Enseignement primaire

Les besoins: pourquoi former ?

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  • Entre quatre et douze ans, les enfants apprennent tout ce qui les prépare à leur future vie d’adultes. Cette formation, dispensée par le corps enseignant, exige de sa part des connaissances étendues.
  • Former une profession compétente est ainsi un investissement culturel et civique dont profite toute la population. En comparaison internationale, les pays affichant les meilleurs taux de réussite de leurs élèves sont ceux où la formation professionnelle est la plus exigeante.

Enseigner à l’école primaire est une tâche essentielle pour la société. Entre quatre et douze ans, les enfants doivent apprendre tout ce qui les prépare à la vie en commun : les subtilités du langage (oral et écrit), la rigueur du raisonnement (mathématique et scientifique), les codes de la culture (artistique et sportive), le sens des règles et des contraintes (prélude de la citoyenneté). Former complètement les futurs adultes, de manière cohérente et équilibrée, est le métier exigeant des enseignantes et enseignants généralistes. Les études couvrent ainsi une douzaine de disciplines scolaires, auxquelles s’ajoute tout le savoir-faire pédagogique permettant de les combiner dans les classes en tenant au mieux compte des besoins des élèves.

Trois langues vivantes, les outils numériques, l’éducation au civisme, aux médias, à la santé ou à la durabilité contribuent à densifier les programmes. Les compétences requises ne cessent ainsi d'augmenter, en réponse à des attentes élevées. En même temps, les familles s’inquiètent de plus en plus activement de la réussite de leur enfant. Entre légitimation de la sélection et idéal de l’inclusion, le corps enseignant doit relever le défi d’un guidage à la fois stimulant et bienveillant, incluant une part grandissante de différenciation. Aucune méthode clé en main ne peut réussir ce tour de force : il faut posséder et mobiliser de nombreux savoirs théoriques et pratiques pour agir et décider chaque fois à bon escient, en situation.

Jean Piaget, le grand psychologue genevois, disait que « plus l’écolier est jeune et plus l’enseignement est difficile ainsi que gros de conséquences pour l’avenir ». La recherche et l’expérience du terrain confirment ce diagnostic : former un corps enseignant compétent est un investissement culturel dont profite toute la population. Une profession hautement qualifiée détecte et sait d’emblée traiter les troubles et difficultés singulières ; elle incite les élèves à apprendre, leur donne confiance, crée entre eux un esprit de solidarité et facilite la suite de leur scolarité. En affermissant l'éducation à sa racine, une solide formation est ainsi la meilleure des préventions : la plus efficace et la plus équitable en même temps.

Un second bénéfice découle du premier : mieux les élèves apprennent, plus le corps enseignant apprécie et s’implique dans son travail, continue d’apprendre et persiste dans le métier. Tout cela stabilise l’école, mais aussi son environnement. En comparaison internationale, les pays font mieux réussir leurs élèves en formant bien la profession qui les forme. Le savoir et la culture résistent alors au dogmatisme et au relativisme, aux superstitions et aux vérités alternatives qui menacent sinon la démocratie. La formation initiale jette pour cela les bases d’une pratique raisonnée, fiable et responsable, ancrée dans des expériences réfléchies et les savoirs issus de la recherche les plus pertinents. Elle prépare la profession à penser et ajuster son propre travail. En alternant cours et stages, elle vise une expertise en prise directe avec les réalités. Elle est reconnue en cela par la Conférence suisse des directions cantonales de l’instruction publique.

 

Une situation de formation
Calcul et respect

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Au cours d’une leçon de mathématiques, quelques élèves répondent à tort que 2,8 + 3,12 = 5,20. L’enseignante en formation explique alors qu’il faut rajouter un zéro à 2,8 pour obtenir la bonne réponse 2,80 + 3,12 =5 ,92. Pour vérifier que la règle est bien comprise, elle demande ensuite de calculer 1,6 + 4,42. La plupart des élèves ajoutent le 0 au bon endroit, mais ils concluent par erreur : 1,60 + 4,42 = 4,102. Une fausse conception est ici à l’œuvre : celle qui considère un nombre décimal (4,42) comme la juxtaposition de deux nombres entiers (4 et 42) séparés par une virgule. Cette méprise est tenace, et ne peut être contrée par une simple règle dépourvue de sens. Comment donc s’y prendre ? La stagiaire va apprendre que les moyens d’enseignement commencent par initier les élèves aux fractions, en leur faisant manipuler un matériel adapté. En pliant des bandelettes de papier en parts égales, ils constatent que l’écriture 4,42 traduit l’écriture fractionnaire : 4+4/10+2/100 ou encore 442/100. La virgule prend ainsi tout son sens, un sens que le détour a permis de comprendre. Ce travail demande de repérer par étape chaque difficulté, d’élaborer une réponse ajustée, de rassurer les élèves qui craignent de se tromper, d’engager les autres à patienter ou à coopérer, quitte à ce que les rôles s’inversent à la prochaine leçon d’orthographe, de chant ou d’informatique. Dans ce genre d’enseignement, instruction et éducation ne font qu’une seule et même cause. C’est en apprenant à calculer (chanter, programmer, écrire, jouer, argumenter…) que les élèves apprennent (aussi) à se respecter. Et ce sont ces deux besoins que l’enseignante néophyte doit petit à petit apprendre à combiner.