23 avril 2020
Lu dans la presse
Médecins et biologistes sont en première ligne dans la lutte contre le coronavirus. Mais des universitaires d’autres horizons s’emparent également du sujet dans les médias
La somme des changements apportés dans nos vies par le coronavirus peut faire peur. Ce sentiment nécessaire, mais parfois paralysant, était analysé sur les ondes de RTS La première le 13 avril. Émotion de base, la peur sert à se protéger et, dans le cas du coronavirus, c’est elle qui permet, entre autres, à chacun et à chacune de se plier aux consignes données par les autorités. À condition toutefois de ne pas basculer dans l’anxiété: «Lorsque la peur devient excessive, elle peut devenir une émotion qui, plutôt que de nous protéger, nous alerte à tort, explique Guido Bondolfi, professeur au Département de psychiatrie (Faculté de médecine) et médecin-chef du Service de psychiatrie de liaison et d’intervention de crise aux Hôpitaux universitaires de Genève. Avoir des soucis incontrôlables et excessifs est contre-productif.» Si redouter le coronavirus est rationnel, ce dernier fait pourtant plus peur que d’autres maladies. «Personne ne s’attendait à une telle situation, analyse David Sander, directeur du Centre interfacultaire des sciences affectives. Alors que l’impression générale était celle d'un certain contrôle sur les maladies, soudainement apparaît quelque chose d’assez incertain où il est difficile de prévoir ce qui va arriver. Cette incertitude renforce l’intensité de la peur.» Face à ces changements, les comportements des uns et des autres peuvent être très distincts et différentes stratégies sont mises en œuvre pour réguler la peur: «Le fait d’adopter les gestes barrières, comme se laver les mains ou acheter des masques, permet d’augmenter le sentiment de maîtrise et de contrôle face au virus et diminue la peur ressentie, précise David Sander. Une autre stratégie consiste, par exemple, à relativiser l’importance de la menace, à se dire que les conséquences ne seront pas trop importantes ou que tout sera très vite terminé.»
Dans son édition du 21 avril, le magazine Coopération décrypte les relations entre grands-parents et petits-enfants, au travers d’une interview du spécialiste de la psychologie de l’enfant Philip Jaffé (Centre interfacultaire en droits de l’enfant et Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation). Pour le professeur, le rôle des grands-parents est crucial: «Dans nos sociétés occidentales marquées par des changements sociologiques majeurs – essor de l’espérance de vie, femmes actives sur le plan professionnel –, les grands-parents possèdent de multiples casquettes. Ils épaulent notamment les parents dans la prise en charge des enfants, ont un rôle de soutien et apportent souvent un appoint financier aux loisirs des enfants. Figures morales, ils sont aussi les gardiens de certaines valeurs et le réceptacle d’une forme de sagesse. Grâce à leur capacité d’écoute, ils représentent un refuge pour les enfants quand ceux-ci vivent des tensions au sein du foyer familial.» Quant aux séquelles psychologiques de l’actuel confinement, le spécialiste souligne que les liens d’attachement des enfants avec leurs grands-parents passent par le tactile et que la perte de ce contact physique a des conséquences psychologiques. «De leur côté, les enfants vivent mal cette rupture du contact physique, d’autant plus qu’ils sont entiers sur le plan affectif, explique Philip Jaffé. Ils souffrent dès lors que les rituels entre générations soient bousculés, que les liens se distendent et que la proximité physique disparaisse. Quant à certains grands-parents, face à l’isolement forcé, ils se dévalorisent ou culpabilisent. Ils vivent avec le sentiment qu’ils paraissent fragiles et vulnérables aux yeux de leurs petits-enfants, ce qui a un effet significatif sur leur estime de soi et leur moral.»
Depuis plusieurs semaines, notre cerveau passe par toutes sortes d'émotions, entre les effets du confinement, la peur d'attraper le virus, les scénarios catastrophes véhiculés par la pandémie et la distanciation sociale. Le 21 avril, l'émission AntiVirus (RTS Un, intervention à 9:41 min) faisait appel à l'expertise du neuropsychologue Didier Grandjean (professeur au Centre interfacultaire en sciences affectives) sur le sujet. «Ce yoyo des émotions nous sollicite beaucoup et peut engendrer une certaine fatigue du système avec le temps, prédit le professeur. Ces fluctuations et l'incertitude régnante sont des paramètres précurseurs d'émotions souvent négatives.» Le rapport à l'autre, soudainement devenu une menace, se transforme également. Les images passées de rues bondées paraissent aujourd'hui surréalistes. Notre cerveau aurait-il déjà intégré que la réalité était différente? «L'être humain fonctionne avec des routines, explique le spécialiste des émotions. Il a tendance à adopter des comportements dont les conséquences sont prédictibles. Le confinement a cassé ce mode de fonctionnement et de nouveaux schémas ont dû être établis. Tout cela a un coût cognitif, cela sollicite notre système et occupe des ressources qui ne sont alors plus disponibles pour d'autres tâches. Et l'on va devoir recommencer avec le déconfinement.»