12 novembre 2020 - UNIGE
La colonisation au féminin
Le rôle des femmes dans la «mission civilisatrice» de la colonisation a longtemps été ignoré par l’historiographie. Rebecca Rogers, professeure à l’Université Paris-Descartes et spécialiste de l’éducation coloniale française, offrira un éclairage sur le sujet lors d’une conférence du cycle d’études genre, lundi 16 novembre.
L'école de Madame Luce à Alger, photographie de Félix Jacques Antoine Moulin (1857), Centre des Archives d’Outre-Mer.
Véronique Eugénie Allix, future Madame Luce, s’installe à Alger en 1832. Fuyant un mariage malheureux en métropole, elle assure sa subsistance en donnant des cours aux enfants de notables français, en effectuant des travaux de couture ou encore des lessives pour le compte d’un hôpital militaire. En 1845, elle ouvre une école pour jeunes filles musulmanes proposant un enseignement de base: lecture, écriture et mathématiques. Avec 1000 jeunes filles scolarisées dans un pays qui n’en comptera plus que 250 dans les décennies qui suivront sa fermeture, l’établissement de Madame Luce marque le paysage local. L’école devient également une curiosité pour les étrangères de passage, en particulier britanniques, qui, comme on se rendrait dans un musée orientaliste, viennent y visiter l’atelier de broderie mis en place pour les élèves les plus âgées. Alors qu’elle a su à force d’âpres négociations s’assurer pendant des décennies des financements octroyés par le gouvernement colonial, en 1861 Madame Luce perd ses appuis politiques au profit des notables locaux, qui voient d’un mauvais œil le changement de statut et d’aspirations que semble induire l’éducation à la française de ces jeunes filles. L’institutrice se voit contrainte de mettre un terme aux activités de son école, à l’exception du fameux atelier de broderie.
Histoire coloniale ou histoire transnationale? Le genre de la mission civilisatrice
Conférence de Rebecca Rogers
Lundi 16 novembre | 18h15 - 20h00 | https://unige.zoom.us/j/99111367255