La protéine Nef, clé de voûte du dispositif infectieux du VIH
Une étude élucide le mécanisme d’action d’une protéine du virus du sida dont le rôle consiste à inhiber les défenses de sa cible et à permettre au phénomène infectieux de se poursuivre
Une équipe de chercheurs, dont fait partie Federico Santoni, bio-informaticien au Département de médecine génétique et développement (Faculté de médecine), a découvert comment le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) s’y prend pour détourner une des défenses des cellules qu’il entend attaquer. Dans un article paru dans la revue Nature du 8 octobre, les auteurs décrivent le mode d’action, jusque-là inconnu, de la protéine Nef. Cette dernière, produite par un des neuf gènes du VIH, est connue pour jouer un rôle fondamental dans la réplication du virus et dans le développement de la maladie du sida.
Neutraliser sa victime
La protéine Nef est synthétisée notamment lorsque le virus s’apprête à infecter une cellule. Son rôle consiste à neutraliser une autre protéine, située à la surface de la victime cette fois-ci, et dont la fonction est justement de la protéger contre les assauts du VIH.
«C’est cette protéine de défense, appelée SERINC5, que nous avons identifiée, explique Federico Santoni. Nous l’avons trouvée en utilisant des VIH manipulés de telle sorte qu’ils ne synthétisent plus la protéine Nef. Nous avons alors remarqué que les lignées cellulaires humaines résistantes au virus se démarquent de celles qui y sont sensibles par le fait qu’elles expriment abondamment SERINC5 à leur surface.»
L’infection se déroule en réalité en deux temps. Quand le virus entre pour la première fois dans une cellule cible, il y parvient facilement, même s’il est dépourvu de Nef. Une fois à l’intérieur de sa victime, le virus se reproduit normalement. Son problème commence lorsqu’il en ressort en bourgeonnant. Durant cette étape, il se constitue une nouvelle membrane à partir de celle de la cellule infectée. Ce faisant, il emporte avec lui des protéines SERINC5. Dès lors, quand le virus – sans Nef – essaie de s’attaquer à une seconde cellule, SERINC5 agit comme un signal d’alarme prévenant de l’arrivée du pathogène et empêche toute nouvelle infection. En inhibant SERINC5, Nef joue donc un rôle vital pour le VIH et son développement infectieux.
Piste thérapeutique
L’étude montre également que Nef parvient presque toujours à neutraliser la protéine SERINC5 sauf quand cette dernière est fortement exprimée. Dans ce cas, la capacité d’infection du virus se réduit grandement. Pour les auteurs de l’article, une piste thérapeutique consisterait à renverser l’équilibre des forces et à favoriser massivement SERINC5. «La nouveauté de cette protéine, par rapport aux autres facteurs antirétroviraux déjà identifiés à ce jour, réside dans son mécanisme d’action inédit, précise Federico Santoni. De plus, SERINC5, contrairement aux autres, a la particularité d’être exprimée dans toutes les cellules de notre système immunitaire.»