Journal n°101

Le génome d’un millier de bières décodé grâce au grand public

couv

Visant à décoder le génome de 1000 bières, le projet «BeerDeCoded» devrait être financé par le grand public. L’équipe était à New York fin février pour préparer sa campagne de collecte de fonds

Quand on veut boire une bière au Japon et qu’on est fan de Calvinus blanche, est-ce mieux de commander une Sapporo ou une Asahi? Grâce à l’application «Beer DeCoded», l’amateur de houblon va pouvoir trancher rapidement en fonction de ses goûts. C’est ce projet insolite que Gianpaolo Rando, maître-assistant au Département de biologie moléculaire (Faculté des sciences), a présenté au premier hackathon de crowdfunding scientifique qui s’est déroulé fin février à New York.

La bière cartographiée
Le scientifique, qui étudie les liens entre nourriture et ADN, a réalisé lors d’une conférence qu’il s’était éloigné des problèmes qui intéressent vraiment le public. Il décide alors d’inverser le cours des choses et s’attelle à l’étude de l’ADN alimentaire. Lauréat du concours de la meilleure idée lors de la «Semaine de l’entrepreneuriat», son projet «Beer DeCoded» consiste à dresser une cartographie des bières du monde entier, grâce à l’analyse du génome de chaque breuvage. En effet, la bière a un ADN, celui de la levure et des céréales qui lui a donné son goût.
Seulement, pour décoder 1000 bières, il faut compter 20 000 francs. Pour réunir cette somme, Gianpaolo Rando décide de faire appel à la générosité du public et de passer par le financement participatif. Pour rendre sa campagne de collecte de fonds suffisamment ­convaincante, il s’inscrit pour participer au «Science X Kickstarter Hackathon», coorganisé par le Citizen Cyberscience Centre (CCC) de l’UNIGE.

Conserver l’énergie
A l’origine, un hackathon – contraction des mots «hack» et «marathon»– est un rassemblement, sur plusieurs jours, de développeurs qui codent sans interruption de manière collaborative. «Sur la même idée, de nombreux hackathons scientifiques se sont déroulés dans le but de développer de nouvelles idées, raconte François Grey, coordinateur du CCC et professeur associé au Centre universitaire d’informatique (CUI). Il y a une énergie formidable, mais qui retombe très vite.»
L’originalité de la manifestation new-yorkaise: permettre aux idées de se concrétiser en faisant financer les projets sur Kickstarter, la référence mondiale en matière de collecte de fonds en ligne (crowdfunding). Depuis 2009, la plateforme a permis de lever plus de 2 milliards de dollars auprès de 8 millions de contributeurs et a ainsi financé 78 000 projets. «Peu de recherches scientifiques visent un financement participatif, regrette François Grey. Les scientifiques, plutôt habitués à traiter avec le FNS, peinent à approcher le grand public. Pour que ça marche, il faut convaincre les gens que ce que vous faites peut avoir de l’importance pour eux et trouver un moyen ludique d’éveiller leur intérêt.»
A New York, l’art s’est mis au service de la science. Artistes, écrivains ou designers ont ainsi assisté les scientifiques pour construire des campagnes alléchantes sur Kickstarter, autour de projets qui vont de l’intelligence artificielle pour le tri des déchets à l’utilisation d’un laser pour détecter l’antimatière, en passant par le développement d’un harnais GPS pour les chiens de sauvetage.