Enseignement primaire

Les buts: à quoi former?

Les besoins | Les buts | Les méthodes | Les lieux | Les temps

  • Le corps enseignant a pour responsabilité primordiale de transmettre le savoir scolaire, tel que défini dans le Plan d’études romand. Sa tâche la plus ardue consiste à dépasser les obstacles et les stratégies d’évitement qui freinent l’acquisition de ces connaissances chez les élèves.
  • Une pratique experte doit notamment tenir compte des prédispositions personnelles et variables des élèves. Il faut pour cela acquérir des compétences pédagogiques et didactiques, croisant les savoirs à enseigner et ceux qui montrent comment ils s’acquièrent (ou non) dans le cadre fixé par l’institution.

La première chose à connaître pour enseigner est le savoir scolaire et la manière dont les élèves peuvent se l’approprier. Leur scolarité a certes initié la relève aux différentes disciplines du programme, mais il reste à étudier comment elles sont structurées, dans et à quelles conditions de jeunes enfants vont à leur tour les apprendre ou non. Ce travail s’opère en référence au Plan d’études romand, ossature de ce qui doit s’enseigner dans tous les cantons. Du rôle des personnages dans un récit aux calculs de fractions, réussir à l’école ne demande en effet ni d’inventer ni de répéter des savoirs tout faits, mais de comprendre puis mobiliser des idées abstraites (pensée/action, nom/pronom, numérateur/dénominateur…). Le plus ardu pour le corps enseignant, mais aussi le plus exaltant, est d’accompagner les élèves dans leur développement. Anticiper leurs raisonnements, repérer leurs faiblesses et leurs évitements, transformer un embarras en obstacle mesuré, qui va leur permettre d’affronter une difficulté et de réussir l’épreuve : tout cela exige de solides compétences didactiques dans la douzaine des disciplines enseignées.

Défi supplémentaire : les élèves viennent toutes et tous à l’école pour apprendre, mais leurs prédispositions personnelles peuvent varier. Un certain nombre osent se lancer, faire des erreurs, poser des questions, chercher méthodiquement des réponses. D’autres se sentent menacés. Les plus désécurisés craignent de s’exposer, se retirent du jeu ou le troublent à trop s’agiter. Connaître ces écarts et savoir les compenser est la meilleure manière de prévenir les inégalités : en classe, mais en dialoguant aussi avec les parents pour qu’école et familles s’accordent sur un projet éducatif partagé. Des compétences pédagogiques complètent les apports didactiques pour assurer une gestion de classe et un climat scolaire de qualité, rendre les savoirs vivants et donner du sens à la scolarité.

L’enseignement ne peut donc ni s’improviser, ni se télécommander. Il demande de nombreux outils issus des expériences de terrain et formalisés par la recherche, que chaque praticienne ou praticien peut solliciter en fonction des besoins. Connaître l’histoire, le présent et une grande variété de méthodes d’enseignement et d’évaluation évite autant de figer que de diluer les pratiques. Identifier les objectifs disciplinaires et transversaux des plans d’études ; maîtriser les démarches et les moyens didactiques et pédagogiques adéquats ; combiner des gestes pertinents en situation (montrer, déléguer, observer, évaluer, questionner, corriger, signifier, etc.) : ces trois ingrédients sont constitutifs d’un guidage expert, socialement reconnu, à la fois ferme et différencié.

La légitimité de ce travail s’inscrit dans un cadre institutionnel qui le contraint et le soutient en même temps. Dans les systèmes éducatifs avancés, le corps enseignant participe activement à la création de ce cadre, en référence à une éthique professionnelle associant libre arbitre et service à la cité. Connaître les évolutions des modes de gouvernance et de prescription – dans un contexte d’interdépendance et de complexité croissante – est requis pour que la profession enseignante soit actrice des politiques éducatives. Collaborer avec d’autres professions et les familles, prendre part au perfectionnement des pratiques et à la conception de réformes réalistes sont décisifs pour pérenniser une instruction publique aussi efficace que possible et bienveillante que nécessaire…

Une situation de formation
Lecture et délibération

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Aujourd’hui, la stagiaire commence un nouveau livre : « Le petit roi ». Elle s’est appliquée à préparer sa lecture : c’est l’histoire d’un enfant roi qui s’embête au milieu d’autres petits enfants rois. La débutante sait que l’album n’est pas simple. Elle veut bien faire en lisant le texte et en montrant les images en alternance. La classe est silencieuse et semble intéressée. Pour vérifier que les élèves ont bien compris, la lectrice pose finalement une question : « pourquoi le livre s’appelle-t-il comme cela ? ». Les réponses peinent à venir. La stagiaire pense qu’en montrant des images de rois, elle va aider les élèves à se représenter le personnage. Mais certains cherchent à deviner ce qu’il faudrait dire, d’autres imitent leurs camarades. Ces réactions montrent surtout que l’essentiel du récit n’a pas été compris. L’album a trompé la débutante, mais pas sa formatrice qui reprend la consigne explicitée dans la méthode de lecture : l’histoire du petit roi est basée sur un stéréotype (une idée simplifiée), qu’il faut mettre en lien avec d’autres lectures d’histoires de roi. La connivence culturelle se construit en classe, avec les élèves. Les textes d’aujourd’hui sont truffés d’allusions et de références, avec des images qui tissent d’autres fils que celui du récit. L’accompagnement des élèves dans cette complexité demande de l’anticipation et une fine compréhension de ce qu’un enfant doit comprendre pour lire petit à petit de manière autonome. Désormais, la stagiaire prévoira de lire des histoires de rois et demandera, au début de ce genre de récit, « qui connaît des histoires de rois » ? Ainsi pourra-t-on délibérer de toutes les lectures précédentes, y compris extérieures à l’école. Et la compréhension devrait collectivement progresser, parce que le but sera de pleinement l’enseigner.