30 avril 2020
Lu dans la presse
Médecins et biologistes sont en première ligne dans la lutte contre le coronavirus. Mais des universitaires d’autres horizons s’emparent également du sujet dans les médias
Dans son édition du 26 avril, Le Matin Dimanche s’intéressait à la crise psychologique qui accompagnera probablement la période à venir. Loin d’être un séjour zen dans son cocon, le confinement a en effet généré un état de stress psychologique chez 40% des individus, selon une enquête nationale menée en Chine. Pour Stephan Eliez, professeur de psychiatrie, «l’une des raisons vient probablement du fait que les véritables motifs du confinement sont fréquemment mal interprétés. Le but était avant tout de faire baisser le ratio de contamination afin de ne pas engorger les hôpitaux et de mettre les personnes à risque à l’abri. Dans la réalité, la peur de la mort a été la vraie motivation pour beaucoup, même celles et ceux pour qui le Covid-19 est censé ne pas présenter de danger mortel, c’est-à-dire la majorité. Mettre le pied dehors représente alors un geste pouvant s’avérer fatal.» Conséquence de ce malentendu, certain-es confiné-es vivent avec un risque qui leur semble aléatoire et incontrôlable. Les conséquences à long terme pourraient générer une autre épidémie, celle de syndromes de stress post-traumatique. «On a beaucoup parlé des répercussions négatives de la solitude, de la promiscuité, de l’ennui et de la sédentarité, mais on n’a pas encore pris la mesure des séquelles psychologiques du déconfinement, s’inquiète Stephan Eliez. Cela aura un impact concret, avec une hausse prévisible des attaques de panique lors du retour au travail et un plus grand nombre d’absences dues à des arrêts de travail pour troubles psychiques.»
Nos habitudes musicales se sont modifiées avec la crise du coronavirus, c’est le constat du quotidien Le Temps dans son édition du 25 avril. Chez Spotify, par exemple, la tendance est aux playlists douces ou acoustiques, mais aussi aux compilations de morceaux des années 1950 ou 1980. «La nostalgie est un mécanisme assez caractéristique de la musique qui, comme les odeurs, nous renvoie à des événements du passé, explique Didier Grandjean, professeur au Centre interfacultaire en sciences affectives et au Département de psychologie. Avec la pandémie, nos routines ont été modifiées et nous faisons face à l’incertitude. Nous écoutons des musiques anciennes, que nous connaissons, pour y trouver une forme de réassurance.» En activant notre système de récompense, la musique est capable de générer des émotions très intenses, mais aussi d’apaiser. «L’an dernier, une méta-analyse que nous avons menée a pu démontrer que la musique provoquait une réduction de l’anxiété, souligne Didier Grandjean. Le rythme d’un morceau est important car il reflète celui du corps, qui varie selon nos émotions. Les musiques lentes, par exemple, permettent de le calmer.»
Le 19:30 du 27 avril revenait sur les résultats d’une enquête de la HES-SO Fribourg, menée auprès de 2480 personnes de 65 ans et plus, indiquant que plus de 60% d’entre elles ont le sentiment d’être injustement traitées et d’être mises en accusation par les jeunes générations. Pour la professeure Samia Hurst, directrice de l’ Institut Éthique Histoire Humanités, il est choquant de blâmer les personnes âgées, qui sont les premières victimes de la pandémie. «Toute notre organisation sociale est construite afin de permettre à chacun d’exercer ses droits et de faire un certain nombre de choix sans devoir risquer sa vie. Maintenant que la situation a changé et que tout est réorganisé pour continuer ainsi, il ne faudrait pas oublier de changer aussi les choses pour garantir ces droits aux personnes vulnérables. On ne peut pas simplement leur dire de rester à la maison et de mettre leur vie sur la touche pour une durée indéterminée.» Quant au fait de mettre toute une économie à terre pour protéger une population à risque, l’éthicienne rappelle qu’«il y a une grande tentation d’opposer santé et économie dans la manière de gérer cette crise, mais ces deux notions sont plus intégrées qu’on ne le pense. La pandémie tue l’économie tout aussi sûrement que les réponses anti-pandémiques. Le recul historique sur les épidémies préalables nous le montre: moins il y a de victimes, moins il y a de retombées économiques par la suite.»