13 juin 2024 - Alexandra Charvet
La «falaise de verre», un frein à l'équité politique
Une étude s’est intéressée aux élections législatives françaises, de 2002 à 2017. Elle fait apparaître une falaise de verre pour les femmes et les candidat-es issu-es de minorités ethniques. Des profils souvent désignés pour pourvoir des sièges difficiles à gagner.
Valérie Hayer lors d'une conférence de presse à Bruxelles, le 10 juin 2024, au lendemain des élections du Parlement européen. Image: K. Tribouillard/AFP
En 2016, Theresa May devient première ministre juste après le référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne. En 2022, c’est Élisabeth Borne qui est choisie par Emmanuel Macron pour mener à bien la réforme des retraites et la transition écologique. Puis, en 2024, quasi assuré d’enregistrer une défaite cinglante aux élections européennes, il désigne Valérie Hayer en tête de liste de la coalition Ensemble. Ce phénomène, qui consiste à confier à des femmes des missions confinant à l’impossible, a un nom: la «falaise de verre». Il désigne également le fait de privilégier des profils minoritaires pour des sièges peu aisés à remporter. C’est ce que révèle une étude menée par Sarah Robinson, Vincenzo Iacoviello-Frederic et la professeure Clara Kulich, tous-tes trois à l’Unité de psychologie sociale (FPSE). Portant sur les données d’élection à l'Assemblée nationale en France, entre 2002 et 2017, elle est à lire dans le dernier numéro de l’International Review of Social Psychology. Entretien.
Pas de falaise de verre helvétique
En Suisse, la situation est un peu différente. «Lors des élections nationales de 2019, les femmes avaient même une chance plus élevée que les hommes d'être élues», relève Nathalie Giger, professeure associée au Département de science politique et relations internationales (Sciences de la société). Cette spécialiste du comportement politique a notamment publié, dans la Revue suisse de science politique, une étude expliquant le succès électoral féminin de 2019 – un nombre record de candidates avaient remporté un siège (42% au Conseil national; 26% au Conseil des États – par la conjonction de plusieurs facteurs: d’une part, la proportion des femmes sur les listes des partis avait augmenté par rapport à 2015 et, d’autre part, les candidates occupaient en moyenne de meilleures positions sur les listes des partis. «Les partis sont les acteurs clés de la représentation des femmes en politique, que ce soit au niveau de leur position dans les listes – déterminante dans le système électoral suisse – ou pour solliciter des candidatures féminines», note la professeure. Le succès féminin de 2019 était de plus lié à la modification du paysage des partis, les candidates ayant profité de la vague verte. La majorité des électeurs/trices du parti socialiste et des Vert-e-s a en effet indiqué qu’à qualifications égales, les candidates étaient préférées aux candidats. Toutefois, des points restent encore à améliorer. «Lors de nos travaux, les partis ont constaté qu’il reste difficile d’attirer des candidatures féminines, alors qu’il y a toujours des hommes prêts à s’engager, un ambition gap toujours d’actualité, rajoute la professeure. Il faut aussi noter la persistance des stéréotypes qui ont pour conséquence que certains domaines de compétence restent le plus souvent assignés en fonction du genre, avec les hommes à la défense nationale et les femmes aux affaires sociales.»