19 septembre - Melina Tiphticoglou

 

Événements

Quand la participation citoyenne ravive la démocratie

Pour marquer ses dix ans d’existence, l’Institut d’études de la citoyenneté invite à réfléchir à l’avenir de la citoyenneté et questionne le rôle que les assemblées citoyennes peuvent jouer face à la crise démocratique. Une conférence de Loïc Blondiaux fera le tour de la question le jeudi 26 septembre.

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 Conseil des habitant-es de la commune de Lancy. Photo: Ville de Lancy / A. Grosclaude

 

Quelles sont les relations entre inégalités et activité politique des jeunes? Comment développer la participation citoyenne des résidentes et résidents étrangers? La crise économique a-t-elle des conséquences sur l’engagement politique? Depuis dix ans, l’Institut d’études de la citoyenneté (InCite) mène des recherches sur la citoyenneté, dont plusieurs à l’échelle européenne. «Depuis le début, nous nous intéressons, entre autres, aux mouvements sociaux, à la participation non électorale et à l’intégration politique, ainsi qu’à la participation des personnes issues de l’immigration», explique Marco Giugni, professeur au Département de science politique et relations internationales (Faculté des sciences de la société) et directeur d’InCite.

 

«Le modèle de démocratie représentative – la Suisse fait un peu exception – semble être à bout de souffle, explique Victor Sanchez-Mazas, collaborateur scientifique d’InCite. Différents indicateurs plus ou moins alarmants, comme la faible participation aux élections ou une perte de confiance envers les politiques, appellent à des évolutions des différents systèmes démocratiques. Les assemblées citoyennes, composées de citoyen-nes ordinaires, susceptibles de dépasser les clivages idéologiques et la polarisation politique, représentent une solution en vogue que l’on a souhaité examiner à l’occasion de cette soirée.» L’événement se tient dans le cadre de la Semaine de la démocratie (lire ci-dessous).

Participation par tirage au sort
Depuis quelques années, les démarches participatives sont en plein essor. Les initiatives se multiplient et prennent différentes formes selon les objectifs visés et l’échelle choisie (communale, cantonale ou nationale). Dans ce domaine, InCite a acquis une solide expertise. Depuis 2017, il est en effet régulièrement mandaté par les collectivités publiques pour élaborer des solutions qui permettent de développer la participation citoyenne. C’est ainsi que, dans le cadre d’une collaboration avec le Bureau de l’intégration et de la citoyenneté, les Conseils des habitant-es de Lancy, Vernier et Thônex ont vu le jour. Dans chacune de ces communes, deux groupes de 25 personnes tirées au sort délibèrent durant quatre journées sur des enjeux choisis par les habitant-es, tels que la cohésion sociale, la transition écologique, l'aménagement des espaces publics, la vie de quartier ou la sécurité publique. «L’idée de ces assemblées citoyennes est d’apporter une perspective non partisane et collective, celle des citoyens ordinaires, construite à travers un processus de délibération qui cherche à atteindre le consensus», détaille Victor Sanchez-Mazas, maître d’œuvre de ces initiatives communales avec Matteo Gianni. «Ces assemblées sont ouvertes à l’ensemble des habitant-es de la commune, sans distinction de statut de résidence, d’âge ou de niveau de formation.»

Un tirage au sort par quotas permet d’assurer une certaine représentativité selon plusieurs critères comme le genre, l’âge, le statut de résidence, le niveau de formation ou la fréquence de vote. Toutefois, certaines catégories de la population participent plus difficilement à ce type de démarche – c’est, par exemple, le cas des jeunes, des résident-es étrangers/ères, des gens dont le niveau de français est faible ou qui se trouvent en situation précaire. Pour contrer cet écueil et assurer une certaine diversité, des efforts de mobilisation spécifique sont effectués à l’intention de ces publics par l’intermédiaire des associations, des maisons de quartier, des cours de langue ou des foyers.

