Formation pour l'enseignement primaire: information au public

Questions fréquentes

Cette page présente des informations, des données chiffrées et des travaux de recherche qui peuvent répondre à certaines des questions posées dans le débat public. Elle est régulièrement mise à jour en fonction des sollicitations reçues ou perçues par l'Institut.

Comment l'Université réagit-elle à l'intention du Grand Conseil de réduire la formation d'un an ?

La direction de l'IUFE a répondu à cette question et quelques autres, toutes posées par la Tribune de Genève, et publiées le 21 février 2024 dans ses colonnes. Le texte original de cet échange est reproduit ici. Le site de la formation pour l'enseignement primaire répond pour sa part aux questions pourquoi, à quoi, comment et où  former le corps enseignant primaire, et selon quel calendrier.

Comment réagissez-vous au vote du Grand Conseil visant à aligner la durée de formation sur les autres cantons (3 ans) ?

L’Université de Genève et l’IUFE prennent acte de la décision du Grand Conseil visant à ramener de quatre à trois ans la durée de la formation pour l’enseignement primaire, et du lancement annoncé d’un référendum.

Que répondez-vous à ceux qui jugent qu'avec une durée plus longue, Genève ne forme pas mieux ses étudiants, voire moins bien ?

La qualité des formations pour l’enseignement est un enjeu politique majeur non seulement à Genève, mais aussi en Suisse et ailleurs dans le monde. Elle est partout perfectible, et évolue constamment en fonction des avancées des pratiques, de la recherche et de l’évolution des attentes de la société. On ne peut parler de la qualité d’une formation qu’en regard des besoins auxquels elle répond. Sur la base de ce critère, la formation dispensée à l’Université de Genève a été jugée excellente par toutes les évaluations auxquelles elle a été soumise.

Sera-t-il possible, comme le stipule l'amendement PLR voté, de prodiguer une formation en trois ans permettant d'enseigner de la 1P à la 8P ?

Formellement oui : la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP) l’autorise. Mais les formations reconnues en Suisse renoncent le plus souvent à cette polyvalence : soit elles forment pour un cycle en priorité (1-4 et 5-8), soit elles ne qualifient que pour une partie des disciplines scolaires. Les Hautes écoles pédagogiques romandes sont collectivement engagées dans un projet de prolongement des études par un dispositif formatif d’entrée dans le métier.

En perdant une année, qu'est-ce qu'il faudra, dans les grandes lignes, supprimer de l'actuelle formation ?

La redéfinition du plan d’études est un chantier d’envergure que l’IUFE va mener avec la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, en étroite collaboration avec le DIP. On ne peut pas avancer des mesures avant d’en avoir étudié les conséquences, sur les plans pédagogiques et organisationnels.

Le métier s'est complexifié avec les années, avec des exigences supplémentaires (école inclusive, enseignement au/par le numérique, thématiques du harcèlement, etc.), sera-t-il possible de réduire la formation tout en formant correctement les étudiants à ces défis ?

Les attentes concernant l’école publique sont en effet de plus en plus fortes : prévention de l’échec et du décrochage scolaire, inclusivité, soutiens différenciés, implication des familles, apprentissage précoce des langues, sensibilisation aux nouvelles technologies, moyens de lutte contre le harcèlement scolaire, pour n’en citer que quelques-unes. L’Université s’attache à les satisfaire dans le respect du cadre qui lui est donné.

La formation genevoise serait trop théorique, les députés veulent une formation plus pratique. Peut-on quantifier la formation pratique actuelle à Genève, et sa proportion par rapport à la théorie ? Il semblerait que Genève soit le canton qui prodigue le plus de stages ? Est-ce vrai ? Est-ce que réduire à 3 ans permettra d'augmenter l'aspect pratique ou est-ce que cela aura au contraire l'effet inverse ?

Actuellement, Genève est en tête des formations pour l’enseignement primaire du point du volume de pratique.* Dans la procédure (en cours) de renouvellement de la reconnaissance du diplôme, la Commission compétente de la CDIP vient même de demander une réduction de ce volume car le plafond autorisé est dépassé. Une coupure d’un quart de la formation l’impactera dans son ensemble, sans augmenter aucune de ses composantes.

Quel est l'avantage d'une formation davantage axée sur la théorie qu'ailleurs en Suisse ?

La formation genevoise dure quatre ans, mais elle n’est pas davantage axée sur la théorie. Comme toutes les formations d’enseignant-es du pays, elle est basée sur le principe de l’alternance entre apports théoriques et expériences pratiques. C’est son volume et sa solidité globale qui sont augmentés.

Un argument pour raccourcir la formation est de dire que toujours plus d'étudiants préfèrent partir à la HEP vaudoise car la formation y dure trois ans. Que répondez-vous à cela ? Pouvez-vous quantifier ce phénomène et dire de quelle façon il a évolué ?

