12 octobre 2023 - Rachel Richterich

 

Événements

«Notre société est toujours capable de ferveur solidaire»

Un vaste projet d’histoire publique explore les principaux mouvements de solidarité nés dans les années 1980 et questionne ce qu’il en reste aujourd’hui.

 

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Mur du chantier naval Lénine à Gdansk, en Pologne, où quelque 17’000 travailleurs ont mené une grève de 18 jours, 25 août 1980. Image:

 

Solidarity 1980 est un projet d’histoire publique réalisé par l’Université de Genève. Soutenu par le Fonds national suisse (FNS), il invite à se replonger dans les grands mouvements de ferveur solidaire nés dans les années 1980, d’en comprendre les raisons et de questionner notre engagement face aux défis actuels. Pour l’occasion, une plateforme incluant des podcasts, des projections-débats, des ateliers et bientôt une exposition virtuelle a été mise sur pied. Entretien avec Sarah Osman, auxiliaire de recherche et d’enseignement au Département d'histoire générale (Faculté des lettres).


Le Journal: Qu’est-ce qu’un projet d’histoire publique?
Sarah Osman:
L’histoire publique vise à rendre la science historique plus accessible et à désacraliser la recherche en utilisant d’autres canaux de diffusion que l’écrit. C’est ce qu’ont souhaité offrir Irène Herrmann et Renata Latała, respectivement professeure et collaboratrice scientifique à la Faculté des lettres, avec Solidarity 1980. Les podcasts permettent par exemple l’utilisation d’un vocabulaire plus simple, sans être simpliste, les ateliers réalisés avec les collégien-nes sont l’occasion de présenter des fonds d’archives et les projections-débats offrent un angle de vue resserré sur une problématique perçue parfois comme trop vaste par le grand public.

 

Qu’est-ce qui distingue les élans solidaires des années 1980 des autres mouvements sociaux?
Les manifestations de Mai 68 ou les mobilisations des années 1970 contre la guerre au Vietnam ont été des mouvements de révolte, de protestation contre un pouvoir, une institution ou une position politique. Les élans de solidarité, ces liens qui se tissent entre humains au-delà des frontières et par soutien, s'accentuent durant les années 1980. L’un des plus emblématiques a été la naissance de la fédération de syndicats Solidarnosc en Pologne, autour duquel un ralliement d’ampleur internationale s’est constitué. On peut aussi citer les réseaux de soutien à la population soumise à la dictature Pinochet au Chili qui se sont formés partout en Europe, y compris en Suisse.

 

Pourquoi parler de ces mouvements de solidarité aujourd’hui?
Bien que notre société semble moins engagée, elle est toujours capable de ferveur solidaire. Les récentes crises ont prouvé que nous avons toujours le potentiel de nous unir et de nous serrer les coudes. Que ce soit pendant la pandémie de Covid-19, avec la distribution de paniers de nourriture aux Vernets, ou dans le cadre de la crise en Ukraine, avec l’accueil de réfugié-es du conflit par des personnes privées. L’exposition 1980. Le moment solidarité vise à montrer la diversité de formes que ces mobilisations peuvent prendre. En offrant un regard sur le passé, elle invite à une réflexion sur notre présent.

 

Qu’est-ce qui a changé en quarante ans?
Sur le fond, rien, puisque ces initiatives répondent à une même envie d’aider son prochain de façon égalitaire. Sur la forme, cependant, les moyens de communiquer et de mobiliser ont considérablement évolué. Dans une société ultra-connectée, il est possible de rassembler très rapidement un grand nombre de personnes autour d’une cause. Le revers de la médaille, c’est que le feu s’éteint aussi vite qu’il s’embrase. Auparavant, en gardant quelque temps la focale sur une crise, les médias prolongeaient l’élan solidaire. Aujourd’hui, le flot continu d’informations tend à diluer l’attention.

 

Quels sont les prochains temps forts à l’agenda du projet Solidarity 1980?
Nous diffuseronsL’Homme de fer d’Andrzej Wajda le jeudi 19 octobre au Cinélux. Ce film raconte l’histoire d’un journaliste envoyé au port naval de Gdansk, en Pologne, pour décrédibiliser les mouvements de grève. Il questionne la loyauté envers soi-même confrontée au sens du devoir envers la communauté à laquelle on est lié. Nous continuons la série de projections-débats le 15 novembre avec la projection de Hunger (Steve McQueen) et le 14 décembre avec Le Procès de Prague (AIDA et RTS). Ces projections nous permettront de nous interroger, d’une part, sur la résistance et le sacrifice de soi et, d’autre part, sur l’engagement des artistes. Elles ont toutes lieu au Cinélux et les entrées sont gratuites. Un autre temps fort sera constitué par le vernissage, le 22 novembre, de l’exposition virtuelle. Elle aussi axée sur la Pologne et la Suisse, elle rassemble des articles de journaux, des images d’archives, des films et une grande quantité de photos.

SOLIDARITÉ 1980

Ateliers, débats, podcasts, concours, exposition virtuelle


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