17 octobre 2024 - UNIGE

 

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Des mini-anticorps bloquent les opioïdes

La découverte de nouvelles molécules capables d’empêcher les opioïdes comme la morphine et le fentanyl de se lier aux récepteurs de cellules du cerveau nourrit l’espoir de futurs traitements contre les méfaits de ces drogues.

 

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Le nanocorps NbE (en rouge) est capable de bloquer les récepteurs (en bleu) auxquels se lient normalement les opioïdes (en blanc, jaune et rouge) et de limiter les effets secondaires de ces derniers.
Image: UNIGE

 

Parmi les animaux contribuant à la recherche médicale, il n’est pas fréquent de voir figurer le lama. C’est pourtant bien cet animal des hauts plateaux andins qui, par le hasard de la recherche scientifique, a fourni un minuscule anticorps (un nanocorps) capable de se lier aux récepteurs cellulaires utilisés par des opioïdes et de bloquer ainsi l’action de ces puissants médicaments. Faite par les équipes de Miriam Stoeber, professeure associée au Département de physiologie cellulaire et métabolisme (Faculté de médecine), et d’Andreas Boland, professeur assistant au Département de biologie moléculaire et cellulaire (Faculté des sciences), cette découverte leur a permis de développer en laboratoire des molécules encore plus petites ayant les mêmes propriétés. Ces nouvelles substances naturelles et de synthèse, présentées dans un article paru le 9 octobre dans Nature communications, pourraient s’avérer beaucoup plus efficaces que les traitements actuels, comme la naloxone, pour contrer les effets néfastes des opioïdes.

 

La grande famille de produits pharmaceutiques des opioïdes, dont font partie la morphine, le tramadol et le fentanyl, est certes principalement utilisée en médecine comme analgésique mais elle est également connue pour produire un effet euphorisant. Le problème, c’est que les opioïdes sont très addictifs et que leur consommation s’accompagne d’effets secondaires susceptibles d’être dangereux, allant des vertiges à une dépression respiratoire potentiellement fatale. Détournés de leur usage initial, ces médicaments sont ainsi devenus les drogues à l’origine d’une crise sanitaire particulièrement meurtrière qui sévit depuis des années aux États-Unis (645 000 morts entre 1999 et 2021) et qui menace désormais l’Europe.
C’est dans l’idée de développer des molécules capables d’atténuer les effets secondaires des opioïdes et de mieux contrôler les risques d’overdose que les scientifiques ont étudié des nanocorps, c’est-à-dire de minuscules protéines naturelles dérivées d’anticorps de lamas. Celles-ci sont connues pour se lier précisément au récepteur cible des opioïdes à la surface de la cellule. L’un d’eux, le NbE, a révélé une capacité à se lier si étroitement et si durablement à ces récepteurs qu’il empêche les opioïdes de faire de même, bloquant l’action de la drogue.
Une analyse du nanocorps à l’aide de méthodes de microscopie électronique à haute résolution disponible au Centre d’imagerie Dubochet a permis de déterminer sa structure et de conclure que seule une partie de la petite molécule est responsable de sa faculté à sélectionner correctement le récepteur et à s’y attacher.
Fort-es de ce constat, les biologistes ont alors créé une série de molécules encore plus petites contenant seulement la partie du NbE responsable de la liaison avec les récepteurs opioïdes et dont des tests sur des cellules en culture ont montré un effet similaire. La petite taille de ces substances est un avantage puisque cela pourrait leur permettre de traverser plus facilement la barrière hématoencéphalique et d’atteindre les cellules du cerveau si elles devaient un jour être administrées à des individus.
Selon les premières observations, ces nouvelles molécules se montrent plus stables que la naloxone. Elles pourraient donc représenter une option plus durable et plus efficace que les traitements actuellement utilisés pour pallier les effets secondaires des opioïdes ainsi que les overdoses.

 

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