Les étudiantes et étudiants genevois qui n’ont pas été retenus en 2e année du fait de la procédure de sélection (environ 100 par an) peuvent se rendre ensuite à Lausanne. Ce n’est pas d’abord la durée des études qui motive leur choix, mais la quête d’un diplôme permettant d’exercer le métier qu’ils et elles ont choisi.

Est-ce que ces étudiants sont plutôt découragés par le fait qu'il y a un numérus clausus à l'issue de la 1re année à Genève ?

Voir ci-dessus.

Pourquoi y a-t-il un numérus clausus et qui l'a décidé ?

C’est le Grand Conseil qui l’a établi, en 1995. Le but de la sélection n’est pas de réguler l’accès à l’emploi, mais d’assurer la qualité de la formation en tenant compte du nombre de places de stage disponibles.

L'IUFE pourrait-il faire sans ce numérus clausus ? Ne pas avoir de numérus clausus signifierait-il former beaucoup plus d'enseignants que ne pourrait en absorber le DIP chaque année ?

Voir ci-dessus. Le nombre de places d’étude en deuxième année est déterminé par le nombre de places de stages disponibles (500 à 500 enseignants et enseignantes primaires accueillent les stagiaires chaque année). La Loi sur l’instruction publique attribue cette compétence au DIP, qui détermine le nombre de places de stage disponibles en fonction de la capacité d'accueil et d'encadrement de l'enseignement primaire (art. 134A). Si le nombre d’étudiantes et d’étudiants venait à doubler, il faudrait aussi doubler les capacités d’accueil du terrain.

Selon le DIP, l'exode d'étudiants à la HEP coûterait plus de 5 millions par an à Genève, laissant entendre que réduire la formation à trois ans permettrait de conserver ces étudiants à Genève et d'économiser cette somme. Est-ce aussi l'analyse de l'IUFE/Université ?

C’est la procédure de sélection, plus que la durée des études, qui explique ce phénomène. Ses conséquences chiffrées sont à voir avec le DIP. Elles ne dépendent pas de l’Université.

Le rapport sur le projet de loi insiste sur le fait que raccourcir la durée de formation ne pourrait pas laisser envisager d'économies budgétaires. C'est aussi ce que disait l'ancienne directrice de l'IUFE. Ce dernier maintient-il cette analyse ?

L’économie engendrée par le raccourcissement de la durée des études serait fortement contrebalancée par le besoin de former deux catégories d’enseignantes et d’enseignants (cycle 1-4 et 5-8). Le modèle actuel de formation est plus englobant, de nombreux cours sont mutualisés entre futures enseignantes et enseignants et autres étudiantes et étudiants, ce qui rend le programme efficient et permet des économies d’échelle. Ces éléments ont en effet été présentés et discutés dans le cadre des travaux parlementaires sur le projet de loi.

* Proportion de la formation pratique dans les différentes Hautes écoles (Lehmann, L., Criblez, L., Guldimann, T., Fuchs, W. & Périsset Bagnoud, D. (2007). Les formations à l'enseignement en Suisse : rapport dans le cadre du monitorage de l'éducation 2006. Aarau : Centre suisse pour la recherche en éducation.)

070000 Les formations à l'enseignement en Suisse-pratique.jpg

Quel lien observe-t-on entre la durée des études et le nombre d'inscriptions ?

À elle seule, la durée des études influence peu le nombre d'inscriptions. 70 jeunes genevois et genevoises vont chaque année se former à Lausanne, mais l’analyse des données montre que ce mouvement n’est pas dû au volume du programme. Les facteurs significatifs sont ailleurs.

Premièrement : 25 des 70 personnes concernées sortent chaque année de l’École de culture générale avec une maturité spécialisée en pédagogie, et préfèrent poursuivre leur formation en Haute école pédagogique plutôt qu’à l’Université ; raccourcir les études ne devrait pas modifier leur choix ; sur les 70 départs, seuls 45 restent donc en cause.

Deuxièmement : Genève impose une sélection que Lausanne ne pratique pas ; en moyenne, 243 personnes se présentent chaque année à l’Université pour 100 places ; cela démontre d’abord que les jeunes du canton tentent leur chance sur place malgré un fort taux d’élimination (42%) ; cela veut dire ensuite que 143 personnes sont écartées chaque année, parce qu’elles échouent à l’examen de français, à l’obtention des certification linguistiques (en allemand et anglais) ou à l’épreuve du concours ; il suffirait qu’un tiers de ces 143 personnes (donc 47) partent chercher une seconde chance à Lausanne pour rendre compte des 45 départs restant à expliquer ; or, 19 cas sont chaque fois avérés en fin de procédure, et une vingtaine d'autres soupçonnables en cours d'année ; compte tenu des témoignages recueillis auprès des volées genevoises, cette hypothèse est plus robuste que celle d’un départ immédiat vers Lausanne sur le seul critère de la durée ; 19 + 20 mouvements de ce type = 39, très près des 45 situations constatées ; ne restent ainsi possibles que quelques cas isolés, qui ne représentent qu'environ un ou deux dixièmes des 70 départs incriminés.

