Au cœur de la Vieille-Ville, dans l’écrin de la MRL, une pièce entière propose un voyage inattendu à travers l’œuvre d’Italo Calvino. Un périple en trois escales dans un univers cosmique tout de bleu étoilé qui permet de découvrir comment la science et la littérature s’enchevêtrent continuellement dans les récits de l’écrivain. Premier arrêt, Les Cosmicomics, un recueil de 12 nouvelles publiées en 1965 dont chacune a pour point de départ une théorie scientifique liée à la naissance de l’Univers. Huit d’entre elles ont été saisies par une équipe de scientifiques qui les ont interprétées au travers du prisme de leur discipline. Ici, avec Au point du jour, la création de l’hydrogène et de l’hélium est décryptée par un chimiste, tandis qu’un dispositif ingénieux permet de visualiser les empreintes spectrales de ces deux éléments. Là, Les Dinosaures servent de prétexte à une géologue pour émettre les différentes hypothèses susceptibles d’expliquer l’extinction de ces animaux. Plus loin, La Forme de l’espace invite à explorer les notions de droites dans un espace courbe du point de vue des mathématiques et à récréer les trajectoires des personnages du récit dans un bac à sable.
Humanités numériques
La deuxième escale du voyage proposé par l’exposition est consacrée à «Atlante Calvino», un projet de recherche mené par l’équipe de Francesca Serra, professeure au Département des langues et littératures romanes (Faculté des lettres), qui a débouché sur la création d’une plateforme web interactive proposant une manière inédite de «voir» l’œuvre d’Italo Calvino (lire Naviguer à travers le brouillard numérique d’Italo Calvino). L’outil propose de plonger dans l’univers littéraire et critique de l’auteur en suivant plusieurs trajectoires d’exploration et en s’arrêtant à différents paliers qui correspondent à autant de niveaux d’analyse. «Une des conditions posées par la MRL pour notre exposition était qu’elle soit, dans la mesure du possible, sans écran», précise Shaula Fiorelli, collaboratrice scientifique à la Section de mathématiques et commissaire de l’exposition. «Pour montrer la plateforme numérique d’Atlante Calvino, nous avons donc choisi de représenter les 214 textes narratifs d’Italo Calvino sous la forme d’un archipel composé de montagnes, chacune figurant un texte et dont la taille est proportionnelle au nombre de caractères de celui-ci.» Un éclairage différentiel permet de visualiser l’œuvre narrative de plusieurs manières, selon des caractéristiques propres aux textes d’Italo Calvino (par chronologie, par type de lieux, etc.).
Enfin, la dernière escale du voyage est consacrée à la participation d’Italo Calvino à l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle). Ce groupe de recherche littéraire, fondé en 1960 par l’auteur Raymond Queneau et le mathématicien François Le Lionnais, s’est imposé des contraintes d’écriture, souvent d’ordre mathématique, obligeant à des astuces créatives. «Une des contraintes peut être, par exemple, la mise en facteur commun pour écrire un poème, détaille Shaula Fiorelli. La dernière syllabe de chaque vers est ainsi extraite, comme dans une formule mathématique:
(Ôtez votre cha_
Pour rentrer dans cette ex_
Car ce n’est pas un tri_
Hors de question de conserver vos ori_
Sous peine d’y laisser votre _
ou de payer plus d’im_) po.
La contrainte de Delmas, quant à elle, consiste à remplacer la lettre initiale des mots par une autre lettre afin d’obtenir un nouvel énoncé, comme dans Ceci est un _ateau _ouche.» Avec Le Château des destins croisés (1969, 1973), Les Villes invisibles (1972), Si une nuit d’hiver un voyageur (1979) et Monsieur Palomar (1983), Italo Calvino confronte le/la lecteur/trice à des histoires hétérogènes ayant toutes un point commun: la présence d’une contrainte qui structure leur contenu. Après avoir disséqué leur construction, l’exposition propose différentes activités faisant appel à l’imagination du public. Ce dernier est ainsi invité à pratiquer, lui aussi, l’exercice de la contrainte afin de découvrir par lui-même les mécanismes qui gouvernent ces quatre livres. Une dernière visite guidée gratuite permettra de découvrir l’ensemble de l’exposition le dimanche 5 novembre à 16h.