10 septembre 2024 - Alexandra Charvet

 

Événements

Une exposition invite à rire avec les dieux

Des dieux ludiques et drôles sont à voir jusqu’au 13 octobre au Musée international de la Réforme, dans le cadre d’une exposition conçue par Philippe Borgeaud, professeur honoraire de la Faculté des lettres.

 

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La rangda, démone balinaise, fait danser tout un village - Photo: Lundi 13 / Nicolas Righetti

 

Jouer avec les dieux. Si la proposition du Musée international de la Réforme (MIR) peut sembler amusante de prime abord, elle est tout à fait sérieuse pour Philippe Borgeaud, professeur honoraire de la Faculté des lettres et commissaire de l’exposition du MIR à découvrir jusqu’au 13 octobre. Pour ce spécialiste de l’histoire des religions, le jeu est en effet au fondement des religions, bien plus que les croyances ou les dogmes. «Les rites sont des jeux avec des règles précises, et si celles-ci peuvent parfois paraître étranges, elles sont très importantes pour celles et ceux qui les suivent», explique le professeur. Cette idée, qu’il développait dans le dernier chapitre de son ouvrage (La Pensée européenne des religions, Éd. Seuil, 2021), a été le point de départ de l’accrochage au MIR.

 

Il aura fallu trois ans de travail pour rassembler la centaine de pièces qui constituent le corpus de l’exposition, déployé dans un enchaînement de salles aux couleurs audacieuses. «Quand on joue, on quitte le monde sérieux et productif de l’homme économique, précise Philippe Borgeaud. C’est cette mise à l’écart du réel, ce "pas de côté", qui constitue le fil conducteur de l’exposition.» Entrée en matière avec deux exercices religieux: la fête – ici, les bacchanales, dont le thème traverse toute l’histoire de l’art – et, par contraste, la retraite spirituelle. Des tableaux de fêtes exubérantes – une toile joyeuse d’Alice Bailly faisant face à une œuvre célèbre de Félix Valloton – animent ainsi la première salle, en compagnie de statuettes d’ascètes et de professions de foi.

C’est à un autre type de lâcher-prise, plus fondamental cette fois, qu’est consacrée la deuxième salle: le spectacle de transe, décliné selon plusieurs traditions. D’abord à Bali, avec la danse de la Rangda, un démon pourchassé par de jeunes villageois-es, puis au nord du Népal avec le chamanisme et enfin à Genève, au début du XXe siècle, où la médium Hélène Smith parlait en langues inconnues – dont le martien –, suscitant l'intérêt de la bonne société genevoise, laquelle fera même appel à Ferdinand de Saussure pour les déchiffrer.

De l’humour au sarcasme
L’humour est à l’honneur dans l’espace suivant, consacré à la distanciation qu’on observe dans beaucoup de religions. Ainsi, pour rire avec les dieux, caricatures, pamphlets contre le rire pascal et les reliques, crécelles de Pourim, dessins de Barrigue ou de Mix & Remix égayent le propos avant de passer, dans la salle suivante, au sarcasme. «Là, ce n’est plus du jeu: on se moque de la religion des autres, commente l’historien. Calvin des catholiques, les juifs du christianisme, la littérature des superstitions, sans oublier, bien sûr, l’iconoclasme, puisqu’on a toujours cassé des idoles, depuis Abraham jusqu’à l’État islamique.»

Un «magasin des croyances» complète l’exposition. Afin d’inciter les visiteurs et les visiteuses à la réflexion, on y trouve, en vrac, des livres fondamentaux, des traductions d’évangiles, des objets de piété qui sont en vente sur Internet – peluche prêtre pour enfants, grigris africains, ex-voto valaisans, chapelet japonais, etc. – et enfin, des jeux vidéo permettant littéralement de «jouer avec les dieux».

La bande-son de chacune des cinq salles a été composée par Vincent Barras. «L’exposition montre en quelque sorte la religion d’avant les religions, annonce le commissaire. La poésie sonore de Barras précède, quant à elle, la parole articulée.» Un catalogue, conçu comme un livre richement illustré, documente l’ensemble.




 

 

Jouer avec les dieux
Exposition
Du mardi au dimanche, de 10h à 17h
Jusqu’au 13 octobre | Musée international de la Réforme

Lire aussi «Aucune religion n’est tombée du ciel» (LeJournal de l’UNIGE, 29.04.2021)


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