Lu dans la presse

Regards d'une éthicienne et d'un historien
sur la crise sanitaire

 

Dans son édition du 18 mai, la Tribune de Genève livrait les visions de différentes personnalités sur une crise qui s’impose à toutes et tous. Directrice de l'Institut Éthique Histoire Humanités, Samia Hurst voit essentiellement le coronavirus comme un «révélateur de nos forces, de nos faiblesses, de nos failles et de nos valeurs». Pour elle, notre société s’expose à des dangers d’ordre éthique: «On peut à tout moment se tromper de priorité. Le risque principal consiste à négliger la valeur de la vie humaine.» La spécialiste évoque également le «paradoxe de la prévention»: dès lors que les mesures prises débouchent sur un succès, on a tendance à croire que les courbes de contagion se seraient tassées de toute façon. «Parce que la prévention a été efficace, on a l’impression qu’elle a été inutile», résume l’éthicienne. Parmi les choses que cette épidémie révèle, Samia Hurst pointe un «déficit de culture scientifique dans la population. Je ne parle pas du savoir, mais du «comment sait-on?» La méthode devrait être enseignée à l’école, au nom des enjeux démocratiques qu’elle recoupe. En sciences, quand on émet une hypothèse, on doit d’abord essayer de l’invalider. Chercher pourquoi on a raison est à la portée de tous. La démarche scientifique consiste à chercher pourquoi on a tort, et de ne conclure que l’on a raison que si l’on n’y arrive pas.»

 

Professeur honoraire à la Faculté des lettres, l’historien François Walter souligne de son côté les étonnantes facultés d’oubli dont a fait preuve ces derniers mois la société contemporaine. «Une des plus grandes surprises face au phénomène pandémique actuel, souligne-t-il, a été de constater l’absence de mémoire par rapport aux grippes qui l'ont précédé au XXe siècle. Je pense à l’asiatique de 1956 et à celle de Hong Kong de 1968. Je les ai vécues moi-même mais je n’en garde aucun souvenir précis. Pourtant, les deux ont causé la perte de centaines de milliers de vies dans le monde.» Dans son témoignage, le professeur met l’accent sur les sorties de crise à travers l’histoire: «Chaque crise suscite de nouvelles normes et produit du social. Au XIXe siècle, par exemple, le choléra ou le typhus ont donné un coup d’accélérateur aux politiques d’aménagement urbain, avec une amélioration des adductions d’eau et des égouts. Souvent, on en sort avec de nouvelles règles de comportement et des interdictions qui s’ajoutent aux existantes. Mais, de manière générale, on n’apprend pas grand-chose de ces expériences; les catastrophes, quelles qu’elles soient, n’entraînent pas d’éléments pédagogiques. On oublie vite et on se reprend à vivre comme avant. Ce sera le cas aujourd’hui encore, malheureusement.»

 

Étudiant en informatique, Marc Heimendinger était l’invité de l’émission Forum (RTS La Première) le 26 mai pour présenter l’application SmartQ qu’il a créée avec deux autres étudiants et une étudiante. L’outil développé vise à identifier l’affluence dans les commerces. «Avec le Covid-19, de longues files d’attente sont apparues devant les magasins et il est assez difficile de savoir quel est le meilleur moment pour s’y rendre», explique le jeune homme. L’application fonctionne sur le principe de la production participative (crowdsourcing). «Ce sont les utilisateurs eux-mêmes qui vont fournir l’information, précise Marc Heimendinger. Si vous êtes dans une queue, vous allez pouvoir indiquer dans l’application le nombre de personnes qui attendent avec vous. Ainsi, les autres utilisateurs/trices seront en mesure d’éviter les heures de pointe. Il faut donc un maximum de participant-es pour que cela fonctionne.» À terme, pour autant que le nombre de données récoltées devienne suffisamment important, il sera possible de fournir également des prédictions. Très simple d’utilisation, l’application est totalement anonyme et gratuite. «Notre but était d'aider la communauté, pas de gagner de l'argent, précise l'étudiant. Quand on se retrouve dans une queue de 500 mètres, on devient vite fou. On s’est rapidement dit qu’il fallait faire quelque chose pour remédier au problème.» Si des partenariats pouvaient être développés avec d’autres lieux dans un avenir proche, par exemple avec des stations de ski, l’application serait alors susceptible d’être lucrative.