Si l’école doit travailler les questions environnementales, les enseignant-es sont souvent soucieux/euses de ne pas tomber dans le militantisme. «Il peut y avoir de l’autocensure par rapport à ces questions», constate Renato Alva Pino, chargé d’enseignement à l’IUFE et enseignant à l’ECG, qui interviendra lors de l’événement. «C’est pourquoi les cours sont généralement axés sur l’analyse des problèmes, en suivant un modèle causes-conséquences. Les enseignant-es passent ainsi très vite sur les types de solutions qui peuvent être envisagées, sans plonger dans leur complexité, ni entrer dans les controverses politiques.»
De l’indifférence à l’écoanxiété
Organisatrice de la discussion, Kristine Balslev, maître d’enseignement et de recherche au sein de LIFE, mène des travaux sur le développement professionnel des enseignant-es, en particulier auprès de celles et ceux qui, préoccupé-es par les questions climatiques, souhaitent faire évoluer leurs pratiques éducatives. «Les enseignant-es sont préoccupés par l’effet que leurs cours peuvent avoir sur le ressenti des élèves. Elles et ils redoutent à la fois de susciter de l’écoanxiété et d’être confrontés à de l’indifférence», constate la chercheuse. La tension est palpable à tous les niveaux, que ce soit sur la manière de créer de l’engagement sans déborder sur des éléments d’ordre privé – comme manger moins de viande par exemple – ni entraîner de la désobéissance civile, ou sur la nécessité d’être à jour sur les nouveaux savoirs tout en étant à même de les transmettre en classe.
La motion MCG, qui fait fi du rôle de médiation joué par l’enseignant-e, fait réagir les spécialistes. «Il ne faut pas croire qu’on devient militant-e simplement parce qu’on a entendu un discours, tempère Renato Alva Pino. Parler de la désobéissance civile à l’école n’est d’ailleurs pas nouveau, cela se fait déjà en histoire, avec l’apartheid, les droits afro-américains, la décolonisation... Les enseignant-es font face à des injonctions qui peuvent s’avérer contradictoires. D’un côté, on leur demande en effet de faire preuve d’une plus grande autorité, tandis que, de l’autre, on redoute qu’ils et elles abusent de celle-ci pour endoctriner leurs élèves.»
Construire une culture commune
Par le biais de cet événement, les organisateurs/trices souhaitent engager une discussion entre le public, les enseignant-es et les formateurs/trices afin de construire une culture commune sur la manière de traiter les questions environnementales à l'école. Pour les spécialistes, la pédagogie critique – qui vise la construction démocratique par le dialogue instauré entre les élèves et les enseignant-es – semble une voie prometteuse. «Ce type de méthode a pour vocation de lutter contre la naturalisation d’un système, précise Kristine Balslev. Croire qu’un phénomène est naturel et que rien ne peut être changé a un effet terrible sur l’imagination, alors qu’il va en falloir beaucoup pour sortir de la situation actuelle et envisager un avenir désirable.»
Parmi les pistes évoquées pour un meilleur traitement des questions environnementales à l’école, les deux spécialistes s’accordent pour mentionner l’interdisciplinarité – qui implique toutefois de grands changements de la forme scolaire actuelle –, la valorisation institutionnelle des initiatives lancées par les enseignant-es ou encore la formation professionnelle. «Au lieu d’énumérer simplement les solutions possibles, il s’agirait d’évaluer avec les élèves leurs potentialités et leurs limites, précise Renato Alva Pino. Il est donc important de former les enseignant-es à cette évaluation. Et si débattre à l’école n’est pas nouveau, la forme mérite d’être encouragée, en particulier avec l’arrivée de l’intelligence artificielle qui oblige à sortir de la simple restitution des connaissances.» Le manque de temps reste toutefois un problème, la pédagogie critique se révélant chronophage lorsqu’il s’agit d’assurer la participation de tous les élèves.