension de plus en plus fine des intentions professionnelles initiales, des effets finalement observés et de leurs écarts éventuels.

Car plus le pouvoir de la profession est idéalisé, plus elle peut avoir besoin de répondre par des pratiques lucides, préférant l’examen des faits à la pensée magique. Ces pratiques doivent inclure leur propre évaluation : une surveillance régulière de la correspondance entre ce que l’on cherche à enseigner et ce que les élèves apprennent en réalité. La formation initie ce processus en combinant principalement trois ressources : d’abord des méthodes qui « font leur preuve » sur le terrain, sans forcément de mise en cause extérieure ; ensuite des recherches apportant un regard complémentaire sur les « bonnes pratiques » ; enfin un dialogue régulier entre ces deux mondes, pour allier (au lieu de cliver) la réflexion et l’action.

Ce qui vaut pour instruire les élèves vaut de même pour former le corps enseignant. La relève fait d’ailleurs souvent la comparaison : sa formation la convainc si et seulement si elle la trouve à la fois méthodique et adaptée aux situations. Enseigner n’est ni une « science » (mécanique), ni un « art » (romantique) : c’est un travail publiquement exercé, dont les usagers et usagères attendent unité et ajustement, ce qui implique des règles et de l’improvisation, un cadre et de la créativité. Enseigner la lecture, le calcul ou l’histoire ne se réduit ni à une marche à suivre, ni à une mise en scène de génie. Former à cet enseignement réclame de connaître des démarches plurielles, pour en tirer le meilleur parti en fonction du public visé et des objectifs poursuivis.

Le point commun de ces démarches est qu’elles peuvent s’expérimenter et se discuter. Au fil d’une dizaine de stages, les néophytes observent et s’inspirent d’autant de manières différentes d’opérer. Ils et elles apprennent comment leurs tuteurs et tutrices font la part des choses entre le travail prescrit, leurs conceptions de l’enseignement et les empêchements qui peuvent contrarier leurs plans. Passer du métier imaginé au métier exercé est parfois un apprentissage désarçonnant, menant au deuil du ou de la professionnelle parfaite, dévouée ou « sauveuse d’enfants ». La formation inclut des séminaires d’éthique, d’analyse de pratiques et de développement personnel pour accompagner les transformations identitaires vécues. Car chaque pédagogue est en fin de compte son propre outil de travail : un outil dont elle ou lui (et pas ses élèves) doit contrôler la fiabilité..