9 avril 2020

 

Petit manuel de sagesse pédagogique en période
de pandémie

 

Chercheur en sciences de l’éducation, Olivier Maulini pose son regard de pédagogue sur les nouveaux rôles imposés aux parents et aux enfants par la pandémie dans un abécédaire publié en ligne. Morceaux choisis

 

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Le terrain est miné: des familles confinées dans des habitats transformés en salle de conférences et/ou en officine de télétravail, où parents et enfants cumulent tâches ménagères traditionnelles, activités professionnelles et scolaires. Recette pour crises de nerfs à répétition?

Pas nécessairement, estime Olivier Maulini, professeur à la Faculté de psychologie des sciences de l’éducation (FPSE) et responsable du Laboratoire de recherche Innovation-Formation-Éducation (LIFE). Dans un Abécédaire de pédagogie pour temps d’épidémie, publié en ligne et régulièrement mis à jour, il invite parents, et parfois grands-parents, à trouver le bon dosage entre le risque du laisser-faire et celui de l’omniprésence inquiète, tout en méditant sur quelques-uns des fondamentaux de la science éducative.

 

Dédramatiser

Première règle: dédramatiser. Les parents ne sont ni des enseignants ni des webmasters, et ils n’ont pas à le devenir. En revanche, il leur est possible de «prendre la situation inédite comme une occasion – peut-être unique et même inoubliable – d’entrer autrement en relation avec leurs enfants», suggère le chercheur. Comment? D’abord en ayant confiance dans le travail des enseignantes et des enseignants et en cherchant les meilleurs moyens de les épauler. À cet égard, les conseils et les recettes toutes faites qui fleurissent en ce moment sur internet ne sont pas toujours la panacée et risquent davantage de culpabiliser des parents débordés. Mieux vaut, selon Olivier Maulini, faire appel à son bon sens, à sa créativité et à sa panoplie de compétences.

Établir une nouvelle relation avec les enfants passe également, selon lui, par le recours à un langage permettant de dépasser certaines naïvetés du discours ordinaire – exemple: «Le coronavirus est une méchante bête qui tue des gens» –, en abordant le monde à l’aide de concepts un peu plus abstraits et plus objectifs: «Il serait quand même dommage que les enfants étudient en vase clos à cause d’un événement naturel dont ils ne comprennent mot. Si quelque chose doit émerger du confinement, que ce soit au moins une connaissance, sinon érudite, du moins non naïve de ce que sont les virus et de ce que la médecine en sait et en fait.»

 

Aucun enfant ne peut désirer s’autocontrôler s’il est sans cesse arraisonné

Le confinement serait-il propice à renforcer l’autonomie des enfants? Oui, à condition, là encore, de trouver le juste équilibre entre contrôle et acceptation, estime le pédagogue: «Peut-être faut-il les laisser un peu faire, et réguler en cas de problème plutôt que par des anticipations finissant par créer les résistances qu’on aimerait tant éviter. Plus l’âge est bas, plus le besoin de présence s’accentue, mais le principe reste le même: aucun enfant ne peut désirer s’autocontrôler s’il est sans cesse et d’abord arraisonné.»

Les enfants sont confinés, les grands-parents aussi. Les liens peuvent cruellement venir à manquer. Pour y remédier, Olivier Maulini suggère une méthode ayant fait ses preuves: le courrier postal, aujourd’hui numérisable à condition de posséder l’équipement nécessaire. «Écrire une carte à ses proches, c’est beaucoup plus qu’un geste de politesse. C’est l’obligation de réfléchir à ce qu’on vit, de se mettre à la place de ceux qui l’ignorent, de se demander ce qui pourrait les intéresser, de formuler les choses explicitement, pour qu’ils puissent les comprendre.» Lire et écrire, un beau programme pour conjurer la distance qui s’est imposée entre proches et amis.

Enfin, ce rapide tour d’horizon ne saurait se priver d’une recommandation apte à rapprocher pédagogie et sagesse: «Il paraît que nous dormons de moins en moins. Que même nos congés sont saturés d’activités. Que certains parents stressent leurs enfants par peur de les voir gaspiller leurs jeunes années. Et si apprendre à la maison, c’était d’abord apprendre à concilier travail et repos, ardeur et farniente, effort et sérénité?»