La conclusion de ces calculs est la suivante : si Genève conserve sa formation à l’Université et sa procédure sélective d’admission, les 70 motifs de départ annuels vont pour l'essentiel subsister ; une formation plus courte ne supprimera pas la mobilité observée. Les choses ne pourront changer que si l’admission devient aussi facile à Genève qu’à Lausanne, mais ce facteur n’est pas lié à la durée des études sur laquelle le peuple doit se prononcer. Tout indique plutôt que la relève genevoise préfère une formation complète, quitte à se soumettre à l’exigeante sélection actuelle. L’association étudiante demande d’ailleurs le maintien du programme en quatre ans. Et 30% de chaque volée en ajoute un cinquième pour obtenir une maîtrise.

Quel est l'impact de la durée de sa formation sur les compétences du corps enseignant ?

Les recherches constatent que deux aspects d'une formation pèsent sur les compétences professionnelles qui en découlent : premièrement sa qualité ; deuxièmement son volume. Logiquement, mieux vaut une préparation complète et soignée, que courte et bâclée.

En Suisse, nous ne disposons pas de comparaison désignant des cantons, mais une étude nationale a conclu que « le niveau de qualification des professeurs a un impact significatif positif très important sur le score des élèves (+11% en lecture, +12.7% en mathématiques et +12.9% en sciences) ; [c’est] une variable qui a un impact conséquent sur le score en lecture ; impact significatif et positif dans toutes les régions étudiées ; lorsque la proportion de professeurs avec un niveau élevé en pédagogie augmente d’une unité, le score en lecture augmente de +14% » (source : Meunier, M. (2007). Analyse économique de la production éducationnelle : le cas de la Suisse. Université de Genève, Thèse de doctorat en économie politique).

La recherche internationale confirme et précise cette tendance : le niveau de qualification de la profession est généralement corrélé au niveau des apprentissages des élèves dans tous les contextes et toutes les disciplines scolaires. Le bénéfice est d’autant plus marqué que l’accent est mis sur les enjeux didactiques et pédagogiques. Autrement dit : plus et mieux le corps enseignant est formé professionnellement, plus les classes ont de chances de bien se former à leur tour. À qualité identique, le volume et la durée du parcours contribuent à élever l’expertise professionnelle et la volonté de se perfectionner tout au long de la carrière. Une note de synthèse établit ainsi que « plusieurs études à grande échelle portant sur les qualifications des enseignants ont révélé que les enseignants pleinement préparés étaient plus efficaces que ceux qui étaient entrés sans préparation ; parallèlement, des études à plus petite échelle ont commencé à isoler les effets positifs d’innovations particulières, telles qu’un programme de cours et un travail clinique cohérents et soigneusement intégrés, et une formation au sein d’écoles de développement professionnel. » Source : Darling-Hammond, L. (2016). Research on teaching and teacher education and its influences on policy and practice. Educational Researcher, 45(2), 83-91.

La formation genevoise s’inspire de ces travaux. Plus longue qu’ailleurs en Suisse, elle est la seule à préparer la relève à enseigner dans tous les degrés et toutes les disciplines de l’école primaire : ce périmètre étend les connaissances et les compétences du corps enseignant à l’ensemble du parcours scolaire, ce qui contribue à la cohérence du suivi et de la progression des élèves.

Comment formation et accès à l'emploi s'enchaînent-ils le plus efficacement ?

Une formation courte donne plus vite accès à l’emploi : c’est incontestable. Mais la recherche montre aussi que plus la formation initiale est rapide et sommaire, plus les décrochages du métier sont fréquents. Autrement dit, accéder précocement au terrain fait courir le risque de le quitter plus rapidement. Du point de vue des personnes concernées et de l’État employeur, une formation solide est donc moins un coût qu’un investissement à long terme. C’est aux deux extrémités de la carrière – son commencement et sa fin – qu’il faut penser pour optimiser une formation. Les économistes de l’éducation constatent par exemple que « le risque de sortie du métier des enseignants titulaires d'une certification standard est 0,53 fois moins élevé que celui des enseignants qui n'en sont pas titulaires ; en d'autres termes, le risque de départ des enseignants titulaires d'une certification standard est réduit de 47 % par rapport à ceux qui n'ont pas de certification standard. » (source : Nguyen, T. D., Pham, L., Springer, M. G. & Crouch, M. (2019). The factors of teacher attrition and retention: An updated and expanded meta-analysis of the literature. Annenberg Institute at Brown University, 19-149)