Écoles de démocratie
À Genève, le premier Forum citoyen cantonal s’est déroulé en 2020-2021, à l’initiative du Département du territoire. La conception et la réalisation ont été confiées à Nenad Stojanović, professeur au Département de science politique et relations internationales et membre d'InCite, ainsi qu’à l’équipe du projet demoscan qu’il dirige. Trente habitant-es tiré-es au sort devaient répondre à la question «Comment voulons-nous habiter le territoire genevois pour mieux vivre ensemble dans le respect de la nature et faire face au changement climatique?» Après quatre week-ends de formations, d’auditions et de délibérations, répartis sur presque une année et accompagnés par des professionnel-les de la facilitation, un rapport final contenant 104 mesures a été remis au Conseil d’État. «Ce type de processus peut permettre de reconnecter les citoyen-nes à la politique et les élites politiques aux citoyen-nes, commente Victor Sanchez-Mazas. Il permet aussi aux citoyen-nes de s’approcher de la réalité politique, de comprendre sa complexité et de se rendre compte qu’il n’est pas simple d’accorder les avis. On appelle parfois ces espaces des écoles de démocratie, car les gens sentent qu’ils font partie d’une collectivité et qu’ils peuvent participer politiquement, qu’ils ont les compétences pour le faire.»

Dès le mois de novembre prochain, c’est au niveau suisse que l’exercice se déroulera. Cent habitantes et habitants tirés au sort dans toute la Suisse discuteront de l’augmentation des coûts de la santé. Le projet s’inscrit dans le cadre d’une recherche entreprise par Nenad Stojanović (UNIGE) et Daniel Kübler (Université de Zurich). Après deux initiatives portées par des associations et des fondations – l’Assemblée citoyenne pour une politique alimentaire (2022) et le Conseil du futur U24 sur la santé mentale (2023) –, l’Assemblée citoyenne 2025 est la première à être portée par les milieux de la recherche.

Formation continue à venir
L’engouement pour la participation citoyenne est tel qu’une formation professionnalisante se dessine. InCite prépare ainsi un Certificat de formation continue (CAS) en participation citoyenne et démocratie. Celui-ci donnera la possibilité d’acquérir le cadre théorique dans lequel ces projets devraient se dérouler et d’apprendre à concevoir des processus participatifs qui respectent les participant-es et qui permettent d’en maximiser les effets démocratiques. La formation s’adresse aux employé-es d’administrations publiques, aux membres d’associations et, évidemment, aux citoyennes et citoyens.

À l’occasion de son 10e anniversaire, l’Institut prévoit un stand d’informations sur ses différentes activités du 23 au 27 septembre dans le hall d’Uni Mail. Il organise également deux événements le 26 septembre pour réfléchir à l’avenir de la citoyenneté. La question sera d’abord posée à la trentaine de personnes, issues de la recherche, des administrations publiques et de la société civile, qui seront présentes à un atelier participatif et délibératif avec pour objectif d’esquisser une vision commune sur l’avenir de la citoyenneté. Puis, à 18h30, Loïc Blondiaux, spécialiste de la démocratie participative à l’Université Paris Panthéon Sorbonne donnera une conférence publique, suivie d’une table ronde (Uni Mail, salle MS160) sur les assemblées citoyennes et le rôle qu’elles peuvent jouer face à la crise démocratique.

 

LES ASSEMBLÉES CITOYENNES AU SECOURS DE LA DÉMOCRATIE?

Conférence de Loïc Blondiaux (Paris Panthéon Sorbonne), suivie d’une table ronde

Jeudi 26 septembre | 18h30 | Uni Mail, salle MS160
Uni Mail, 40 boulevard du Pont-d'Arve, 1205 Genève

Semaine de la démocratie: demandez le programme

La dixième édition de la Semaine de la démocratie portée par la Chancellerie d’État du Canton de Genève aura pour thème «Cultiver la démocratie». Une quarantaine d’événements se tiendront à Genève, dont cinq organisés par l’UNIGE entre le 26 septembre et le 10 octobre. Ces derniers exploreront des thématiques aussi variées que le rôle des assemblées citoyennes face à la crise démocratique, l’histoire du droit d’asile, les interactions souhaitables entre science et politique, le rôle des médias et de la philanthropie pour lutter contre la polarisation ou encore la place des enfants en tant que citoyen-nes. Une question que Beat Jans, conseiller fédéral chargé du Département de justice et police, abordera au cours d’une conférence suivie d’une table ronde en présence de jeunes, de personnalités politiques et d’expert-es.

Programme complet à l’UNIGE


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